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PENTAPOLE

sont le plus souvent nommées ensemble à l’exclusion des autres villes ; ainsi Gen., xiii, 10 ; Deut., xxxii, 32 ; Is., i, 9 ; iii, 19 ; Jer., xxiii, 14 ; xlix, 18 ; L, 40 ; Amos, iv, 11 ; Soph., it, 9 ; Math., x, 15 ; Rom., ix, 29 ; Juda, 7. Ségor est désignée comme une des villes coupables et condamnée, mais épargnée à cause de la prière de Lot. Gen., xix, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et Séboïm sont citées avec Sodome et Gomorrhe, Deut., xxix, 23, et seules, Ose., xi, 8. Sodome est parfois présentée seule, soit parce qu’elle était la principale d’entre les cinq par son importance ou sa suprématie ou bien parce qu’elle fut la plus coupable. Cf. Is., iii, 9 ; Thren, , iv, 6 ; Ezech., xvi ; Matth., xi, 23. Les autres villes sontappeléesic les filles », benêt, de Sodome, Ezech., xvi, 46, 48, 49, 53, 55, expression qui, dans la Bible, indique la dépendance et les suppose dans une même région. Cette situation réciproque est attestée d’ailleurs, Jer., xlix, 18 ; L, 40, où ces villes sont toutes appelées « voisines » ; Juda, 7, où elles sont dites « villes des alentours », par rapport à Sodome et Gomorrhe.

2° Situation, étendue et description de la région. — La Pentapole appartenait à la terre du Kikkâr, c’est-àdire au bassin du Jourdain. Gen., xix, 28. Cf. Jourdain, t. iii, col. 1712. Les anciens commentateurs ont assez généralement cru à l’identité de la Pentapole avec « la vallée de Siddîm, vallis Silvestris, qui est la mer Salée », Gen., xiv, 8, 10, où les cinq rois des cinq villes se rangèrent en bataille pour soutenir l’attaque de Chodorlahomor et de ses alliés ; ils ont admis, en conséquence, qu’elle occupait tout le territoire recouvert aujourd’hui par les eaux de la mer Morte. Celte conclusion dépasse certainement les données bibliques. La vallés de Siddîm où les cinq rois s’assemblèrent pour attendre leurs ennemis n’est pas présentée comme identique à la Pentapole ni même comme en faisant partie, puisque les rois « sortent » pour s’y rendre, Gen., xiv, 8 ; et si la vallée est devenue partie de la mer Salée, la Pentapole au contraire « est une terre brûlée par le soufre et le sel, inapte à être semée et où rien ne germe plus, et où l’herbe ne pousse plus ». Deut., xxix, 23 ; c’est une terre déserte et fumante, produisant des fruits étranges, où est demeurée une stèle de sel, monument attestant l’incrédulité de la femme de Lot. Sap., x, 7. Cf. Jer., xlix, 18 ; L, 40 ; Soph., ii, 9 ; Amos, iv, 11. La vallée de Siddîm, appelée par Josèphe « la vallée des puits de Bitume », faisait, suivant lui, partie du territoire de Sodome, xocrà SôSoiia, et devint le lac Asphaltite, mais ne se confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, désignée par l’historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore de son temps, mais privée de sa splendeur passée et de sa fertilité, ne produisant que des fruits inutilisables, portant les indices du feu qui l’avait frappée et ne gardant plus que des restes informes des villes brillantes, riches et heureuses et qui en avaient été la gloire. Bell, jud., IV, viii, 4 ; Ant. jud., i, ix, xi, 3. Cf. Tacite, Hist-, v, 7 ; Solin, Polyhistor, 38 ; Reland, falsestina, p. 254. Les géologues modernes sont unanimes d’ailleurs à affirmer la préexistence de la mer Morte à la catastrophe de la Pentapole, sauf à reconnaître qu’une partie de son territoire a pu postérieurement être envahie par les eaux du lac, à la suite d’un affaissement du sol. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1303-1307.

Mais si l’espace recouvert par les eaux de la mer Morte ne peut avoir été, en général du moins, le territoire de la Pentapole, où faut-il chercher celui-ci ? Une partie, celle qui en fut la principale, où se trouvait la métropole Sodome, occupait certainement la région qui s'étend au sud de la mer Morte. C’est là, au sud-est du lac, que Josèphe indique Zoara d’Arabie, identique avec Ségor ou Zoar de la Bible. Bell, jud., IV, vin. Cf. Moab, t. iv, col.' 1158, et Ségor. Cette ville où Lot arrivait au

lever du soleil, en venant de Sodome qu’il avait quitté aux premières heures du jour, Gen., xix, 15, 23, fixe le site de cette rivière, non loin et dans la même région méridionale. Le nom de Sodome reste encore attaché, c’est ce que l’on reconnaît généralement, à une petite chaîne de collines, le Djebel Esdoum, qui s'étend à l’extrémité sud-ouest du lac, en face du ghôr Sâfiéh, où l’on doit chercher le site de Ségor. La ville ellemême, on n’en peut douter, se trouvait dans le territoire voisin de la montagne. Tandis que le Ghôr Sâfiéh n’a presque jamais cessé, jusqu'à nos jours, de former une riante et riche oasis, avec des plantations de palmiers et diverses autres cultures, toute la région qui s'étend depuis le djebel Esdoum, à l’ouest, jusqu’aux abords de ce ghôr, sur une largeur de sept kilomètres et une longueur de dix depuis l’extrémité sud de la mer Morte, n’est qu’une plaine désolée dont le sol est une marne mélangée de sel et fangeuse connue sous le nom de Sebkhah, « terre salsugineuse. » Les abords du djebel Esdoum, le ghôr Sâfiéh, et la partie de la Sebkhah s'étendant entre les deux, ont nécessairement été une portion de la Pentapole, mais jusqu’où se développait-elle au delà?

Outre l’ancienne opinion voyant dans la mer Morte la Pentapole recouverte, par les eaux, trois autres hypothèses ont chacune leurs partisans. — 1. Les explorateurs anglais croyant qu’on pourrait reconnaître le nom de Gomorrhe dans celui de 'Amr porté par une vallée située au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans celui du Tell eé-Saghûr que l’on trouve à l’est du Tell er-Raâméh, dans les anciennes Araboth à quelques minutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Damiéh donné à des ruines qui se voient non loin de l’embouchure du Zerqâ (Jaboc), inclinent à localiser ainsi la Pentapole tout entière au nord de la mer Morte, Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 4, 71, 178, 186 ; Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 238-241—2. M. Clermont-Ganneau, au contraire, pense quele nom de Ghamr étymologiquement identique à celui de Gomorrhe, mentionné par la géographie arabe d’El Moqaddasi (Géographie, édit, Goije, Leyde, 1873, p. 253) sur la route de Suqqariéh à AHah, à deux journées de marche au nord de cette dernière, et que l’on retrouve aujourd’hui encore dans celui de 'aïn Ghamr, à quatre-vingts kilomètres environ au sud de l’extrémité méridionale de la mer Morte, propose de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud, dans YArâbah. Cf. Id., Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1888, t. i, p. 163. — 3. Pour Guérin et d’autres, la Pentapole se développait autour de Sodome dont le djebel Esdoum est, de l’avis générai, le représentant incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au sud, la Sebkab, peut-être entière ; au nord toute la pointe méridionale de la mer Morte, depuis la presqu'île du Lisân, sur une longueur de 17 kilomètres et une largeur de 13, avec les terrains qui bordent l’une et l’autre à l’est et à l’ouest. Cette partie inférieure de la mer Morte est une lagune dont la plus grande profondeur dépasse à peine sept mètres. Les terrains se seraient affaissés à la suite de la catastrophe et auraient été postérieurement envahis par les eaux de la mer Morte. Dans cette partie devait se trouver la vallée de Siddîm devenue partie intégrante du lac et c’est dans son voisinage que se voyaient les diverses villes de la Pentapole. Cf. V. Guérin, Samarie, p. 291-298 ; Adama, t. i, col. 207 ; Gomorrhe, t. iii, col. 273 ; Morte (Mer), col. 1307, 1308.

La première opinion a le tort de ne pas tenir compte des traditions onomastiques et historiques locales, les premières sources d’information après la Bible, qui n’ont cessé de voir le nom de Sodome dans celui du djebel Esdoum et de montrer presque jusqu'à nos jours Ségor et « le pays du peuple de Lot », diyâr qum Lot,