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VULGATE

col. 1126-1131, et il annonce qu’il publiera un traité De orthographia, reproduit par Migne, ibid., col. 12391270. Cf. Institue, xxx, col. 1144-1146. On ignore quelle influence a exercée sur la transmission du texte hiéronymien l’édition de Cassiodore. Voir t. ii, col. 338-340. Si VAmialinus reproduit un prologue cassiodorien, le texte biblique de ce manuscrit n’est pas, selon le sentiment commun des critiques, celui de Cassiodore. Voir t. i, col. 482. Voir plus loin le sentiment de dom Chapman.

Deux cents ans environ après la mort de saint Jérôme, sa version était reçue universellement dans l’Église latine, au témoignage de saint Isidore de Séville. De officiis ecclesiasticis, I, xii, 8, t. lxxxiii, col. 748. Aussi, un siècle plus tard, Bède l’appelle-t-il simplement « notre édition » et ne connaît-il plus l’édition précédente que sous le nom d’antiqua translatio. Hexæmeron, 1. I ; Super parabolas Salomonis allegorica expositio, 1. II, t. xci, col. 52, 57, 1010. Cependant, des parties des anciennes versions latines furent encore recopiées jusqu’au XIIIe siècle, et parfois au milieu des manuscrits du texte hiéronymien. Voir t. lv, col. 693-694. La nouvelle œuvre avait donc mis du temps à prédominer et à supplanter les anciens textes. Son triomphe toutefois n’était pas complet, car, durant les deux siècles qui l’avaient précédé, le texte de saint Jérôme ne s’était pas transmis pur de tout alliage. Les leçons des versions antérieures, que le saint docteur avait voulu éliminer, en revisant les anciens textes ou en donnant aux latins la vérité hébraïque, étaient rentrées dans son propre travail. Écrites d’abord aux marges des manuscrits du nouveau texte par des lecteurs qui avaient constaté leur disparition, elles étaient réintroduites dans le texte même par de nouveaux copistes. Elles’sont nombreuses surtout dans les livres de Samuel, voir col. 1144, et dans les Proverbes, voir col. 794. Les écrivains gaulois du ve et du VIe siècle, qui se servaient simultanément des deux versions, avaient déjà en mains des textes mêlés, et leurs citations de saint Jérôme étaient contaminées par des leçons « européennes » ou « italiennes ». La version hiéronymienne aurait donc eu dès lors besoin d’être corrigée et ramenée à sa pureté première. Mais personne ne semble l’avoir remarqué à cette époque, et il faudra attendre jusqu’au viiie siècle pour que ce travail de revision fût entrepris.

Nous ne pouvons, en effet, nous rallier à l’hypothèse, plusieurs fois émise, sans succès du reste, par M. A. Dufourcq, d’une correction ou expurgation des textes bibliques, du Nouveau Testament surtout, faite par les catholiques en Italie ou en Gaule, d’une façon plus précise, à Lérins, à Vivarium et à Rome, au Ve ou vie siècle, à rencontre des néo-manichéens de l’époque qui avaient altéré les textes sacrés. De manichæismo apud Latinos quinto sextoque sæculo alque de latinis apocryphis libris (thèse), Paris, 1900, p. 71-79 ; Étude sur les Gesta martyrum romains, Paris, 1910, t, IV, p. 240-260 ; Histoire de l’Église du IIIe au XIe siècle. Le christianisme et les barbares, 3e édit., Paris, 1911, t. v, de L’avenir du christianisme, p. 88. Cf. E. Mangenot, Une recension de la Vulgate en Italie au Ve ou VIe siècle (extrait de la Revue du clergé français, du 1er décembre 1901), Paris, 1901. Les indices que M. Dufourcq fournit de cette revision, à savoir, le prologue Primum quæritur, de l’Épître aux Romains, le prologue Non idem est ordo, placé en tête des Épitres catholiques, la préface Tres libros Salomonis, qui précède le livre des Proverbes, l’édition de Cassiodore et le décret pseudo-damasien De libris recipiendis, prouvent bien que les catholiques ont discuté avec les priscillianistes et les néo-manichéens de cette époque sur le terrain biblique, qu’ils ont tenu, comme Cassiodore, à joindre des préfaces aux livres bibliques, que quelques-unes d’elles ont été fabriquées et placées sous l’autorité de saint Jérôme. Ces documents peuvent prouver encore que l’ordre des Livres Saints a été modifié diversement dans les manuscrits copiés alors ; mais ils ne gardent pas la moindre trace, sinon au sujet du fameux verset des trois témoins célestes (ce qui est un cas tout particulier), d’une recension de la version hiéronymienne, entreprise en vue de faire disparaître les falsifications manichéennes du texte sacré. Les manuscrits altérés par les manichéens ont été brûlés par ordre de saint Léon le Grand et personne parmi les catholiques n’a eu besoin de les corriger. En tout cas, s’il y a eu à cette époque une véritable recension du texte, il n’y a aucun indice qu’elle a exercé une influence réelle sur le texte de la Vulgate latine. C’est par un autre moyen, par l’étude des manuscrits du VIIe et du VIIIe siècle, que nous pouvons nous faire quelque idée - de l’état du texte de la Vulgate au vie siècle.

Les manuscrits latins du texte qui avait cours avant le milieu du VIIIe siècle. — Samuel Berger, op. cit., p. 8-111, en a distingué deux catégories très homogènes, ayant chacune leur couleur propre et locale, les Bibles espagnoles et irlandaises, qui ont envahi la France à l’époque mérovingienne et lui ont fourni des textes mêlés et sans caractère propre. D’autres textes ont existé à Saint-Gall et au nord de l’Italie.

1. Les Bibles espagnoles. — Elles nous ont conservé le texte entier de l’Écriture. Dès leur première apparition, elles se présentent avec un caractère absolument à part et une originalité exclusive. Elles constituent une recension unique par ses sommaires, par les nombreuses leçons de l’ancienne Vulgate qu’elles contiennent, notamment quelques-unes du texte « italien » qu’on a retrouvées dans les œuvres de l’évêque d’Avila, Priscillien, et par ses interpolations propres. Vercellone avait établi que leur texte est celui du bréviaire et du missel mozarabes, ce qui suffit à déterminer leur patrie. Cette recension est reproduite avec assez peu de variantes dans tous les manuscrits visigoths de la Bible. On la reconnaît dans les débris de la plus ancienne Bible espagnole (palimpseste de la cathédrale de Léon, dont le texte biblique est du viie siècle environ), et dans les beaux manuscrits espagnols de l’occupation arabe, dont le Toletanus, du vme siècle, est le type. Le Cavensis (VIIIe-IXe siècle) est aussi un texte visîgoth pur. L’éditeur de cette recension est l’écrivain qui s’est caché sous le nom de Peregrinus et qui avait corrigé les canons de Priscillien sur saint Paul. S. Berger avait cru reconnaître sous ce pseudonyme le moine espagnol Bachiarius, qui avait pris le surnom de peregrinus, t. xx, col. 1024. Mais Bachiarius est resté simple moine et n’a jamais été évêque ; il ne peut donc pas être l’éditeur de la recension espagnole. Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1898, t. i, fasc. 5, p. 708.

Les autres Bibles espagnoles, tout en reproduisant foncièrement cette recension, forment deux groupes, qui paraissent dériver l’un et l’autre du texte du Toletanus. Le groupe le plus nombreux, qui est aussi bien délimité géographiquement que constant dans son texte, très rapproché de celui du Toletanus, se concentre dans le royaume de Léon et étend son influence sur la haute vallée de l’Èbre. On peut le nommer « léonais ». Il est représenté par la deuxième bible de Ximénès (n.32 de l’université de Madrid), rxe-xe siècle, la Bible de San-Millan, xe, celle de la cathédrale de Léon, datée de 920, le Codex gothicus Legionensis (collégiale de San-Isidro), de 960, le manuscrit 3, 2 de la cathédrale de Tolède, XIe, le manuscrit A, 2 de la Bibliothèque nationale de Madrid, xie, la Bible du Museo arqueologico de Madrid, xiie, la troisième Bible