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THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX)


foi, au milieu de la souffrance, ce sont là des accents inimitables, qu’il est impossible d’attribuer à la plume d’un faussaire des temps postapostoliques. » D’ailleurs, c’est bien là le style de saint Paul, sa touche personnelle, à tel point que les adversaires de cette Épltre en font une copie des Épîtres aux Corinthiens, surtout de la seconde, avec laquelle, en effet, les affinités sont si sensibles ! Qu’on note enfin la concordance si exacte des traits historiques, semés ici et là, dans le courant delà lettre, avec la situation générale des Églises fondées par saint Paul : une grande avidité de la parole évangélique, un vif attachement pour les Apôtres, une foi ardente, ferme devant la persécution, une préoccupation constante de la Parousie que l’on croit prochaine ; l’exercice régulier des dons spirituels, l’inquiétude et la curiosité au sujet de la condition des frères récemment décédés, tous ces détails, d’une couleur si vraie, attestent une époque très rapprochée des faits et rendent invraisemblable l’hypothèse d’une composition apocryphe. Au reste, les premiers doutes, à ce sujet, ne remontent qu’à la première moitié du XIXe siècle. Schrader commença par signaler dans l’Épitre quelques expressions étrangères à la langue de saint Paul. Baur, élargissant la portée de ces simples remarques, s’en servit pour diriger une attaque à fond contre l’authenticité même de l’Epître tout entière. Ses arguments ont, avec le temps, perdu de l’importance qu’on leur avait d’abord prêtée, surtout depuis que la plupart de ses anciens disciples sont revenus, sur ce point, à la thèse traditionnelle. À vrai dire, ces objections n’offrent qu’un intérêt diminué. On ne s’y arrête que dans la mesure où elles fixent l’attention sur telle ou telle particularité de l’Épitre et en font mieux saisir le caractère. La première raison alléguée par Baur, et à laquelle il semble avoir accordé le plus de crédit, est la frappante ressemblance de cette première Épitre avec les deux Épîtres aux Corinthiens, d’où il conclut qu’elle n’en est qu’un décalque décoloré, pour un cercle de lecteurs tout différent de ceux auxquels elle paraît adressée. A cet effet il note, dans les moindres détails, une série de coïncidences verbales entre les deux genres d’écrits, I Thess., i, 2 = I Cor., i, 4 ; 1 Thess., i, 5 = 1 Cor., n, 4 ; I Thess., i, 6 = I Cor., xi, 1 ; I Thess., i, 9 ; ii, 1, 5, 9, 10, 11 — I Cor., ii, 1, 3 ; iii, 1 ; II Cor., i, 12 ; I Thess., ii, 3-6 = II Cor., xii, 16 ; I Thess., ii, 1 sq., = II Cor., iii, 12 ; I Thess., ii, 7, 11 = II Cor., xil, 14 ; I Thess., iv, 3 = I Cor., vi, 18 ; I Thess., . iv, 4, 6 = I Cor., vi, 8 ; I Thess., v, 19 = I Cor., xiv, 39, 40, mais il ne ressort de ce parallèle qu’une preuve de plus en faveur de l’authenticité de cette Épitre, car on comprend mieux ces ressemblances en les expliquant par l’identité d’auteur et l’analogie de situation entre deux Églises qui se trouvaient à peu près dans les mêmes conditions. Si, dans la lettre aux Thessaloniciens, les traits sont plus sobres, la partie dogmatique très restreinte, c’est parce que, les Épîtres étant des lettres de circonstance et non des traités doctrinaux proprement dits, saint Paul parle spécialement des choses demandées par l’état de l’Église à laquelle il écrit et cet état différait sur plusieurs points en Macédoine et à Corinthe. Quant aux points de contact, ils sont autrement nombreux entre l’Épitre aux Galates et l’Epître aux Romains, sans que Baur ait cru devoir en tirer aucune conclusion contre leur authenticité respective. Cf. l’article de Lipsius, Ueber Ziceck und Yeranlassung des ersten Thessalonischer Br-iefs, dans Studien und Kritiken, 1854, p. 905. Un passage de cette Épître, il, 16, offre, dit-on, une autre difficulté, celui où l’auteur, écrit des Juifs : La colère divine les a atteints jusqu’à la fin, mots qui se vérifient mieux après les événements de l’an 70 que sous le règne de Claude. De fait, il y avait déjà quelque chose du passé. La colère de Dieu était déjà sur leur tête ; elle avait commencé à

exécuter ses jugements contre eux. Le verset incriminé peut s’expliquer sans y voir une allusion expresse à la ruine de Jérusalem. Objectera-t-on que plusieurs versets du ch. ii, 1-6, dans lesquels l’Apôtre réfute les calomnies de ses adversaires et justifie sa conduite, appartiendraient plutôt à la période de lutte avec les Juifs qu’à celle des débuts, par conséquent, à une date postérieure ? L’hostilité des Juifs deThessalonique contre l’Apôtre, rapportée par les Actes, xvii, 5-13. suffit à elle seule pour légitimer cet essai d’apologie, Juifs orthodoxes et judaïsants se sont efforcés, par des moyens parfois différents, parfois identiques, à ruiner l’autorité morale de l’Apôtre. Les uns allaient jusqu’à la violence et aux voies de fait, les autres se contentaient d’ordinaire des insinuations malveillantes, mais tous les deux usaient, à son égard, des armes de la calomnie. Il n’y a aucune raison, ni de déplacer la date assignée d’habitude à cette Épître, iii, a fortiori, de l’attribuer à un autre, qu’à saint Paul. Cf. Holtzmann, Einleit., p. 213, 3e édit., où la question est traitée en détail.

V. Intkgrité. — Deux représentants de l’école « hypercritique », Pierson et Naber, Verisimilia, Amsterdam, 1886, donnent cette Épître pour le remaniement d’une sorte d’homélie, adressée par un auteur juif aux Gentils, dans le but de leur annoncer la venue du Messie et de leur faire embrasser la morale juive. Plus tard, un évêque chrétien, nommé Paul, aurait inséré, dans cet écrit, quelques phrases chrétiennes et une justification de son enseignement. Cette hypothèse, si tant est qu’on puisse donner ce nom à de pareilles imaginations, prétend se baser sur la différence des tons de l’Epître : tantôt celui de prophète, tantôt celui de pasteur, le manque de suite et de liaison dans les versets, l’usage de certains mots inusités (r|(jiépà, YpvjyopEÏv), le manque de doctrines positivement chrétiennes. La saine critique n’accorde aucun crédit à un genre d’arguments, dont le plus clair résultat serait de la discréditer elle-même. Clemen, Die Einheitlichkeit der paul. Briefe, Gœttingue, 1894, admet quelques interpolations dans la présente Épître, mais en les limitant à deux principales, ii, 15-16, etv, 27. L’exégèse de ces passages montre qu’il n’y a pas à les transformer en additions postérieures et qu’ils sont, comme les autres, de la main de saint Paul.

VI. Analyse du contenu. — L’Épitre présente, dans ses grandes lignes, le cadre qui sera celui des autres lettres de saint Paul.

a) exorde épistolâire, i, 1-10, avec adresse, i, 1, et action de grâces, i, 2-10. Silas et Timothée figurent avec Paul dans l’en-tête de l’Epître, à titre de collaborateurs. Les proportions ei le développement de l’action de grâces indiquent combien l’Apôtre est-satisfait de la jeune Église de Macédoine. Il la loue, ne termes fort élogieux, de ses admirables sentiments de foi, d’amour et de ferme endurance ; il se porte garant de l’élection divine de ses membres, certitude basée sur la façon merveilleuse dont ils ont accueilli la parole évangélique, et sur les prodiges et les miracles dont elle a été appuyée durant son séjour parmi eux. EnBn, il se fait l’écho des louanges qu’a provoquées, dans les Eglises environnantes, leur ardeur pour la foi nouvelle.

b) corps de l’Épitre. ii, 1-v, 24. — Par sa nature, cette lettre ne se prête pas à des divisions rigoureusement marquées. C’est plutôt une évocation de souvenirs communs à l’Apôtre et à ses chers Thessaloniciens, qu’un ensemble logique d’idées. Pourtant, on y voit poindre, dans une certaine mesure, les deux grandes catégories habituelles aux Épîtres postérieures : la partie dogmatique et la partie morale. Seulement, la première, consacrée an retour vers le passé, s’appellerait plutôt ici historico-apologétique, la seconde,