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POLYGLOTTES

prouvée par plusieurs universités, notamment par celle de Paris. L’empereur et le roi de France autorisèrent sa vente dans leurs États. Les exemplaires furent vite distribués et devinrent rares et recherchés. On les a vendus chez les antiquaires 120, 150 et 180 marks.

2. Description. — La Polyglotte de Plantin est intitulée : Biblia hebraice, chaldaice, græce et latine, et elle comprend 8 in-folio. Les quatre premiers volumes contiennent l’Ancien Testament. Pour les livres protocanoniques, chaque page a deux colonnes, reproduisant, au verso, le texte hébreu sans version interlinéaire et la Vulgate, et au recto, le texte grec des Septante à droite avec sa traduction latine à gauche. Au bas des pages, on trouve, pour tous les livres qui en ont, les targums ou paraphrases chaldaïques et leur version latine. Celle-ci était celle que le cardinal Ximénès avait fait faire et qu’Arias Montanus avait apportée d’Espagne. Le texte chaldaïque avait été emprunté à des manuscrits espagnols et vénitiens. On en avait retranché les fables les plus grossières. Les livres deutérocanoniques n’ont que trois colonnes, sur une seule page, reproduisant de gauche à droite la version latine du texte grec, ce texte lui-même et la Vulgate. Dans le t. iii, on a imprimé, sans pagination, le seul texte latin des IIIe et IVe livres d’Esdras. Le t. V contient le Nouveau Testament, Les textes y sont disposés dans cet ordre. La page de gauche présente dans une première colonne la Peschito, qui n’a que les livres protocanoniques, en caractères syriaques, et dans une seconde colonne, sa version latine, œuvre de Guy Le Fèvre de la Boderie. La page de droite reproduit d’abord la Vulgate latine, puis le texte grec. Sous ces quatre colonnes, et par conséquent sur les deux pages, le texte syriaque est transcrit en caractères hébraïques avec points-voyelles pour les lecteurs qui ne sauraient pas lire le syriaque. Les trois derniers volumes ont le titre d’Apparatus. Le t. vi contient une grammaire hébraïque et un abrégé du Thésaurus de Pagnino par François Ravlenghien, une grammaire chaldaïque et un dictionnaire syro-chaldaïque par Guy Le Fèvre de la Boderie, une grammaire syriaque et un vocabulaire intitulé : Peculium Syrorum par Mæs, une grammaire et un dictionnaire grecs, dont l’auteur est inconnu. Le t. vii renferme plusieurs dissertations d’archéologie biblique par Arias Montanus, et des recueils de variantes ou de notes philologiques et critiques de divers auteurs. Ces dissertations et recueils forment un total de 18 traités distincts. Le t. viii comprend la version latine des livres de la Bible hébraïque, faite par Pagnino et revisée par Arias Montanus ; elle a été examinée par les censeurs de Louvain. Il contient ensuite le texte grec du Nouveau Testament, la version latine interlinéaire, correspondant aux mots grecs ; les différences du grec et du latin sont imprimées en marge avec des caractères spéciaux. Enfin, viennent les Communes et familiares hebraicæ linguæ idiotismi d’Arias Montanus. Mais l’ordre de ces volumes et des matières qu’ils contiennent est divergent selon les exemplaires qui sont d'éditions différentes. Van Præt, Catalogue des livres imprimés sur vélin de la bibliothèque du Roi, Paris, 1821, t. i, p. 1-5 ; C. Ruelens et A. de Backer, Annales plantiniennes, Paris, 1866, p. 128-135. La version interlinéaire a été souvent réimprimée à part. Voir t. i, col. 954-955. Richard Simon l’a jugée très sévèrement. Histoire critique du Vieux Testament, 1. II, c. xx, Amsterdam, 1685, p. 316-318 ; Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 213-216.

3. Valeur et influence. — Les textes, hébreu et grec, ont été empruntés à la Polyglotte de Complute, et celui des Septante sans modifications ; mais l’hébreu a été collationné avec la Bible de Bomberg. Quant à l'édition grecque du Nouveau Testament, elle diffère de celle de Complute par un certain nombre de leçons qui se trouvent dans l'édition de Robert Estienne de 1550. Sur les mille passages que Reuss a étudiés, elle est 709 fois d’accord avec les deux éditions précédentes. Dans les 291 autres, 39 sont d’accord avec R. Estienne, 3 avec Érasme, 1 est tout spécial et les 249 dernières sont exclusivement conformes à la Bible de Complute. Le texte grec du t. viii diffère de celui du t. v en 14 passages dans lesquels la leçon de Complute est abandonnée pour celle d’Estienne, sauf Apoc, i, 6, dont le texte est nouveau, en trois autres dans lesquels la leçon d’Estienne est remplacée par celle de Complute, enfin, I Pet., ii, 3, la leçon Érasmienne est remplacée par le texte ordinaire. L'édition d’Arias Montanus suit donc une voie spéciale et elle a plus de valeur que les critiques le disaient. Elle a été souvent reproduite exactement ou avec quelques corrections, dans ses deux états. On trouvera le détail de ces rééditions dans Reuss, Bibliotheca N. T. græci, p. 74-83. Cf. Gregory, Textkritik des N. T., t. ii, p. 936. La Vulgate latine est de même nature que celle de la Polyglotte d’Alcala. Finalement, les travaux préparatoires de la Bible d’Anvers ont laissé beaucoup à désirer. Les éditions ne sont pas en progrès notables sur celles de Complute, et les recueils de variantes, dans YApparatus, sont parfois peu considérables.

La Polyglotte de Paris. — 1. Histoire. — Le cardinal du Perron et Jacques de Thou, bibliothécaire du roi, avaient conçu le projet de rééditer la Polyglotte d’Anvers avec l’aide de deux maronites, Gabriel Sionite et Jean Hesronite, ramenés d’Orient par Savary de Brèves. Ils avaient obtenu le privilège royal en 1615. Mais la mort du premier en 1617 et du second en 1618 arrêta l’entreprise, qui pourtant fut louée, en 1619, par l’Assemblée du clergé réunie à Blois. Guy-Michel Le Jay, avocat au parlement, reprit le projet. Le cardinal de Bérulle lui conseilla, en 1626, d’y ajouter le Pentateuque samaritain et la version samaritaine. L'édition de ces textes fut confiée à l’oratorien Jean Morin. Philippe d’Aquin fut chargé de l’hébreu, Gabriel Sionite et Jean Hesronite des versions syriaques et arabes, Abraham Echellensis et d’autres érudits collaborèrent à l’entreprise. L’impression fut remise à Antoine Vitré, qui fit graver des caractères hébreux, chaldéens, grecs et latins par le fils de Le Bée. Jacques de Sanlecque grava les caractères samaritains et syriaques, dont Sionite avait fourni le modèle. Il prépara aussi des matrices nouvelles d’arabe sur les poinçons de M. de Brèves. On fit fabriquer un papier spécial, si beau qu’on l’a appelé carta imperialis. A. Bernard, Antoine Vitré et les caractères orientaux de la Bible polyglotte de Paris, in-8°, Paris, 1857 ; id., Histoire de l’imprimerie royale du Louvre, in-8°, Paris, 1867, p. 55-64. L’impression fut commencée au mois de mars 1628. Les quatre premiers volumes étaient achevés en 1629, et le t. vi en 1632 ; la première partie du t. v est datée de 1630, et la seconde de 1633. Le t. viii fut terminé vers la fin de 1635. L’impression du t. vii, qui était commencée à cette date, fut interrompue par suite du refus de Sionite de remettre la copie nécessaire. Il ne voulait pas non plus se dessaisir des manuscrits orientaux, ayant appartenu à Savary de Brèves. Au mois de janvier 1640 il fut enfermé au château de Vincennes par ordre du roi, et les manuscrits remis à Vitré. Libéré le 12 juillet, Sionite reprit sa traduction latine de la version syriaque, et le t. vii fut achevé en 1642. Son travail traîna en longueur, et le t. ix sortit des presses au mois de mai 1655 seulement. La Polyglotte entière parut enfin, avec une préface, datée du 1er octobre 1645, en tête du premier volume. L’Assemblée du clergé l’avait approuvée, le 24 janvier 1636. Le Jay avait emprunté 100 000 écus que Richelieu s’offrit de payer. L'éditeur refusa cette offre aussi bien que la proposition des éditeurs anglais de lui racheter