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VULGATE

l’absolue perfection de la Vulgate, des théologiens, surtout des Espagnols, l’admirent, en se fondant sur la teneur même du décret de Trente, qui déclarait cette version authentique. Bellarmin, jeune professeur à Louvain, en parlait déjà dans une lettre qu’il adressait au cardinal Sirlet, le 1er avril 1575. Le Bachelet, Bellarmin et la Bible sixto-clémentine, p. 5, 104. L. de Tefia, Isagoge in totam sac. Scripturam, Barcelone, 1620, p. 30 b ; B. Ponce († 1626), Quæstiones expositivæ, id est, de Sac. Scriptura exponenda, q. iii, dans Cursus completus Sac. Scripturæ de Migne, t. i, col. 878 (qui dit que c’est l’opinion commune de son temps) ; Jean de Saint-Thomas, In iiam, IIæ, disp. III, a. 3 ; C. Frassen, Disquisitiones biblicæ, Paris, 1682, t. i. Cf. Mariana, Pro editione Vulgata, dans le Cursus, l. 1, col. 590 ; Bannez, Scholastica commentaria in Iam partem Sum. theol. S. Thomæ, Salamanque, 1584, q. i, a. 8. Ce sentiment était encore soutenu en 1753 par le P. Frévier, La Vulgate authentique dans tout son texte ; plus authentique que le texte hébreu, que le texte grec qui nous restent, Rome (Rouen). Voir Le Bachelet, op. cit., p. 17-19. Cette opinion est évidemment en opposition avec la pensée des Pères du concile de Trente, et elle n’est plus depuis longtemps soutenue par aucun théologien.

b) Dès le XVIe siècle cependant, la plupart des théologiens soutinrent que la Vulgate, en raison de son long usage dans l’Église et de son adoption officielle par le concile de Trente, ne contenait aucune erreur concernant la foi et les mœurs. Mais ils ne l’estimaient pas si parfaite qu’on n’y remarquât non seulement des fautes de copiste, mais même des erreurs de traduction dans des détails qui ne sont pas du domaine de la foi et des mœurs, et qu’elle n’empêchât pas de recourir aux textes originaux pour rectifier ses erreurs et expliquer ses obscurités et ses ambiguïtés. Dans une copie du procès-verbal de la congrégation générale du 3 avril 1546, le cardinal de Jæn aurait émis l’avis que la Vulgate devait être reçue quoad mores et dogmata. Mais le procès-verbal officiel ne contient pas ces mots. S. Ehses, Concilium Tridentinum, t. v, p. 59. J. Driedo, De ecclesiasticis Scripturis et dogmatïbus, Louvain, 1550, 1. II, c. i, prop. 2°, l’affirmait expressément. M. Cano, De locis theologicis, Salamanque, 1563, 1. II, c. xiii, et le cardinal Carafa, dans son commentaire cité du concile de Trente, voir P. Batiffol, op. cit., p. 74, n’obligeaient à suivre la Vulgate que dans les passages doctrinaux et moraux. Bellarmin, dès 1575, dans sa lettre à Sirlet, dans ses Controverses professées à Rome dès 1576, De verbo Dei, 1. II, c. x-xi, dans sa dissertation De editione latina Vulgata, dont la seconde rédaction est de 1591, expose et soutient très expressément ce sentiment ; il relève les erreurs de traduction de la Vulgate. Cf. J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, p. 17-24 ; Le Bachelet, Bellarmin et la Bible sixto-clémentine, p. 5, 10-16, 104, 107125, 178-179. Ce fut l’opinion de Bonfrére, Præloquia in Sac. Script., c. xv, sect. iii, dans la Cursus completus Scripturæ Sacræ de Migne, 1. 1, col. 196, de Grégoire de Valence, De objecta fidei, q. viii, §43, de Suarez, De fide, disp. V, sect. x, n. 3. On peut dire que c’est le sentiment commun des théologiens catholiques. Les plus récents interprètent même dans ce sens l’authenticité de la Vulgate, qu’ils entendent comme supposant et entraînant la conformité substantielle de la Vulgate avec les textes originaux, conformité affirmée publiquement par l’autorité officielle de l’Église au concile de Trente. Noël Alexandre, Hist. eccl., sæc. iv, diss. XXXIX, a. 5, Paris, 1699, t. iv, p. 406-410 ; P. Chrismann, Regula fidei, § 64, dans Cursus completus theologiæ de Migne, t. vi, col. 917 ; H. Reusch, Lehrbuch der Einleitung in das Alte Testament, 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1870, p. 210 ; Id., Erklärung der Decrete des Trienter Concils über die Vulgata, dans Der Katholik, 1860, t. i, p. 641 ; Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, 3e édit., Rome, 1882, p. 512-514 ; Mazzella, De virtutibus infusis, Rome, 1879, p. 554-555 ; Hurter, Theologiæ dogmaticæ compendium, 3e édit., Inspruck, 1880, t. i, p. 165-166 ; Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 230-237 ; Gilly, Précis d’introduction générale et particulière à l’Écriture sainte, Nîmes, 1867, t. i, p. 195-198 ; R. Cornely, Introduclio generalis, 2e édit., Paris, 1894, p. 468-481 ; C. Chauvin, Leçons d’introduction générale, Paris, 1898, p. 372375 ; J.-V. Bainvel, De Scriptura Sacra, Paris, 1910, p. 180-192, etc. Toutefois, ces théologiens ne sont pas d’accord au sujet de l’étendue de la conformité de la Vulgate avec les textes originaux, et il y a en ces matières une part d’appréciation qui tient plus ou moins compte des faits et de la critique du texte.

Voir encore Branca, De authentia Vulgatæ Bibliorum editionis, Milan, 1816 ; L. von Ess, Pragmatica doctorum catholicorum Tridentini circa Vulgatam decreti sensum, nec non licitum textus originalis usum testantium historia, Vienne, 1816 ; Pagmatisch-kritische Geschichte der Vulgata, Tubingue, 1824 ; J. Brunati, De nomine, auctore, emendatoribus et authentia Vulgatæ dissertatio, trad. lat. d’un écrit italien, Vienne, 1827 ; C. Vercellone, Sulla autenticità délie singole parti délia Bibbia volgata secondo il decreto tridentino, Rome, 1866 ; trad. franc., dans la Revue catholique de Louvain, 1866, p. 641, 687 ; 1867, p. 5 ; Ghiringello, dans la Rivista universate de Gênes, février 1867 ; J. Corluy, dans les Études religieuses, novembre 1876, p. 627-631 ; dans la Controverse, 15 mai 1885, p. 55-63 ; 15 mars 1886, p. 379-382 ; dans la Science catholique, 15 avril 1894, p. 438445 ; S. di Bartolo, Les critères théologiques, trad. franc., Paris, 1889, p. 238-243 ; J. Didiot, Commentaire de la IVe session du concile de Trente théologique ; dans la Revue des sciences ecclésiastiques, mai 1889, p. 390-419 ; historique, juin 1889, p. 481518 ; traditionnel, septembre et novembre 1890, p. 193226, 385-400 ; A. Durand, dans les Études, 1898, t. lxxv, p. 216-229 ; Vindex, Zur Frage von der Autenticität der Vulgata, dans Historisch-pblitische Blätter, Munich, 1899, t. cxxiv, p. 102-114 ; Bonaccorsi, Questione bibliche, Bologne, 1904 ; E. Mangenot, art. Authenticité, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. i, col. 2587-2590.

VI. La Bible sixto-clémentine. — 1° La revision de la Vulgate confiée au pape par le concile de Trente. — Les Pères du concile savaient que le texte de la Vulgate était fautif dans les éditions courantes, et en même temps qu’ils déclaraient cette version authentique, ils résolurent de demander au pape d’en faire une édition aussi correcte que possible. Voir les procès-verbaux des délibérations, du 17 mars au 3 avril 1546, dans Theiner, op. cit., t. i, p. 65, 79, 85 ; . S. Ehses, op. cit., t. v, p. 29, 37, 50, 59-66. Mais le décret, publié le 8 avril, ne mentionnait pas ce détail et ordonnait seulement d’éditer la Vulgate le plus correctement possible. Les théologiens romains remarquèrent cette lacune, et le 17 avril, le cardinal Farnèse écrivit aux légats pontificaux pour leur demander quelle avait été l’intention-du concile à ce sujet. Les légats répondirent, le 26, que le concile les avait chargés de supplier le Saint-Père de faire corriger le plus tôt possible la Bible latine et, s’il se pouvait, la Bible grecque et la Bible hébraïque. Les théologiens romains voyaient bien les difficultés de l’entreprise ; ils promirent toutefois de chercher les moyens d’en triompher. Les légats remercièrent le souverain pontife de sa sollicitude et promirent le concours des théologiens du concile. Voir Vercellone, Dissertazioni academiche,