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POURPRE


la pourpre. Au dessus du port de Sidon, on rencontre des amoncellements de murex ouverts artificiellement, sur plusieurs mètres d'épaisseur et quelques centaines de mètres de largeur. Le long de l’isthme de Tyr, on constate des dépôts analogues (Hg. 161). À Pompéi, on a trouvé de semblables amas, indiquant l’existence d’anciens ateliers de teinture. Pour préparer la teinture, après avoir ouvert le sommet de la coquille, « on recueillait avec soin le suc un peu jaunâtre qui suintait de la blessure, on le laissait macérer trois jours avec du sel, on faisait bouillir dans des vases de plomb et l’on réduisait à feu doux ; on filtrait la liqueur au tamis, pour la débarrasser des résidus de chair qui y baignaient, et l’on trempait l'étoffe. La nuance la plus fréquente était lin sang frais poussant au noir par réflexion ; mais des manipulations graduées permettaient d’obtenir des tons rouges, violet sombre, améthyste. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, t. ii, 1897, p. 203, 204. Cf. Aristote, Hist. anim., v, 13 ; Pline, H. N., ix, 36, 37. Aujourd’hui, « les gamins de Tyr savent encore parfaitement bien teindre des chiffons de laine en fixant la couleur sécrétée par le mollusque avec un peu de carbonate de soude et du jus de citron employés comme mordants. Ces guenilles colorées en rouge violacé leur servent de drapeaux lorsqu’ils jouent au soldat comme les enfants de nos

160. — Murex hœmastoma.

pays. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 127. — 3° « La pourpre était considérée comme la plus précieuse des teintures, à cause de son éclat et de sa durée. Un des plus grands avantages de cette couleur est, en effet, de résister indéfiniment à l’influence de la lumière, qui, au lieu de détruire ou affaiblir les principes colorants, en augmente au contraire l'éclat. Elle présente de plus à un très haut degré ces reflets chatoyants et changeants si appréciés des anciens. » Lortet, ibid., p. 202. Le prix de revient de la pourpre était fort élevé, à raison de la faible quantité de matière colorante que contient chaque murex, du grand nombre de mollusques qu’il fallait recueillir et de la manipulation qu’il fallait faire subir au produit. D’après les estimations de Pline, H. N., ix, 36, 61, le poids des mollusques employés représentait plus de six fois celui de la laine à teindre. À Rome, la laine teinte en pourpre se vendait au poids de l’argent, et la laine deux fois teinte, en écarlate puis en pourpre, ou dibapha, Pline, H. N., ii, 39, 63 ; xxi, 8, 22, valait dix fois plus, soit 2300 francs le kilogramme. Cf. Guignet, Les couleurs, Paris, 1889, p. 139. — i° Le haut prix de la pourpre n’en rendait l’acquisition possible qu'à des personnages très riches. Cf. Hérodote, îx, 22. Elle était l’emblème de la royauté et plus tard de la puissance impériale. Cf. Udyss., xix, 225 ; Lucain, Pharsal., vii, 228 ; Eutrope, Breviar., îx, 8 ; Ammien Marcellin, xxi, 9 ; Cod. Theod., VI, xxiv, 3. Cod. Justin., ii, 8 ; vi, 12, etc. A Byzance, on appelait itopcpupoYévvTv™ ; , « né dans la pourpre », le fils du prince. Des ordonnances impériales restreignirent l’usage de la pourpre à certains dignitaires. Cf. Suétone, Cses., 43 ; Ner., 32 ; Philostrate, Beroic, xix, 15 ; Cod. theod., IV, XL. Les Phéniciens restèrent toujours les principaux fabricants et les fournisseurs des teintures de pourpre. Cf. Virgile, Georg, , m, 307 ; Tibulle, ii, 3, 58 ; 4, 28 ; Ovide, Ars amat., m t 170. Cependant les Lydiens parvinrent à leur faire une concurrence appréciée. Cf. Élien, Nat. animal., IV, 46 ; Valer. Flaccus, Argonaut., iv, 369, etc. On cherchait naturellement à imiter la pourpre. Ctésias, lndic, 21, dit que dans l’Inde ou se servait d’une fleur couleur de pourpre pour obtenir un produit de même qualité que ceux de Grèce et encore plus brillant. La fabrication de la pourpre au moyen du murex est délaissée depuis longtemps. Grâce aux progrès de la chimie, on obtient beaucoup mieux et surtout à meilleur marché. Cf. A. Schmidt, Ueber die Purpurfârberei und den Purpurhandel im Altertum, Berlin, 1842 ; Von Martens, Purpur und Perlen, Berlin, 1874.

II, La pourpre dans la Sainte Écriture. — 1° Moïse reçut l’ordre de recevoir des Israélites, au désert, la pourpre nécessaire à la confection des objets du culte. Exod., xxv, 4. On lui en apporta en effet, Exod., xxxv, 6, 23, 25, 35, ce qui suppose que le fil de pourpre était

161. — Conglomérat de débris de murex truncuîus trouvés à Tyr. — D’après W. R. Wilde, Narrative of a voyage to Madeira, Teneriffe, along the shores of the Mediterranean, 2 in-8°, Dublin, 1840, t. ii, p. 482.

assez commun en Egypte et que les Israélites en avaient emporté en quittant ce pays. Les fils de pourpre furent employés à confectionner les tentures du Tabernacle, le voile du Saint des Saints, Exod., xxvi, 1, 31, 36, les tentures de la porte du parvis, Exod., xxvii, 16, l'éphod, la ceinture, le pectoral, les grenades de la robe du grand-prêtre. Exod., xxviii, 5, 6, 8, 15, 33 ; xxxvi, 8, 35, 37 ; xxxviii, 18, 23 ; xxxix, 1, 2, 8, 22, 28. Dans la confection de ces travaux entrent trois éléments : le rakêlél, hyacinthe ou pourpre bleue-violette, tirée, d’après le Talmud, du hilzôn, mollusque à pourpre, voir Couleurs, t. ii, col. 1066 ; Y’argdmàn, ou pourpre rouge, et le tôld' ou cramoisi. Voir Cochenille, t. ii, col. 818 ; Eccli., xlv, 12. — Quand Salomon voulut bâtir le Temple, il demanda à Hiram un ouvrier habile à teindre en pourpre. II Par., ii, 7, 14. Pour fabriquer le voile du Temple, on employa le byssus, le bleu, le pourpre et le. cramoisi, II Par., iii, 14, c’est-à-dire qu'à l'étoffe de bûs, voir Lin, t. iv, col. 264, furent joints des fils de laine bleue, pourpre et cramoisie. — Dans toute l’antiquité, l'étoffe de pourpre fut considérée comme la plus riche et la plus magnifique de toutes. Aussi on en revêtait les statues des dieux. Jer., x, 9 ; Bar., vi, 71. On disait que l’Héraclès phénicien avait offert à Astarté la première tunique teinte avec la pourpre tyrienne. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 127. La statue de Jupiter Capitolin, à Rome, celle des Dioscures, à Sparte et à Messine, portaient des manteaux de pourpre