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PRÉMICES


Jéhovah notre Dieu ! » et l’on se mettait en route, avec un bœuf à cornes dorées et couronné d’olivier, et un joueur de flûte. Chemin faisant, on répétait les paroles du Psaume CXXii (cxxi), 1 : « J’ai été dans la joie quand on m’a dit : Allons à la maison de Jéhovah ! »

— Aux approches de Jérusalem, de hauts fonctionnaires du Temple allaient au devant des arrivants et leur faisaient accueil. À l’entrée du Temple, chacun, même le roi, devait prendre sa corbeille sur ses épaules, et la porter à l’intérieur en chantant le Psaume CL, auquel les lévites répondaient par le Psaume xxx (xxix). Au parvis des prêtres, il la déchargeait et l’agitait, avec l’aide d’un prêtre, en proférant les paroles prescrites. Deut., xxvi, 3-10. Cette formule n’obligeait ni les femmes, ni les tuteurs, ni les esclaves, ni ceux qui présentaient des prémices après la fêle des Tabernacles. Cf. Bikkurim, i, 5, 6. La corbeille était portée près de l’autel, sans qu’on pût mettre sur l’autel même ce qui contenait du levain ou du miel, Lev., ii, ll, 12, et le sacrifice était offert. Si la corbeille était de métal, oh la rendait à l’Israélite porteur des prémices ; les prêtres gardaient pour eux les corbeilles de saule ou de jonc. — Après l’offrande des prémices, l’Israélite était obligé de passer la nuit à Jérusalem ; il ne pouvait repartir avant le lendemain matin. Cf. Bikkurim, II, 2, 3, i. — Les prémices appartenaient aux prêtres, ce qui explique l’empressement avec lequel ils accueillaient ceux qui les apportaient. Les prêtres de service pendant la semaine se les partageaient et les mangeaient à Jérusalem même, eux, leurs femmes, leurs esclaves et leurs bêtes, pendant le séjour en ville de celui qui avait présenté ces différents fruits. Num., xviii, 13 ; II Esd., x, 37. — Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 22. Philon a écrit au sujet de la présentation des prémices un petit traité De festo cophini, publié par Mai et par Tischendorf, Philonea, 1868, p. 69-71.

II. Prémices des fruits préparés. — 1° Ces prémices portent le nom de terùmâh, âçafpeu.a, cmaPx*), primitise. Elles font l’objet du traité Terumoth de la Mischna.

— Outre les prémices des fruits à l’état naturel, la Loi ordonnait encore de donner aux prêtres les prémices des produifs tirés des fruits, Exod., xxii, 29, nommément de la farine, Num., xv, 19, 21, du vin nouveau, de l’huile, même de la toison des brebis, Deut., xviii, 4, et en général de tous les produits de la terre ou des arbres. Cf. Terumoth, ii, 5, 6. Cette redevance devait être acquittée chaque année envers les prêtres par les Israélites non seulement de Palestine, mais aussi, après la captivité, de Babylone, d’Egypte, du pays d’Ammon et de Moab, et de Syrie. Toutefois les prémices de ces pays étrangers ne devaient pas êtres introduites en Terre Sainte. Cf. Te-umoth, i, 1. Les prémices des toisons étaient fidèlement offertes par Tobie, i, 6, qui, du royaume d’Israël, avant d’être emmené en captivité, se rendait régulièrement au Temple de Jérusalem et y présentait « les prémices » et ses « premières tontes », icptDToxovpiaç. Les prémices de la farine et des aliments dont elle formait la base étaient l’objet de prescriptions spéciales contenues dans le traité Challa de la Mischna. Saint Paul y fait allusion quand il dit que « si les prémices, àirapxij, sont saintes, la masse de la pâte, yjpa|ia, l’est aussi. » Rom., xi, 16. Était soumis à l’obligation des prémices tout ce qui provenait du froment, de l’orge, de l’épeautre, de l’avoine et du seigle. Cf. Challa, i, 1. Ces prémices ne s’acquittaient pas en farine, mais en pâte et en pain tout préparé. Cf. Challa, ii, 5. — La quantité de prémices à fournir n’était pas déterminée. Ézéchiel, xlv, 13, 14, suppose une proportion d’un soixantième pour le froment et l’orge, et d’un centième pour l’huile. On estimait généralement qu’il était dû un cinquantième ; les disciples d’Hillel opinaient pour un quarantième, ceux de Schammaïpourun trentième ; les

moins généreux se contentaient d’un soixantième. Sur les pains, les particuliers donnaient 1/24 et les boulangers 1/48. Cf. Challa, ii, 7 ; Eduyoth, i, 2. Saint Jérôme, In Eiech., xiv, 45, t. xxv, col. 451, dit que, selon la tradition juive, on pouvait s’en tenir à une quantité intermédiaire quelconque entre le quarantième et le soixantième. Cf. Philon, De.primitiis sacêrdotum, i, édit. Mangey, t. ii, p. 233.

2° L’usage de ces prémices n’était pas réglé. Chacun les attribuait au prêtre qu’il voulait. Ces prémices n’avaient donc pas un caractère sacré, comme les précédentes qu’il fallait aller présenter au Temple. C’étaient de simples redevances au bénéfice de l’ordre sacerdotal. La liberté que chacun avait de les distribuer à son gré ne laissait pas que d’aider les prêtres à se rendre aimables et serviables à tous. Sous Ézéchias, des prémices abondantes de vin nouveau et d’huile furent ainsi présentées, avec les autres prémices, par les habitants de Jérusalem aux prêtres et aux lévites, « afin qu’il s’attachassent fortement à la loi de Jéhovah, » c’est-à-dire au service du Temple. Il Par., xxxi, 4-10. Après la captivité, les Israélites s’engagèrent à porter au Temple leurs prémices de farine, de vin et d’huile ; mais ce fut dans le but d’attirer et de fixer les prêtres, alors peu nombreux, dans la maison de Dieu. Il Esd., x, 35-39 ; xii, 43 ; xiii, 5. Pour l’ordinaire, la redevance était acquittée partout où vivaient des prêtres. — Les prémices devaient être consommées en Terre Sainte par les prêtres en état de pureté et tous ceux de leur maison qui satisfaisaient à la même condition, Num., xviii, 11, leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. Leurs animaux même pouvaient manger des prémices. Cf. Terumoth, ix, 3 ; xi, 9. La fille d’un prêtre mariée à un simple Israélite n’avait pas le droit d’en manger, pas plus que ceux de sa maison. Lev., xxii, 11-13. Cf. Yebamoth, vu, 2 ; ix, 6. Une simple fille israélite mariée à un prêtre en mangeait, ainsi que ceux de sa maison, cf. Yebamoth, vii, 2 ; IX, 5, mais seulement du vivant de son mari. Cf. Gittin, iii, 4. — Cf. Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 200-205 ; Iken, Antiquilates hebraicse, Brème, 1741, p. 210-218 ; Schûrer, Geschichte des judischen Volkes itn Zeït. J. C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 249-250.

III. Remarques diverses sur les prémices. — 1° La pratique. — À toutes les époques de l’histoire d’Israël, il est question des prémices. Pour maudire les monts de Gelboé, David souhaite qu’ils n’aient aucun champ de prémices, c’est-à-dire qu’ils soient frappés de stérilité. II Reg., i, 21. Un homme de Baalsalisa apporte à Elisée vingt pains d’orge de prémices et du froment nouveau. IV Reg., iv, 42. Pareille offrande ne pouvait se faire qu’aux prêtres ; mais il n’y en avait plus de légitimes dans le royaume d’Israël, III Reg., xiii, 33, et le présent fait à Elisée ne procédait que de la générosité du donateur. Ézéchias remit en honneur l’offrande de prémices abondantes. II Par., xxxi, 4-10. Il est recommandé de faire honneur à Dieu des prémices de tout son revenu. Prov., iii, 9. Cf. Eccli., xxxv, 10. Ezéchiel, xx, 40 ; xliv, 30 ; xlviii, 14, rappelle que les prémices appartiennent au Seigneur et que celles des premiers produits de toutes sortes sont pour les prêtres. Les captifs de Babylone se plaignent qu’il n’y a plus d’endroit pour présenter les prémices au Seigneur. Dan., iii, 38. Après la captivité, cette institution fut restaurée. II Esd., x, 35-39 ; xii, 43 ; xiii, 5. Elle était en pleine vigueur à l’époque évangélique, comme le donne à supposer la composition des traités Bikkurim et Terumoth. — Deux offrandes de prémices étaient particulièrement solennelles, celle dés prémices de l’orge, à la Pâque, Lev., xxiii, 10, 11, voir Pâque, t. iv, col. 2094, et celle des prémices du froment et des deux pains, à la Pentecôte. Exod., xxxiv, 22 ; Lev., xxiii, 17. Voir Pentecôte, col. 119.