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TEXTE DE L’ANCIEN TESTAMENT

sont au nombre de 216 pour tous les livres de la Bible, hormis le Pentateuque qui n’en a que quelques-uns, et ils ont été édités, par Jacob ben Chajim, dans la seconde Bible rabbinique de Bomberg à Venise, en 1524-1525.

Bien que fixé jusque dans les moindres détails, le texte massorétique n’était pas cependant uniforme dans les plus anciens manuscrits. Les docteurs juifs postérieurs ont relevé les variantes d’un manuscrit qu’ils attribuaient faussement à Hillel et celles de la Bible de Jéricho ; or, les variantes du premier ne portent que sur des minuties grammaticales ou des variétés de ponctuation massorétique. Dans la première moitié du xe siècle, Aaron ben Moïse ben Ascher a écrit, à Tibériade, un manuscrit, qui a passé longtemps au xixe siècle comme le type le plus parfait du texte massorétique palestinien. Or, il différait du manuscrit de son contemporain et compatriote Moïse ben David ben Nephthali. Les variantes de ces deux manuscrits ont été transcrites aux marges des manuscrits postérieurs et Jacob ben Chajim en a recueilli 864 (867) et les a fait imprimer en appendice à la troisième Bible rabbinique de Bomberg, Venise, 1548, t. IV. Elles ont été reproduites dans la Polyglotte de Londres, t. vi, p. 8 sq. Elles ne portent que sur des minuties de vocalisation ou de grammaire, et quelques-unes seulement constituent des leçons présentant des consonnes différentes. Elles ne sont pas identiques à celles de tous les manuscrits. On a voulu y voir les divergences de textes massorétiques qui avaient cours en Palestine et en Babylonie. Elles ne sont plutôt que l’œuvre de ces deux docteurs, sur laquelle nous sommes, d’autre part, imparfaitement renseignés.

Valeur critique du texte massorétique. — Elle a été vivement discutée au XVIIe et au XVIIIe siècle. Un protestant, Louis Cappel, voir t. ii, col, 218, ayant soutenu la nouveauté des points-voyelles, Arcanum punctationis revelatum, Leyde, 1624, puis la non-intégrité du texte massorétique, Critica sacra, Paris, 1650, les deux Buxtorf, voir t. i, col. 1980-1982, défendirent ces deux points, le père dans Tiberias, Bâle, 1620, le fils, dans son Tractatus de punctorum vocalium in libris V. T. hebraicis origine, antiquitate et authoritate, Bâle, 1648, et dans son Anticritica, Bâle, 1653. La thèse des Buxtorf prédomina en Allemagne et en Suisse, et la Confession de foi, dressée par Heidegger en 1675 et adoptée par le Consensus helveticus, la même année, can. 2 et 3, canonisa les points-voyelles et déclara le texte massorétique absolument authentique et intègre. Les protestants voulaient jeter le discrédit sur la version des Septante, que l’Église avait suivie si longtemps. À l’encontre, l’oratorien Jean Morin, voir t. iv, col. 1283, soutint, pour faire valoir cette version et le Pentateuque samaritain qu’il avait édité, que le texte hébreu était corrompu dans la plupart des passages où il différait des autres textes. Exercitationes ecclesiasticæ et biblicæ, in-f°, Paris, 1699, part. II, 1. I, exc. i-ix, p. 1-222 ; 1. II, exc. i-xxiv, p. 223-634. Isaac Vossius, quoique protestant, regardait la version des Septante comme inspirée et prétendait que le texte hébreu avait été volontairement altéré par les Juifs. De LXX interpretibus eorumque translatione, 1661. La vérité, qui tient le milieu entre ces deux extrêmes et qui est que le texte hébreu massorétique, sans être exempt de fautes accidentelles, s’était cependant conservé dans sa pureté substantielle, trouva dès lors des défenseurs. Nommons R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, part. i, c. xviii, xix, p. 101-111 ; part. II, c. iv, p. 202-211 ; dom Martianay (voir t. IV, col. 827), Défense du texte hébreu et de la chronologie de la Vulgate, Paris, 1689, p. 116 sq. ; Continuation de la défense du texte hébreu de la Vulgate, Paris, 1693 ; Paul Pezron (voir t. v, col. 177), L’antiquité des temps rétablie et défendue, Paris, 1690 ; Défense de l’antiquité des temps, Paris, 1691 ; Michel Lequien, L’antiquité des temps détruite, Paris, 1697 ; le P. Fabricy, Des titres primitifs de la révélation (1772), dans le Cursus completus Sac. Scripturæ de Migne, t. xxvii, col. 505-914, etc. C’est le sentiment commun des critiques modernes.

Du reste, le texte massorétique porte en lui-même des traces d’altérations accidentelles. Il contient, en effet, des fautes évidentes. Le chiffre qui indiquait l’âge de Saül, quand il commença à régner, a disparu en laissant une lacune béante. I Sam., xiii, 1. Une autre lacune se remarque un peu plus loin, I Sam., xiv, 41, au sujet du sort jeté entre Saül et son fils Jonathas. Le récit des relations du même roi avec le jeune David, I Sam., xvi, 15-xvin, 5, manque d’ordre et de suite et il est rempli d’inconséquences manifestes ; il ne nous est pas parvenu dans sa teneur primitive. Le récit de la mort d’Aaron, Deut., x, 6, est en contradiction avec Num, , xx, 25-30 ; xxxiii, 37 ; Deul., xxxii, 50, et la contradiction ne s’explique que par i’altération du premier passage cité. Le texte original a dû souffrir aussi, Exod., xi, 3-xii, 17, parce que tous les détails ne cadrent pas ensemble. Cf. P. Martin, De l’origine du Pentateuque (lithog.), t. I, p. 27-39. Dans le Ps. cxliv, qui est alphabétique, le vers qui commençait par ב disparu du texte hébreu, mais se retrouve dans la version des Septante. Dans les Lamentations, ii-iv, les strophes débutant par la lettre ע ont été vraisemblablement transposées après celles qui commencent par ס. La comparaison des versions anciennes avec le texte massorétique montre que parfois ce dernier a une leçon moins bonne. Exemples : Ps. lxi, 8 ; I Sam., ii, 32 ; Jer., vi, 11 ; Jon., i, 9. P. Martin, loc. cit., p. 40-43. Toutefois, les leçons des versions anciennes, divergentes du texte massorétique, ne prouvent pas nécessairement que ce texte est fautif, ces versions ne se sont pas toujours conservées pures ; elles ont été enrichies parfois de gloses explicatives, et leur texte a subi les altérations des copistes, voire même de correcteurs et de réviseurs. Sur la comparaison des Septante et du texte massorétique, voir col. 1644-1650.

L’imperfection relative du texte massorétique s’explique par deux causes. La première est que le texte hébreu avait subi les injures du temps et des altérations de détails avant l’époque des massorètes. La seconde est que ce texte n’a pas été établi par un travail critique sur un certain nombre de manuscrits qu’on aurait comparés et corrigés l’un par l’autre. Il a été fixé, au cours du IIe siècle de notre ère, par le choix fait d’un seul manuscrit, ancien ou non, sans comparaison avec d’autres. Voir P. de Lagarde, Materialien zur Kritik und Geschichte des Pentateuchs, Leipzig, 1867, t. i, p. xii, 231. Le manuscrit adopté fut reconnu comme autorité unique et devint le prototype à peu près uniforme du texte copié et recopié sans appréciation de sa valeur intrinsèque. On le reçut et on le transcrivit tel qu’il était, avec ses fautes qu’on ne chercha pas à corriger. Le keṭib, même erroné et fautif, fut maintenu, sauf à signaler à la marge le keri ou la leçon à introduire. Ce respect pharisaïque de fautes, parfois grossières, a assuré la transmission séculaire d’un texte imparfait, il est vrai, mais, en le stéréotypant avec ses fautes originelles, elle l’a préservé de toute altération nouvelle, même accidentelle ou secondaire. En le vocalisant et en l’accentuant, les massorètes ne l’ont ni corrigé ni modifié ; ils n’ont fait qu’augmenter sa fixité première et sauvegarder davantage son intégrité.

IV. Période postérieure aux massorètes. — Elle comprend la copie du texte dans les manuscrits, ses éditions après l’invention de l’imprimerie et sa correction critique.

Manuscrits. — Voir t. iv, col. 667-672. Les rouleaux, transcrits pour le service des synagogues, donnent identiquement le même texte les copistes étant prému-