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THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX)


que par quelques Pères grecs (Théodoret, Théophylacte) et par quelques modernes (Wurm, Tûbing. Zeitschr. Theol., p. 247 ; Hemming, Bullinger, Baldwin). Il est difficile d’admettre que Silas et Timothée soient venus tous deux trouver Paul à Athènes et qu’ils en soient immédiatement repartis avec la présente lettre. On ne pourrait alors trouver un espace de temps suffisant quand il s’agirait d’expliquer les diverses tentatives de l’Apôtre pour retourner à Thessalonique, ii, 18, les morts survenues dan s la communauté depuis son départ, IV, 12, la renommée presque universelle dont jouit la jeune Église en Macédoine et en Achaïe, T, 8, peut-être même plus loin, jusqu’à Éphèse et Antioche (Zahn, Einleitung, p. 147), les secours de charité aux communautés voisines, iv, 10, les nombreux exemples d’édification qui la font prendre en modèle par les autres Églises, i, 7. Tous ces faits ne sauraient prendre place dans le court intervalle qu’exigent le séjour de saint Paul à Bérée et son passage à Athènes. D’autre part, il ne faudrait pas verser dans l’excès contraire et retarder la rédaction de l’Épitre au delà des premiers mois de l’arrivée de l’Apôtre en Achaïe. Les souvenirs de son passage parmi les Thessaloniciens, tels qu’ils sont relatés ici, paraissent si récents et si vivaces qu’il n’est pas permis de dépasser cette limite. En résumé, si l’on adopte l’année 52 comme point de départ de l’activité de saint Paul à Corinthe, cette même année peut servir à dater sa première lettre aux Thessaloniciens.

[II. But et occasion. — Les circonstances auxquelles on doit cette Épître résultent des événements qui survinrent à Thessalonique, après le départ de l’Apôtre. La violente persécution qui l’avait obligé à quitter la ville continuait à s’acharner sur les nouveaux fidèles. On s’efforçait d’arrêter, par l’intimidation et les tracasseries de toutes sortes, le mouvement des conversions, n, 14. Qu’allait devenir cette belle moisson battue par tant d’orages ? L’obstination des persécuteurs n’arriverait-elle pas à ébranler des néophytes à peine dégagés du paganisme et de la synagogue ? Cette pensée agitait sans cesse l’esprit de l’Apôtre depuis qu’il avait été forcé lui-même de quitter leur ville. À deux reprises différentes, il avait essayé, mais en vain, de retourner à Thessalonique ; les Juifs, toujours en éveil, faisaient bonne garde et lui eussent fait un mauvais parti. Ils vinrent même le poursuivre jusqu’à Bérée, Act., xvii, 13, et l’obligèrent à fuir plus loin. C’est alors que saint Paul se dirigea vers Athènes. Il envoya Timothée à Thessalonique pour voir ce qui s’était passé et pour porter à l’Église éprouvée ses encouragements et ses conseils, iii, 1-2. Quelques critiques pensent que Paul remit à son disciple une lettre très courte, à laquelle répondirent les fidèles. Cf. Expositor, sept. 1898, p. 167-177. Quoi qu’il en soit, le message de l’Apôtre eut les plus heureux effets. Les néophytes, pressés par leurs adversaires, ne cédèrent point. Aussi, quand Silas et Timothée vinrent rejoindre leur maître à Corinthe, ils n’eurent à lui apporter que des nouvelles consolantes. Rien n’avait pu abattre le courage des fidèles de Thessalonique. La lutte avait affermi leur foi, animé leur espérance, vivifié leur charité. Leur exemple avait rempli d’admiration les églises nouvelles. On en parlait des deux côtés de la mer Egée. Profondément attachés à leur Apôtre, les Thessaloniciens gardaient de lui le plus affectueux souvenir et souhaitaient ardemment de le revoir, iii, 6. Toutes ces consolations venaient à propos pour compenser les difficultés que Paul rencontrait à Corinthe, au début de son apostolat. Cependant, il y avait, même dans ces joies, quelques sujets d’inquiétude. Les Juifs, pour détacher les néophytes de leur Apôtre, répandaient, sur sa personne et sur son nom, les plus noires calomnies : on le traitait d’imposteur, d’homme intéressé, ami de l’argent,

d’ambitieux, se faisant des adeptes à force de flatteries, d’orgueilleux, avide de gloire et de vaines satisfactions d’amour-propre, II, 3, 5, 6.

A la longue, ces insinuations pouvaient jeter le trouble dans les esprits. D’un autre côté, certains points, signalés par les nouveaux arrivants, Silas et Timothée, accompagnés peut-être de quelques Thessaloniciens, exigeaient une intervention de l’Apôtre, au moins par lettre. Le sentiment d’indépendance, si fortement ancré dans la race grecque, commençait à se faire jour chez quelques-uns à l’égard des anciens, v, 12. On ne respectait pas toujours leur autorité. Les assemblées liturgiques s’en étaient particulièrement ressenties. Il y avait des abus dans l’exercice des dons spirituels : le mauvais grain se mêlait au bon, v, 21 ; les pensées personnelles se substituaient aux suggestions de l’Esprit. La prophétie, source d’ardeur et d’édification, avait baissé, v. 19. Languissante, elle menaçait de s’éteindre : il fallait la ranimer. Au milieu de la corruption générale, plusieurs fidèles étaient tentés de retourner à leurs premiers penchants pour la luxure et la fraude, iv, 3, vices habituels des villes maritimes. En outre, on avait exagéré la portée de certaines paroles de l’Apôtre, touchant les événements des derniers jours. Le décès de quelques frères, avant le retour du Christ, qu’on croyait imminent, avait causé une émotion profonde dans la nouvelle Église, iv, 13. On se demandait avec anxiété quel sort leur était réservé. Seraient-ils admis au royaume messianique ? L’attente presque quotidienne de la fin du monde tenait les es prits dans une excitation continuelle. Certains enthousiastes se couvraient du prétexte de l’approche imminente de la Parousie pour négliger leurs devoirs d’état et vivaient aux dépens de la communauté, iv, 11. Une situation aussi aiguë ne pouvait se prolonger sans menacer l’avenir. Paul écrivit donc, sur-le-champ, à ses chers Thessaloniciens une lettre touchante où se lisent ses desseins : resserrer le lien d’affection qui l’unissait à leur vaillante Église, la détacher de plus en plus des habitudes païennes, l’éclairer sur les circonstances du dernier jour.

IV. Authenticité. — Moins largement favorisée que les grandes Épitres au point de vue de l’exposition doctrinale, la première lettre aux Thessaloniciens a été plus rarement citée dans la littérature ecclésiastique. Les traces qu’on croit en découvrir dans les écrits de saint Clément de Rome, I Corinth., xlii = I Thess., i, 5 ; iv, 2, la Didaché, xvi, 6=1 Thess., iv, 15, 17, deux passages de saint Ignace d’Antioche, ad Polyc, 1 ; ad Ephes., 10, et deux phrases de saint Polycarpe, adPhilipp. , ii, 4 = IThess., v, 22 ; iv =1 Thess., v, 17, n’ont, en stricte rigueur, qu’une probabilité relative. Un fait plus concluant, pour la haute antiquité de cet écrit, c’est sa présence dans le recueil de Marcion, le canon de Muratori et la Peschito. Dans le dernier tiers du IIIe siècle, saint Irénée, Hser., v, 6, 1, t. vii, col. 1138 ; Clément d’Alexandrie, Psedag., i, p. 88, édit. Sylb. ; Tertullien, De resurrect. carn., 24 ; Advers. Marc, v, 15, t. ii, col. 827 ; saint Épiphane, User., xlii, 9, t. xli, col. 721, font divers emprunts et attestent explicitement son origine paulinienne. À ces témoignages s’ajoutent des caractères internes d’une solide valeur. « Les émotions intimes que trahit toute cette lettre, écrivait Godet, lntrod. au N. T., t. i, p. 179, les effusions pleines de tendresse qui la caractérisent, ces réminiscences si vives d’un temps marqué par les faveurs du Ciel toutes extraordinaires, ces expressions d’une sollicitude toute paternelle pour de jeunes églises exposées déjà à de si rudes épreuves de la part de leurs compatriotes, ces recommandations si parfaitement appropriées à la situation d’une Eglise naissante, placée au milieu d’une grande cité païenne commerçante et corrompue, ces encouragements à la constance dans la