Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée
509
510
POLYGAMIE


paraissent n’avoir eu qu’âne seule femme. La chose n’est pourtant dite assez clairement que pour Noé. Gen., viii, 18. — Avec Abraham, la polygamie apparaît comme chose normale. Le patriarche a une première femme, Sara. Gen., xti, 5. Comme celle-ci ne lui donne pas d’enfant, il prend une seconde femme, Agar. Gen., xvi, 1. Il faut remarquer toutefois que cette dernière n’a pas la même situation que Sara, Cest une épouse de rang inférieur, une de celles que l’on appelle concubines dans un sens particulier à la Sainte Écriture, c’est-à-dire des femmes légitimes, mais de second rang, et quelquefois dès esclaves que le mari prend ou reçoit quand la première femme est stérile. Ce fut le cas pour Abraham. Le patriarche épouse Cétura, après la mort de Sara, Cen., xxv, 1, et il est ensuite fait mention de concubines. Gen., xxv, 6. Il n’est question que de Rébecea pour Isaae. Gen., xxtv, 51. En principe, semble-t-il, Jacob ne pensé qu’à RaChel. Lia est substituée frauuuleusemeïit à la crémière, et, comme Jacob ne veut pas renoncer à l’épouse de son choix, il se trouve en avoir deux. Or Rachel est d’abord stérile. Elle fait agréer par le patriarche Bala, son esclave ; puis Lia, de son côté, agit de même et présente à Jacob son esclave Zelpha. Gen., xxlx, 25, 29 ; xxx, "2, 9. Ésaù a trois femmes. Gen., xxxvi, 1, 2. U n’est plus parlé de plusieurs femmes à l’occasion des personnages bibliques jusqu’à Moïse, soit qu’en effet ils n’en aient pris qu’une, soit que les auteurs sacrés n’aient eu ni occasion ni motif pour mentionner une circonstance qui paraissait toute naturelle. On voit en effet que Rachel considère Bala comme une autre elle-même auprès de Jacob. « Qu’elle enfante sur mes genoux, dit-elle, et par elle j’aurai, moi aussi, une famille. » Quand Bala a enfanté, Rachel s’en félicite en disant : « Dieu m’a rendu justice, et même il a entendu ma voix et m’a donné un fils. » Elle ajoute, après la naissance du second enfant de Bala : « J’ai lutté auprès de Dieu à l’encontre de ma sœur et je l’ai emporté. » Gen., xxx, 3-8. Comme Bala appartient à Rachel, les enfants de Bala sont regardés comme lui appartenant aussi. De fait, on ne voit aucune différence de traitement entre les douze fils de Jacob : enfants des deux femmes libres, enfants des deux esclaves, tous sont au même titre enfants de Jacob.

ï" L’attribution à Lamech du premier exemple de polygamie et l’absence totale de scrupule qui caractérise les multiples unions d’Abraham, indiquent assez qu’à l’époque du patriarche la tolérance de la polygamie était tout à fait entrée dans les mœurs. De fait, le code d Hammourabi, art. 144-146, voir t. iv, col. 336, prévoit, à côté de l’épouse de premier rang, l’existence légale d’une concubine ou d’une esclave présentée au mari par l’épouse. Les rois babyloniens avaient dans leurs harems de nombreuses femmes de condition variée. Dans la classe bourgeoise et dans le peuple, le nombre des épouses dépendait des ressources du mari. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 741742. lien était de même en Egypte. Le pharaon possédait de nombreuses femmes, filles de grands seigneurs ou de hauts fonctionnaires, ou étrangères, filles de petits princes des pays soumis à l’Egypte, venues à la cour en qualité d’otages, La plupart de ces femmes démettraient simples concubines, quelques-unes prenaient rang d’épouses royales, et une au moins recevait le titre de grande épouse ou de reine. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 276. Les seigneurs possédaient aussi leur harem, proportionné à leur situation de fortune ; les hommes de moindre condition constituaient leur famille selon leurs moyens. Ce que’Pou sait des Babyloniens, des Égyptiens, et plus tard des Perses, cf. Hérodote, i, 135, donne l’idée de ce qu’était la polygamie des anciens temps. Le nombre des femmes était le signe d’un luxe proportionnel aux ressources

des riches et des puissants. Comme d’autre part on estimait à très haut prix l’avantage d’une descendance multiple et assurée, on Faisait normalement appel à une seconde femme quand la première n’avait pas donné d’enfants. Abraham et Jacob ne firent donc que se conformer aux usages de leur temps et de leur pays, Jacob avec moins de réserve que son grand-père, il est vrai, mais sous la pression jle circonstances indépendantes de sa volonté.

IL Chez les Israélites. — 1° Lu législation mosaïque. — 1. Les traditipns reçues des ancêtres chaldéens sur l’usage de la polygamie et le spectacle de ce que les Hébreux eurent devant les yeux, sous ce rapport, en Egypte, He permettaient pas à Moïse de passer la question sous silence. La loi mosaïque n’approuve ni ne blâme la polygamie ; elle tend seulement à la ramener à la bigamie, telle qae la prévoyait le code babylonien. Elle examine le cas "où un homme a donttëàsonnls une esclave Israélite pour épouse ; si le fils prend une autre épouse, il doit cependant garder la première et ne rien lui ôter de ce qui lui est dû pour la nourriture, le vêtement et l’habitation. Exod., xxi, 9, 1©. Des entraves considérables sont ensuite apportées à la pratique de la polygamie. Les rapports sexuels entraînent une impureté légale qui nécessite des ablutions et met, pour ainsi dire, hors de la société jusqu’au soir. Lev., xv, 18. On ne peut prendre pour seconde épouse la sœur de sa femme. Lev., xviii, 18. Les eunuques ne sont pas admis dans la société israèlite, Deut., xxiii, I, et sans eux la tenue d’un harem est pratiquement impossible. La loi prévoit qu’un homme puisse avoir deux femmes. Deut., xxi, 15. Elle n’indique pas dans quelles conditions. Le code babylonien est plus précis et plus restrictif. Ii règle que celai auquel son épouse n’a pas donné d’enfants peut prendre une concubine ; maisceluici n’en peut prendre une seconde, s’il a déjà reçu de sa femme une esclave dont il a eu des enfants. Art. 144, 145, t. IV, col. 336. Le cas d’Abraham est, dans le principe, conforme à cette législation ; il ne prend Agar qu’à cause de la stérilité de Sara. Le cas de Jacob n’est pas conforme à la littéralité du code babylonien ; car le patriarche a déjà des enfants de Lia, quand il s’unit à l’esclave Zelpba, sans parler de ses deux autres unions. Les rois s’autorisaient de leur situation pour s’accorder de nombreuses épouses. Le législateur hébreu songe à ce qui pourra un jour se passer en Israël, et il recommande expressément au roi futur de ne pas prendre un grand nombre de femmes, de petir que son cœur ne se détourne de Dieu. Deut., xvti, 17. — 2. Les concessions faites par la loi mosaïque furent considérées plus tard comme un pisaller. Dans plusieurs passages, Prov., v, 18, 1*9 ; su, 4 ; xix, 14 ; xxxi, 10-31 ; Ps. çxxviii (cxxvii), 3 ; Eceli., xxvi, 1-4, les auteurs sacrés semblent supposer la présence d’une seule femme au foyer domestique. Cependant on ne peut tirer de leurs paroles une conclusion rigoureuse, à cause de l’étroite subordination dans laquelle vivaient l’esclave ou la concubine et leurs enfants vis-à-vis de l’épouse principale. Les prophètes envisagent aussi sous la figure d’une union conjugale les rapports de Dieu avec son peuple choisi. Voir Mariage, t. iv, col 769. Ce symbolisme n’avait de sens qu’autant que la monogamie était la règle du mariage. Mais il n’y a là encore qu’une ïmprobation lointaine de la polygamie. Ce sont les mœurs qui peu à peu réagirent contre l’usage toléré par la loi.

H « La coutume Israélite. — 1. On ne peut pas interpréter de îa polygamie ce qui est dit des fils d’Issachar. I Par., vii, 4. "Mais Saharaïm, de la tribu de Benjamin, eut d’ahord deux femmes moabites qu’il renvoya, puis une troisième. I Ttnt., ^fm, l, 8. À l’époque des Juges, la polygamie est pratiquée sans mesure par certains personnages que les événements mettent en