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PHITHOM


II. M. Na ville a Tell el-Maskhouta, 1883. — VJSgypt Exploration Fund venait de s’organiser. Elle confia à M. Ed. Naville le soin d’explorer les raines de Tell el-Maskhouta. Celui-ci commença par étudier les monuments transportés à Ismaïliah. Il se convainquit que le dieu d’Héliopolis sous sa double forme de Tum, le soleil couchant, et d’Horemkhou (Harmachis), le soleil levant, avait été le dieu de la cité à identifier, et il en augura que ce n’était pas Ramessès mais Phithom, la ville ou la demeure de Tum, qu’il découvrirait à Tell el-Maskhouta. Store-City of Pithom, p. 3-4. Reprenant les fouilles au point où avaient eu lieu celles de 1876, M. Naville trouva d’abord qu’il était à l’angle sud-ouest d’une énorme enceinte rectangulaire, encore visible par places, faite de briques crues et enfermant toute la butte, soit une surface de quatre hectares environ. Immédiatement devant lui il reconnut un temple. Les monolithes et les sphinx enlevés par ses devanciers en marquaient l’entrée. Le naos trouvé plus loin correspondait au sanctuaire. Ce temple une fois délimité, Naville poussa ses recherches vers l’angle nord-est de la grande enceinte. Il rencontra sous le sable de singulières constructions rectangulaires, nombreuses, aux dimensions inégales, sans communication entre elles, solidement bâties en murs de briques, d’au moins deux mètres d’épaisseur. C’était évidemment une série de greniers enfermés avec le temple dans la grande enceinte, comme dans une forteresse. On remplissait ces greniers par le haut, puis on les fermait. Pour y puiser, une porte était réservée à mi-hauteur ou vers le bas. Le signe hiéroglyphique i.1, shenut, « grenier », représente deux de ces chambres isolées l’une de l’autre et reposant sur une large assise de terre battue. Au cours de ces découvertes, déjà si précieuses, quelques monuments et des inscriptions sortirent des décombres : une vieille cité livrait quelques feuillets de son histoire, - et non les moins intéressants.

III. Le fondateur de la ville. — Le nom de Ramsès II se lisait déjà, avons-nous dit, sur tous les monuments transportés à Ismaïliah. Naville le rencontra encore sur un faucon de granit noir, emblème d’Horus, et sur un fragment retrouvé du naos. Il n’est sorti des fouilles aucun monument antérieur à ce prince, ni aucun de Ménephtah. À supposer même que Tum ait reçu là un culte plus ancien, il n’en demeure pas moins certain que Ramsès II est l’unique constructeur de la grande enceinte et des édifices qu’elle contenait. Il doit être regardé comme le véritable fondateur de la ville. D’où il suit que si cette ville est Phithom, Ramsès II est à n’en pas douter le pharaon de l’oppression, et ce furent bien les Hébreux, au milieu des plus cruelles vexations, qui la bâtirent avec son temple, ses greniers et son enceinte, en même temps qu’ils bâtissaient Ramessès. Ce qu’ils eurent à souffrir, l’Exode, v, 7-19, nous l’apprend et nous pouvons en juger par l’énorme quantité de briques amoncelées à Phithom, pendant qu’à Ramessès et ailleurs se poursuivait la même besogne, dans les mêmes conditions. Voir Brique, 1. 1, col. 1931-1934. Naville a observé que les murs des greniers étaient remarquablement bien bâtis, avec du mortier entre les couches de briques crues. Celles-ci ont quarante-quatre centimètres de long, sur vingt-quatre de large, et douze d’épaisseur. Tout y indiquait une œuvre de la bonne époque, faite, pour durer. Store-City of Pithom, p. 11. Villiers Stuart qui vint le visiter pendant les fouilles a écrit (citation de M. Naville) : « J’examinai avec le plus grand soin les murs des chambres, et je remarquai que certaines parties étaient faites de briques sans, aucun mélange de paille [ou de roseaux]. Je ne me souyiens pas d’avoir vu en Egypte des briques de cette sorte. Dans un climat sec comme celui d’Egypte, il n’est pas nécessaire de cuire les briques : on les fabrique avec

le limon du Nil et on les fait sécher au soleil. Pour leur donner de la cohésion, on y mélange de la paille, s Egypt after the War, p. 81. Ceci paraît nous indiquer deux choses : à un moment la paille fut supprimée aux Hébreux sans que leur tâche en fut diminuée, comme le rapporte l’Exode, v, 11 ; et, bien qu’ils se répandissent dans toute l’Egypte pour y ramasser des roseaux au lieu de paille, v, 12, il leur arriva parfois de ne pouvoir en réunir en quantité suffisante pour toutes les briques à fournir. S’il en était besoin, le récit de Moïse trouverait là une confirmation. Ramessès et Phithom étaient des forteresses autant que des magasins, comme cela convenait à un pays frontière, toujours menacé par les nomades que les riches plaines de l’Egypte sollicitaient aux razzias ; comme cela convenait surtout au débouché des routes vers la Syrie, à l’entrée du désert où se réunissaient les armées et les caravanes, où des soldats devaient se tenir toujours prêts à marcher pour sauvegarder la Palestine, la seule contrée qui restât aux Égyptiens des anciennes conquêtes de Thoutmès III. Les Septante ont donc pu rendre l’hébreu misknôt, « magasins », par it<5Xei{ 4j(vjpàç, villes fortifiées, cf. II Par., viii, 4 ; xvii, 12 ; ailleurs encore simplement par udXeiç où le contexte indique des citadelles. II Par., xvi, 4. La Vulgate traduit le même hébraïsme par urbes munitissimas, II Par., vin, 4 ; urbes muratas, xvi, 4 ; xvii, 12, et ici par urbes tabernaculorum, villes où l’on dresse pavillon, campement. Toutes ces expressions sont également vraies. IV. Les noms de la ville. — Tell el-Maskhouta représenterait vraiment le site de Phithom, suivant M. Naville. Cela résulte des monuments trouvés par lui. Les plus intéressants sont : — 1° Un fragment de grès rouge appartenant au naos d’Ismaïliah : il porte le titre divin de « maître de la région de Thuku » ou « Thukut ». Store-City of Pithom, pi. ni B.— 2° Une statue en granit rouge, figurant un homme assis, Ankhrenp-nefer, « lieutenant d’Osorkon II, le bon commémorateur de la demeure

de Tum, Cp kj, maître de An (Héliopolis). » Frontispice et pi. iv. — 3° Un fragment de statue du prophète Pamès-Isis, « chef des greniers, scribe du temple de Tum ; » il supplie la dame de An, Hathor, que la statue qui porte son nom soit à jamais fixée dans « la demeure de Tum, le gTand dieu vivant de la ville de

Thukut », ’^. PI. vu a. — 4° Une statue en granit

noir, un homme assis, Aak, « chef des prophètes de Tum, premier prophète de la ville de Thukut. » Il s’adresse aux prêtres : « Vous tous, prêtres, qui entrer dans cette demeure sacrée de Tum, le grand dieu de la ville de Thukut, dites : Le roi donne l’offrande, etc. » PI. v. — 5° Une grande stèle de Ptolémée Philadelphie, pièce capitale. Elle fut trouvée non loin de l’endroit où était le naos. Philadelphie y est représenté trois fois en adoration, dont deux fois devant Tum, « le grand dieu de la ville de Thukut. » PI. vtn. Dans le corps de l’inscription, « il aime Tum, le grand dieu vivant de la région de Thukut, » pi. IX, lig. 1, x, Iig. 28, « de la ville de Thukut. » PL ix lig. 2. « En l’an VI, quand on lui eut appris qu’était achevée la restauration du sanctuaire de son père Tum, le grand dieu de la ville de Thukut, Sa Majesté vint à Thukut, le trône de son père Tum. » PI. ix, lig. 7, etc. — Les cinq monuments énuméréssontou dédiés à Tum ou appartiennent à un prêtre attaché au culte de ce dieu. Le nom géographique de Thukut se présente sur quatre d’entre eux. Sous Ramsès II il porte le signe d’une terre frontière ; plus tard il est donné comme le nom de la capitale d’une région du même nom. Ce nom est généralement associé à celui du dieu Tum, « le grand dieu de Thukut, qui réside dans Thukut, le grand dieu vivant de Thukut. » La seule stèle de Philadelphe le contient au