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PIERRE (SAINT)

de Pierre en fut terrifié ; il ne pouvait comprendre encore que le Christ dût subir une telle humiliation. Le prenant donc à part, il s’écria : « À Dieu ne plaise, Seigneur ! cela ne vous arrivera pas. » Se détournant de Simon, pour mieux marquer sa peine, Jésus lui dit : « Va-t-en derrière moi, Satan ; tu m’es un objet de scandale, car lu n’as pas le goût des choses de Dieu, mais des choses des hommes. » C’est par le même langage que le Christ avait autrefois chassé loin de lui le démon en personne, à la suite de sa tentation dans le désert. Matth., iv, 10. En çffet, Pierre, guidé en ce moment par des pensées et des sentiments tout humains, ne tendait à rien moins qu’à empêcher Jésus d’accomplir la volonté de Dieu.

2° Pierre sur la montagne de la Transfiguration. Matth., xvii, 1-8 ; Marc, ix, 1-7 ; Luc, ix, 28-36. — Ce grand miracle, qui tient une place si importante dans la vie du Sauveur, fut accompli quelques jours seulement après les faits qui précèdent. Simon-Pierre eut le grand honneur d’être choisi par son Maître pour en être témoin, avec les deux fils de Zébédée. Ici encore, il joua un rôle spécial, très conforme à son tempérament ardent et à sa tendre affection pour Notre-Seigneur. Au moment le plus solennel du mystère, lorsqu’il vit que Moïse et Èlie étaient sur le point de se retirer, il s’écria : « Seigneur, il est bon pour nous d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. » Il ne respirait que bonheur et suavité sur la sainte montagne, et il aurait voulu que ces instants délicieux fussent à jamais prolongés. « Il ne savait ce qu’il disait, » fait remarquer saint Marc, ix, 6. Dans son extase, il oubliait que de telles joies ne sauraient durer indéfiniment ici-bas. Un passage de sa II 8 Épître, i, 1618, composée environ trente-cinq ans plus tard, décrit, en quelques traits pleins de vie, le mystère de la Transfiguration, le citant comme une preuve incontestable de la certitude parfaite des vérités prêchées par les apôtres.

3° Le miracle du didrachme. — Il est placé un peu plus tard dans le récit de saint Matthieu, xvii, 23-26. Un jour que Jésus et ses apôtres revenaient à Capharnaûm, les collecteurs de l’impôt du Temple, n’osant peut-être pas s’adresser directement à Notre-Seigneur, demandèrent à Pierre, qui était connu dans la ville : « Votre Maître ne paie-t-il pas le didrachme ? » c’est-à-dire la double drachme ou le demi-sicle. Simon répondit affirmativement ; mais il s’était trop avancé, en engageant son Maître sans le consulter. Celui-ci lui démontra donc qu’en tant que Messie il n’était pas tenu de payer ce genre d’imposition. Toutefois, pour ne pas être une occasion de scandale, il consentit à acquitter le tribut ; mais, voulant en même temps attester ses droits, il se procura par un prodige la somme qu’exigeait la loi.

4° La suite du récit évangélique mentionne encore, vers cette époque, trois questions du prince des apôtres. Elles manifestent son esprit pratique, et aussi l’attention intelligente avec laquelle il écoutait les leçons du Sauveur. — La première concerne le pardon des injures, vertu toute chrétienne que Jésus venait de recommander instamment : « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il aura péché contre moi ? Jusqu’à sept fois ? » Non, ce n’était pas assez : « Jusqu’à soixante-dix-sept fois, » sans fin. Cf. Matth., xviii, 21-22. Dans une autre circonstance, Luc, xxii, 41-43, Jésus venait d’exhorter ses auditeurs à une vigilance de tous les instants, pour qu’ils fussent bien préparés à son second avènement. Pierre demanda : « Seigneur, est-ce à nous (à nous, vos Apôtres) que vous dites cette parabole, ou est-ce aussi à tous ( à tous les chrétiens) ? s — Pierre adressa sa troisième question à Notre-Seigneur après le départ du jeune homme

riphe, qui avait refusé de vendre ses biens pour suivre Jésus. Le « bon Maître » s’était écrié avec tristesse : « En vérité, je vous le dis, un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. » Pierre lui demanda : « Nous, voici que nous avons tout quitté et que nous vous avons suivi ; qu’y aura-t-il donc pour nous ? » Il reçut pour lui-même et ses collègues dans l’apostolat une promesse magnifique. Cf. Matth., xix, 27-30 ; Marc, x, 28-31 ; Luc, xviii, 28-30.

V. SAINT PIERRE DURANT LA SEMAINE DE LA PASSION.

— Ici encore, il a sa place à part et joue un rôle prépondérant parmi les membres du collège apostolique.

1° Saint Marc nous a conservé deux paroles prononcées par Simon-Pierre dans la journée du mardi. La première fut proférée dans la matinée, lorsque les Apôtres constatèrent l’effet produit sur le figuier stérile par la malédiction de Jésus. Pierre, « se ressouvenant, dit à Jésus : Rabbi, voici que le figuier que vous avez maudit s’est desséché. » Marc, xi, 20-21. — Il prononça la seconde dans l’après-midi. Comme Jésus venait de prophétiser la ruine du Temple, Pierre, Jacques, Jean et André lui demandèrent en particulier : « Dites-nous quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de votre avènement et de la consommation du siècle. » Marc, xiii, 1 ; Matth., xxiv, 3 ; Luc, xxi, 7. C’est probablement saint Pierre qui fut le. porte-parole, selon sa coutume.

2° Le jour du jeudi-saint, il fut chargé par Jésus, avec saint Jean, de préparer tout ce qui était requis pour le festin pascal et de découvrir, au moyen d’un signe particulier, le cénacle où le Maître devait faire la Pâque avec ses disciples. Cf. Luc, xxii, 8. Le soir, lorsque Jésus et les Apôtres se trouvèrent réunis, Notre-Seigneur, Joa., xiii, 1-10, voulut laver les pieds des Douze, pour marquer symboliquement les dispositions avec lesquelles ils devaient recevoir la sainte Eucharistie. Dans le dialogue qui s’engagea alors entre Jésus et Pierre, l’apôtre se peint tout entier avec sa foi, son enthousiasme, son amour. Peu d’instants après, lorsque le Sauveur eut prédit qu’un de ses Apôtres le trahirait, Pierre sut obtenir, par l’intermédiaire de son ami saint Jean, la désignation du traître. Joa., xiii, 22-26.

— La prédiction de la chute prochaine de Pierre est mentionnée par les quatre Évangélistes, Matth., xxvi, 30-35 ; Marc, xiv, 26-31 ; Luc, xxii, 31-34 ; Joa., xiii, 33-38 ; mais ils ne la combinent pas de la même manière avec les incidents voisins ; du moins, ils la placent tous à la suite de la cène. Il ne paraît guère vraisemblable que Jésus l’ait réitérée à plusieurs’reprises, comme l’ont supposé quelques interprètes. Saint Luc l’associe à une prophétie consolante, qu’il est seul à signaler, xxii, 31-32, et qui rappelle la magnifique promesse faite autrefois près de Césarée de Philippe : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamé, pour vous cribler comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et lorsque tu seras converti, affermis tes frères. »

3’A Gethsémani, Pierre fut de nouveau choisi, avec Jacques et Jean, pour assister à l’une des scènes les plus douloureuses de la vie de son Maître. Matth., xxvi, 37 ; Marc, xiv, 33. D’après saint Marc, xiv, 37, jc’est à lui que Notre-Seigneur adressa doucement ce reproche, , après la première phase de son agonie : « Simon, tu n’as pas pu veiller une heure ! » Mais, un peu plus tard, Pierre essaya, au péril de sa propre vie, de défendre le Sauveur, lorsque les émissaires du sanhédrinseprésentèrentpour l’arrêter. Avant de quitter le cénacle, il s’était muni d’un glaive, dont il voulut asséner un coup sur la tête de Malchus ; mais il ne l’atteignit qu’à l’oreille. Matth., xxvi, 51 ; Marc, xiv, 47 ; Luc, xxii, 50 ; Joa., xviii, 10-11. Jésus blâma cet acte de violence^

4° Au moment de l’arrestation du Christ, Pierre prit la fuite avec les dix autres Apôtres ; mais bientôt, devenu