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PHILIPPIENS (EPITRE AUX)


un service qu’il aurait refusé de la part d’autres Églises. Il trouvait aussi là, chaque fois, l’occasion de leur envoyer des remerciements et des nouvelles de. ses travaux. Aussi a-t-on supposé, avec quelque vraisemblance, qu’il leur écrivit d’autres lettres que celles que nous possédons. Dans son Épître aux Philippiens, Polycarpe semble y faire allusion quand il dit que le bienheureux et glorieux Paul leur écrivit « des lettres s>, émaroXat. Ad Phil., iii, t. v, col. 1008. Il se peut toutefois, comme le remarque Lightfoot, que ce pluriel, suivant l’usage des Grecs et des Latins, puisse être circonscrit à une lettre unique. Quoi qu’il en soit, un passage de la présente Épître de Paul, iii, 1, paraît sous-entendre d’autres lettres antérieures.

III. Lieu et date de composition. — La lettre aux Philippiens a été écrite en prison, i, 7, 13, 14, 17. Est-ce à Rome ou à Césarée ? L’opinion générale des critiques, même de ceux qui datent de Césarée les Épîtres aux Colossiens, aux Ephésiens, à Philémon, penche pour la première hypothèse. On a définitivement abandonné celle dePaulus (1799), Bôttger (1837), Rilliet (1841), Thiersch (1879), qui plaçaientà Césarée la rédaction de cette Épître. Les termes mêmes de la lettre lui sont défavorables. Le prétoire tout court, i, 13, s’entend mieux de la cour impériale que du palais d’Hérode à Césarée, Act, xxiii, 35 ; la maison de César, iv, 22, ne peut s’appliquer à la maison du gouverneur Félix ; les prédicateurs envieux et jaloux dont se plaint l’Apôtre, I, 17, supposent une église bien plus considérable que celle de Césarée. Son espoir d’être bientôt rendu à la liberté, i, 25, 27 ; ii, 24, son projet de revenir à Philippes, se conçoivent mieux à Rome qu’après l’appel à César, Le point difficile est de savoir sicette, lettre a précédé ou suivi les Épltres aux Colossiens, aux Ephésiens, à Philémon, ou, en d’autres termes, si elle a été écrite au commencement ou à la fin des deux ans de captivité dont parlent les Actes, xxviii, 30. Ici les opinions se partagent. La majorité des critiques (Meyer, Weiss, Godet, [Lipsius, Holtzmann, Zahn, Jùlicher, Ramsay) penchent vers la seconde manière de voir. Us font remarquer qu’on ne peut expliquer sans un long séjour à Rome les succès de la prédication de Paul dans le prétoire, i, 12, dans la maison de César, iv, 22. Il faut, de plus, un temps suffisant pour les deux voyages, aller et retour, ’entre Rome et Philippes, indiqués dans l’Épître ; message de Rome à Philippes pour annoncer la captivité de l’Apôtre, voyage d’jipaphrodite de Philippes à Rome, annonce de sa maladie en Macédonie, lettre au messager qui apprend à Épaphrodite et à Paul l’inquiétude des Philippiens au sujet de cette maladie ; toutes ces allées et venues, ces échanges de nouvelles, ces envois de secours exigeaient alors un intervalle assez long. Qu’on ajoute à cela le fond de tritesse, presque de découragement, qui se détache de la lettre, l’absence de Luc et d’Aristarque, ii, 20, envoyés sans doute en mission par l’Apôtre, l’isolement où se trouve le prisonnier, l’attente imminente de son procès, l’incertitude de plus en plus grande sur l’issue de, son appel à César, la possibilité d’une condamnation à mort, on trouvera là tous les indices d’une captivité déjà longue qui touche à sa fin. Aces arguments, Lightfoot répond qu’il n’y a pas de verset décisif, pas même, i, 12, en faveur d’une longue détention ; que les succès de Paul dans Rome, i, 13-17, peuvent avoir eu lieu dès les premiers mois de son arrivée dans la Ville éternelle, que l’absence de salutations, de la part de Luc et d’Aristarque ne prouve rien, les arguments a silentio étant, par eux-mêmes, toujours très précaires ; que le ton général de la lettre est celui de la jpie et de la confiance, non celui de la tristesse et de l’abattement ; enfin, que les 1 200 kilomètres entre Rome et Philippes, par la voie Egnatienne, peuvent être parcourus dans l’espace d’un mois. Farrar insiste, à son

tour sur les analogies entre cette épître et celle aux Romains, comme si, remarque von Soden, il n’y en avait pas de plus frappante encore avec l’Épître aux Corinthiens. Le même auteur allègue encore l’absence de toute controverse avec le judaïsme semi-gnostique combattu dans l’Épître aux Colossiens, prétendant qu’il est contraire à toute psychologie de ne pas prolonger jusque dans l’Épître aux Philippiens, une préoccupation aussi envahissante, si cette Epître avait été écrite, en réalité, après l’Épître aux Colossiens. Or, remarque excellemment Rarasay, Paul n’avait pas à envoyer à Philippes un traité contre des hérésies qui ne s’y étaient jamais montrées. Aussi l’opinion de Lightfoot et de Farrar qui est aussi celle de Hort et de Sanday, est-elle de moins en moins acceptée des exégètes. Il semble donc, d’après la chronologie la plus reçue, que l’Épître aux Philippiens date de la fin de l’an 63, tout au plus des premiers mois de l’an 64.

IV. Authenticité. — Les témoignages en faveur de de l’origine paulinienne de la lettre aux Philippiens sont à peu près les mêmes que pour les grandes Épîtres. Dès la fin du I er siècle, Clément de Rome paraît s’être inspiré du passage christologique déjà cité, Phil., ii, 6-8, quand il écrit : « Le Christ appartient à ceux qui ont des sentiments humbles et qui ne s’élèvent pas au-dessus de son troupeau. Le sceptre de la majesté de Dieu, le Seigneur Jésus-Christ n’est pas venu avec la jactance de l’orgueil, l’arrogance, quoiqu’il l’ait pu, Phil., ii, 6-8, mais avec des sentiments humbles. Voyez, frères bien-aimés, quel exemple nous est proposé, car si le Seigneur a eu de tels sentiments d’humilité, que ferons-nous, nous qu’il a amenés sous le joug de sa grâce ? » I Cor., xvi, 1. On trouverait encore d’autres réminiscences en comparant entre eux :

I Cor., xl vii, = Phil., iv, 15 ; ifc., xxi = Phil., i, 27 ; ib, , n = Phil., i, 40 ; ii, 15. Diverses expressions des épîtres de saint Ignace offrent des ressemblances caractéristique avec l’Épître aux Philippiens, Rom., il = Phil., Il, 17 ; Philad., vin =Phil., ii, 3 ; Smyrn., i = Phil., iv, 18 ; ib., xi = Phil., iii, 15 ; et surtout : ii »., ii, 3 = Phil., iii, 15, 16, « Etant parfaits, aspirez aussi aux choses parfaites. » — L’épltre de Polycarpe aux mêmes Philippiens, il, 1, est encore plus explicite : « Le glorieux Paul qui, étant personnellement parmi vous, vous a enseigné exactement. et sûrement la parole de la vérité ; lequel aussi étant absent vous a écrit des lettres (ou une lettre) que vous n’avez qu’à étudier pour être édifiés dans la foi qui vous a été donnée, » Or une de ces lettres est certainement celle-ci, car le même Polycarpe semble y avoir fait des emprunts : i = Phil., iv, 10 ; n = Phil., ii, 10 ; ix= Phil., ii, 16 ; x = Phil., ii, 2, 5 ; xii = Phil., iii, 18. On rencontre des réminiscences semblables dans le Pasteur d’Hermas, dans les Testaments des douze patriarches, dans l’épître à Diognête, t. ii, col. 1168 ; dans Théophile d’Antioche, cité par S. Jérôme, Epist. cxxi, 6, ad Algas., t. xxii, col. 1020, enfin dans la belle lettre des Églises de Vienne et de Lyon, Eusèbe, H. E., v, 1, 2, t. xx, col. 433, où se trouvé reproduit le passage sur les abaissements du Christ, ii, 6.

II parait, d’après les Philosophumena, x, 11, t. xvi, 3, col. 3426, que les Séthiens, se servaient de Phil., Il, 6, 7, pour expliquer leurs doctrines. Des écrits du Valenlinien Théodote, Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 4, t. vui, col. 1196, a conservé deux citations de l’Épître aux Philippiens, ii, 7. Elle a saplace, avec toutes les autres, dans les versions syriaque et latine et elle se trouvait dans le recueil de Marcion. Mentionnée par le canon de Muratori, voir Canon, t. ii, col. 170, elle est attribuée à saint Paul, à la fin du ir* siècle, par saint Irénée, Cont. hxr., iv, 18 ; v, 13, t. vii, col. 1026, 1158. Tertullien, De resur., 23 ; Cont. Marc, v, 20 ; De prxscr., 26, t. ii, col. 826, 843, 522, 557 ; Clément d’Alexandrie, Psedag., i, 524, t. viii, col. 312, 408 ; Strom, iv, 12, 13, 94, t. viii,