Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
50
PENTAPOLE — PENTATEUQUE

c’est-à-dire des Sodomites, au sud-est et au sud de la mer Morte. Cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 286-292. Dans la seconde hypothèse, le territoire de la Pentapole est prolongé beaucoup plus loin au sud que ne le comportent, semble-t-il, les données de la Bible et la conformation du sol : Ségor était, en effet, de ce côté la limite de la région arrosée par les eaux du Jourdain, choisie par Lot pour son habitation. Gen., xiii, 10-12. Et au delà de la Sebkhah, le sol se relève et commence le seuil devant lequel le Jourdain devait s’arrêter. Les diverses locutions par lesquelles sont indiquées les relations ou la position des autres villes par rapport à Sodome, dont elles sont les « filles, les voisines, les villes du pourtour », déterminent aussi le rayon du cercle dans lequel on peut les chercher. La troisième opinion ne paraît pas sortir de ces limites. On pourrait seulement lui contester, admise la préexistence de la mer Morte jusqu'à la hauteur du Lisân, la possibilité pour le Jourdain de conserver ses eaux aptes pour l’arrosage des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur lesquelles elle s’appuie sont incontestables comme il le semble, elle demeure inébranlable et elles font de cette possibilité une certitude ou sont la preuve de la formation ultérieure de la mer Morte ; c’est la question des origines de ce lac.

Histoire.

En principe, la Pentapole apparaît habitée par des peuplades chananéennes de race ou d’assimilation. Gen., x, 19 ; Num., xiii, 30. Arrosée par le Jourdain, jusqu'à Ségor, elle ressemblait alors à l’Egypte et formait un jardin divin ; sa beauté et sa fertilité tentèrent Lot, qui la choisit pour sa résidence, quand Abraham lui proposa de se retirer chacun à part. Gen., xiii, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de la Pentapole avaient été vaincus, dans une bataille livrée dans la vallée de Siddim par Amraphel, roi de Sennaar, Arioch, roi d’Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Élam, et Thadal, roi de Goïm (Gutium). Ils avaient subi leur joug pendant douze ans, quand, fatigués de le porter, la treizième année, ils avaient repris leur indépendance. L’année suivante, Chodorlahomor et ses alliés, après avoir ravagé tous les pays des alentours, s’avancèrent de nouveau contre les rois de la Pentapole. Ceux-ci avaient rangé leur armée en bataille dans la vallée de Siddim. liattus cette fois encore et obligés de fuir, leurs troupes tombèrent dans les puits de bitume, nombreux dans la région. Ceux qui purent échapper gagnèrent les montagnes. La Pentapole fut livrée au pillage et la population emmenée en captivité. Parmi les captifs se trouvait Lot. Averti, Abraham se mit à la poursuite de l’armée victorieuse. Il tomba sur elle à l’improviste, la mit en déroute, reprit tout le butin et ramena les prisonniers. Gen., xiv. Dans l’oisiveté et les jouissances de la table que leur permettait l’abondance de tous les biens produits presque spontanément par le sol le plus fécond, aveuglés par les richesses et l’orgueil, les habitants de la Pentapole étaient descendus au dernier degré de la perversion morale et s'étaient livrés aux désordres les plus infûmes. Gen., xiii, 13 ; xviii, 20 ; xix, 14-21 ; Ezech., xvi, 49. Le Seigneur les punit en anéantissant la Pentapole avec ses habitants. Gen., xviii, 20-xix, 30 ; Deut., xxix, 23, etc.

Cette terre riante et fortunée devint un désert inhabitable. Des monts de Judée, elle apparaît, pendant l'été surtout, par suite de l'èvaporation extraordinaire de la mer Morte, semblable à une contrée fumante et plongée dans les brouillards. Les quatre villes brûlées n’ont plus jamais été relevées. Si on en voyait encore les débris au temps de l’historien Josèphe, aujourd’hui on ne sait plus même où les chercher. La statue de sel à laquelle les auteurs sacrés fout allusion, Gen., xix, 26, et Sap., x, 6, aurait existé encore au premier siècle de l'ère chrétienne, s’il faut en croire Josèphe qui assure l’avoir vue. Ant. jud., i, xi, 4. On la montrait longtemps après encore et aujourd’hui même un bloc de sel du Djebel Esdoum est appelé bent šeik Lout, « la fille (au lieu de la femme) de Lot. » Il est douteux que ce soit le même dont parlaient les anciens. Voir Lot (La femme de), t. iii, col. 365.

L. Heidet.

PENTATEUQUE, nom donné aux cinq premiers livres de la Bible.

I. Noms.

De la collection.

Le nom de Pentateuque n’est pas original. Il suppose la division en cinq livres qui, elle-même, n’est pas primitive. Sa plus ancienne attestation se trouve dans Philon, De Abrahamo, 1, Opera, Paris, 1640, p. 249 ; cf. De migratione Abrahami, 3, ibid., p. 390, et dans Josèphe, Cont. Apion., i, 8, Opera, Amsterdam, 1726, t. ii, p. 441. Quelques critiques l’attribuent aux Septante, voir t. iv, col. 313-314 ; d’autres pensent qu’elle leur était antérieure. Saint Jérôme, Epist. lii, ad Paulin., 8, t. xxii, col. 545, croyait, mais sans raison suffisante, semble-t-il, que saint Paul, I Cor., xiv, 19, y faisait allusion. Elle résulte peut-être de la distribution d’un rouleau trop volumineux en cinq rouleaux ou en cinq codices plus petits, à peu près d'égale dimension. Le premier emploi du nom grec πεντατευχός, signifiant littéralement « cinq étuis » τεῦχος, étant l'étui dans lequel on plaçait chaque rouleau), se rencontre dans la lettre du valentinien Ptolémée (vers 150-175) à Flora. S. Épiphane, Hær., xxxiii, 4, t. xli, col. 560. On croyait l’avoir rencontré dans un passage de saint Hippolyte, édité par de Lagarde, Leipzig et Londres, 1858, p. 193, dans lequel le Psautier, divisé en cinq livres, était dit καὶ αὐτὸ ἄλλον πεντάτευχον. Mais ce passage est de saint Épiphane. Hippolytus, dans Die grieschischen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte, Leipzig, 1897, t. i, p. 143. Origène, Comment. in Ev. Joa., tom. ii (fragment), t. xiv, col. 192, emploie ce nom, et ibid., tom. xiii, n. 26, col. 444, il parle de τῆς Πεντατεύχου Μωϋσέως. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin., 5, t. xxvii, col. 12, s’en sert. Saint Épiphane l’emploie plusieurs fois. De mens. et pond., 4, 5, t. xliii, col. 244. En latin, ce nom apparaît pour la première fois sous la forme masculine : Pentateuchus, dans Tertullien, Adv. Marcion., i, 10, t. ii, col. 257. Il a la forme neutre : Pentateuchum, dans saint Isidore de Séville, Etym., vi, ii, 1, 2, t. lxxxii, col. 230. Les critiques ne s’accordent pas sur le point de savoir si, à l’origine, il était un adjectif, qualifiant (βίβλος ou liber sous-entendu, ou bien un substantif, ayant par lui-même la signification d’ouvrage en cinq volumes. Voir t. iv, col. 314. Quoi qu’il en soit, les anciens employaient des termes analogues, formés d’une manière identique. Ainsi Eusèbe, Præp. evang., i, 10, t. xxi, col. 88, mentionne un écrit d’Ὀστάνης, intitulé : Ὀκτάτευχος. Certains manuscrits, contenant les huit premiers livres de la Bible, furent aussi désignés plus tard par le nom d’Ὀκτάτευχος. Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1884, t. ii, p. 412 ; de Lagarde, Septuagintastudien, Gœttingue, 1892, t. ii, p. 60. Ce nom est employé couramment aujourd’hui pour désigner les manuscrits grecs contenant huit livres. Swete, An introduction to the Old Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 148-154. Des noms analogues étaient usités chez les Latins pour désigner des manuscrits contenant les sept ou huit premiers livres de la Bible. Saint Ambroise, In Ps. cxviii expositio, serm. xxi, 12, t. xv, col. 1506, parle d’un Heptateuchus, comprenant Genèse-Juges. Le canon de Cheltenham, de 359, après les Juges, signale les livres précédents comme formant une première collection : Fiunt libri vii. Sanday, dans Studio biblica et ecclesiastica, Oxford, 1891, t. iii. p. 222. Les critiques modernes donnent le nom d’Hexateuque aux livres du Pentateuque en y joignant le livre de Josué, qu’ils re-