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THESSALONIGIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX)


tifs qui ont amené l’Apôtre à parler assez longuement de la personne et de la mission de l’Antéchrist. De là aussi, la couleur apocalyptique de cette Épltre et la raison pour laquelle on la met en parallèle avec les prophéties de l’Apocalypse johannique.

V. Authenticité. — La tradition de l’Église a, sans défaillance ni exception, tenu cette Jipilre comme venant de saint Paul. Les témoignages en sont nombreux. La partie apocalyptique de la lettre avait attiré l’attention des premiers siècles et on y faisait de larges emprunts. Saint Polycarpe, tout en se trompant sur la lettre où il puisse sa citation, utilise sans doute II Thess., iii, 15, quand il écrit aux Philippiens, c. xi, t. v, col. 1013-1014 : « Agissez avec modération, vous aussi, en ceci (l’exercice de la discipline) et ne traitez pas de tels hommes comme des ennemis, mais cherchez à les regagner comme des membres malades et égarés. « Dans les Dialogues de saint Justin, XXXII, c. x, t. vi, col. 544, se lit une phrase qui rappelle visiblement II Thess., ii, 3 : « Lorsque l’homme d’apostasie, qui prononce des choses orgueilleuses contre le Tout-Puissant, se sera enhardi à faire sur la terre contre nous, chrétiens, des choses iniques. » Certains termes : ’O avop.oç, tia-zapyr^ti, xptvet, de l’Epître dite de Barnabe, écrit d’une haute antiquité, semblent venir de la présente lettre. La Didaché, c. xvi, a une description de l’homme du péché qui répète presque mot pour mot celle de Thess., Il, 8, 12. La même reproduction littérale se retrouve dans la Lettre des martyrs de Lyon et de Vienne, conservée par Eusèbe, H.E., v, 1. À ces raisons s’ajoute la présence de l’Épltre en cause dans le recueil de Marcion, ce qui est toujours un signe très apprécié d’authenticité paulinienne ; sa mention par le canon de Muratori, son insertion dans la Vêtus llala et la Peschito. — Quant aux preuves d’évidence interne, elles se puisent surtout dans l’étroite intimité de forme et de fond de cette seconde Épitre avec la première, sa structure générale, sa phraséologie, mais, par-dessus tout, sa manière élevée, concise et pratique avec laquelle est traitée la théorie apocalyptique de l’Antéchrist, manière qui contraste si singulièrement avec les imaginations grotesques, plates et fantaisistes des apocryphes qui ont abordé le même sujet. Pourtant, il est peu d’Épîtres que la critique issue de Baur ait plus obstinément refusé d’admettre. Les premiers doutes relatifs à son origine remontent à Christian Schmidt, 1801, 1804, 1809, Schrader, Mayerhoff, Kern. L. de Wette, qui les avait d’abord pris au sérieux, revint plus tard, après les travaux de Guericke et de Reiche, aux données traditionnelles. En 1839, Kern reprit l’attaque avec une ardeur nouvelle. Baur adopta la thèse de Kern, l’amplifia, l’enrichit d’arguments nouveaux qui, avec certaines variantes, ont longtemps fait loi dans son école, Cependant, ses disciples ont eu une attitude différente envers l’une ou l’autre des deux Épîtres. Tandis que certains, Wolkmar, Holsten, les rejettent en bloc, d’autres, Lipsius, Hilgenfeld, Weisse, Pfleiderer, Weizsâcker, ne font de réserves que pour la seconde. Il ne manque pas néanmoins de critiques indépendants (Reuss, Sabatier, Weiss, Renan, Jûlicher), pour déclarer que « les raisons par lesquelles on a voulu attaquer les deux Epîtres aux Thessaloniciens sont sans valeur. » Renan, Les Apôtres, p. xli. Quelques auteurs, Schmidt, Davidson, Hase, prennent une position intermédiaire et tiennent cette présente lettre pour le remaniement d’une courte Ëpttre de saint Paul. Les objections les plus en vue gravitent presque toutes autour de l’élément eschatologique, où l’on veut ( à toute force, voir un emprunt caractérisé au livre de l’Apocalypse et, par suite, lui attribuer une origine postpaulinienne. À cet effet, Holtzmann a relevé avec soin, entre les deux écrits, les points de contact suivants : 1° Y&voazama, II Thess., ii, 3= Apoc, xiii, 4,

8, 12, 14, 15 ; 2° l’attentat sacrilège et blasphématoire de l’Antéchrist, qui veut se faire adorer dans le temple même de Dieu, II Thess., ii, 4 = Apoc, xiii, 4, 8, 12, 14, 15 ; xix, 20 ; 3° la Parousie de Satan èv xàjr) Byvàp.ei xa’t OYin£ ; ovç xai TÉpanv J/euSo-jc ; , IIThess., Il, 9 = Apoc, xm, 2, 12-14 ; xvi, 13 ; xix, 20 ; 4° l’expression uloç Tri ; àinoXei’aç, II Thess., ii, 3 = Apoc, xvii, 8-11 ; 5° le Retenant, II Thess., ii, 7, est à la fois un individu et un être abstrait, ii, 6, comme dans l’Apocalypse, xiii, 1-8 ; xvii, 11 ; 6° la même description du dernier jour, àyyéXwv Suvà[/.eù)ç aù-roû, II Thess., i, 7 = Apoc, xix, 14 ; Tiûp floyài, II Thess., i, 8 = Apoc, xix, 12 ; ô’XeBpo ; aîtovtoç, II Thess., i, 9=Apoc, xx, 10 ; 7° la fin tragique de l’Antéchrist, II Thess., ii, 8 = Apoc, xix, 15, 21. De tous ces traits communs, Holtzmann conclut que la lettre a pour auteur un disciple de Paul qui a voulu faire pénétrer l’eschatologie apocalyptique dans l’intuition des Églises pauliniennes et réprimer les désordres qui venaient de l’attente fiévreuse de la Parousie. Il aura rattaché son écrit à l’Église de Thessalonique en raison d’une certaine analogie de sujet et, pour donner plus de crédit à sa composition, il aura calqué son style sur celui de la première lettre aux Thessaloniciens. De la sorte, notre Épitre aurait été écrite aux alentours de l’an 70, plutôt après qu’avant. On ajoute à ces raisons l’invraisemblance de lettres apocryphes durant la vie de saint Paul, II Thess., ii, 2, surtout la distance qui sépare l’eschatologie de cette composition d’avec celle des vraies Épitres. — Pour se défendre de ces divers griefs, il suffit de remonter jusqu’aux sources communes auxquelles l’apocalyptique chrétienne, tant celle de saint Jean que celle de saint Paul, a puisé, en grande partie, ses prédictions. On retrouvera dans nombre de passages d’Isaïe, ii, 10, 19, 21 ; xi, 4 ; xlix, 3 ; lxvi, 5, 14 ; de Jérémie, x, 25 ; d’Ézéchiel, xxviii, 27 ; surtout de Daniel, vii, 25 ; ix, 27 ; xi, 36 ; dans le second Livre d’Esdras, v, 1 ; les Psaumes de Salomon, xvii, 13, 20 ; les oracles Sibyllins, iii, 60 ; l’Apocalypse de Baruch, xl ; l’Ascension d’Isaïe, IV, la plupart des images, parfois même des mots qui ont servi aux auteurs du Nouveau Testament à décrire les événements des derniers jours, sans qu’il soit nécessaire d’établir entre ces mêmes écrivains une dépendance de fond ou de forme. En réalité, ils ne font que reproduire, à peu de chose prés, la même tradition, souvent dans les mêmes termes. Ici et là, cependant, émerge un trait original. Tel, par exemple, le personnage mystérieux que Paul décrit sous le nom de « Retenant » et qui manque dans le livre de l’Apocalypse. On conviendra, d’autre part, que l’apocalyptique chrétienne de cette Épitre, mise en parallèle avec celle de saint Jean, est extraordinairement sobre en symboles et en descriptions et qu’elle se rapproche beaucoup plus, par là, de l’eschatologie des grandes Epitres de saint Paul. Les différences qu’on a voulu établir entre l’enseignement habituel de l’Apôtre et celui de cette lettre n’ont rien de fondé. Si la partie eschatologijue y est prépondérante et en plus forte proportion que dans les autres Epitres, cela tient uniquement aux circonstances qui en ont déterminé la rédaction. Voudrait-on que l’Apôtre ait dû répéter le même thème dans tous ses écrits. D’ailleurs, une excellente pierre de touche pour discerner l’authenticité de cette seconde lettre aux Thessaloniciens, c’est son harmonie parfaite avec la première. En les comparant, on se rend compte qu’elles se complètent et s’enchaînent. C’est le passage relatif au sort de ceux qui sont morts avant la Parousie, qui a surexcité, au lieu de la calmer, la curiosité inquiète des fidèles de Thessalonique, et spécialement la célèbre phrase, iv, 15, nos qui vivimus, qui residui sumus, qui aura été interprétée, par les plus exaltés, dans le sens d’une Parousie imminente, devant arriver dans un très bref délai. Au milieu de cette effervescence, quelques-uns