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PHARAON DE JOSEPH


sentant à son maître, il lui transmet la requête du chef de la tribu, Abescha. Celui-ci demande à s'établir sur les terres de Pharaon. En signe de soumission, il offre les produits du désert, du feob.1, un bouquetin et une gazelle. Knoumhotep le reçoit, lui et les siens, avec le cérémonial usité pour les personnages de distinction. Ceci se passait sous la XIIe dynastie, en l’an VI d’Osortésen II, avant la venue d’Abraham en Egypte. Cf. Newberrj, Beni-Hasan, part, i, pi. xxxi, xxxviii et p. 69 (Mémoire i de YArchxological Survey).

3° Abraham avait une raison de plus d'être bien traité : il était accompagné de Sara, 'remarquable par sa beauté, et qu’il faisait passer pour sa sœur. Les sujets du Pharaon en préviennent aussitôt leur maître. Et Sara enlevée est placée dans le harem royal. En Egypte, comme dans tout l’Orient, le roi, outre l'épouse principale, avait un harem où il s’arrogeait le droit d’introduire toute femme libre à sa convenance. Un grand officier en était le gouverneur. Il avait sous lui un scribe et divers fonctionnaires. Cf. Erman, Aegypten und âgyptisches Leben, édit. anglaise, p. 74. Tout ce monde était attentif à prévenir les désirs et les passions de leur seigneur, comme les courtisans du Conte des deux Frères. Une boucle de cheveux parfumés a été apportée par le Nil. Les scribes et les sorciers s'écrièrent aussitôt : « Cette boucle de cheveux appartient à une fille de Phra-Armachis qui a en elle l’essence de tous les dieux ! a Des messagers à la hâte se mettent en campagne et l’on amène la personne que le Pharaon salue grande favorite. Maspero, Les contes populaires de l’ancienne Egypte, 3e édit. (1905), p. 13-14. Mais les préférences des Égyptiens allèrent de tout temps aux filles de l’Asie. Dans VOstracon 2262 du Louvre nous voyons le prince Samentou, fils de Ramsès II, accepter dans son harem une fille sémite de basse naissance, « suivant une ancienne coutume pratiquée par les Pharaons comme par les sujets. » Spiegelberg, Ostraca hiératiques du Louvre, dans Recueil des travaux, t. xvi, 1894, p. 64-65. Les roitelets syriens pour se faire bien venir du Pharaon, sous la XVIIIe dynastie, ne manquent pas de le pourvoir de femmes esclaves et se prévalent du présent. C’est ainsi qu’Abkhiba de Jérusalem rappelle qu’il a envoyé au Pharaon vingt et une esclaves. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, n. 181, p. 309. Aménophis II admit dans son harem au moins trois princesses sémites, dont l’une, comme suite, n’amena pas moins de trois cent dix-sept compagnes choisies. Pétrie, À history of Egypt, t. ii, 3 S édit., 1889, p. 181-182. Ces quelques exemples que l’on pourrait multiplier, suffisent à prouver que l’enlèvement de Sara était un geste vraiment pharaonique. On sait ce qui en résulta. « Et Pharaon appela, AJjraham et lui dit : Qu’est-ce que tu as fait ? Pourquoi ne m’as-tu pas fait savoir que c'était ta femme ? Pour quel motif m’astu dit qu’elle était ta sœur, de telle sorte que je la prisse pour femme ? » Gen., xii, 18-19. Il semble que les grandes plaies dont Dieu frappa le Pharaon à cause de Sara aient réveillé dans son cœur la crainte de l’adultère. Tout défunt avait en effet à répondre à ses juges sur cet article et la porte du séjour des dieux lui était fermée s’il ne pouvait dire : « Je n’ai pas eu commerce avec une femme mariée. » Pierret, Le Livre des morts des anciens Égyptiens, c. cxxv, p. 374.

4° Sara fut donc rendue à Abraham et celui-ci avec tons ses biens et les présents qu’il avait reçus remonta « vers la région méridionale… Et il était très riche et possédait beaucoup d’or et d’argent. » Gen., xiii, 1, 2. Cet or ne lui venait pas de la terre de.Chanaan qui n’en produisait pas, mais de la munificence du Pharaon. De tout temps l’or abonda en Egypte apporté par les Nomades, et le Pharaon en était l’unique dispensateur. Il y abonda surtout à partir de la XII » dynastie lorsque les limites de l’empire furent reportées par la conquête

à la seconde cataracte, jusqu'à Semnéh, et que les districts de l’or furent ouverts aux expéditions annuelles. Nous apprenons par la tombe d’Améni que cet officier dirigea deux expéditions aux mines de l’Etbaye, suivi la première fois d’une escorte de quatre cents, la seconde fois de six cents hommes. À chaque fois il ramena au Pharaon Osortésen I er tout l’or qui lui avait été demandé. Newberry, loc. cit., pi. viii, p. 21-26. Au retour d’une de ses campagnes en Nubie, Osortésen III délégua à Abydos son trésorier Ichernefret pour orner le sanctuaire d’Osiris, ses barques et tout le mobilier avec l’or rapporté. Stèle 1204 de Berlin, publiée par H. Schæfer, dans les Untersuchungen zur Geschichte und Alterthumshunde Aegyptem de Sethe, t. iv, fascic. 2, 1905. Les prodigieux trésors découverts à Dahchour par M. de Morgan confirment cette abondance de l’or sous la XIIe dynastie. Fouilles à Dahehour,

1894, pi. xv-xxv et p. 60-72 ; Fouilles à Dahchour, 1894 1895, pi. v-xm et p. 51-53, 58-65, 67-68.. Sous la XVIII » dynastie cette richesse excitera Vauri sacra famés des roitelets syriens. Il leur faut de l’or, de l’or pur, ils y reviennent sans cesse dans leur correspondance. « Que mon frère, écrit l’un d’eux à Aménophis III, m’envoie de l’or en grande quantité, sans mesure ; qu’il m’en envoie plus qu’il n’a fait à mon père. Cardans la terre de mon frère l’or est aussi commun que la poussière. » Winckler, loc. cit., n. 25.

Quant à l’objection tirée de la présence du chameau parmi les dons du Pharaon à Abraham, voir Chameau, t. ii, col. 524-525. Ajoutons que les études et les fouilles récentes confirment sur ce point les données de la Bible. Le musée de Berlin possède un vase en terre cuite représentant un chameau accroupi, chargé de quatre jarres et monté par son conducteur. Von Bissing, Zur Geschichte des Kameels, dans la Zeilschrift fur âg. Sprache, t. xxxviii, 1900, p. 68-69 ! estime que cet objet remonte aux derniers Ramessides, 1100-1000 avant J.-C. Plinders Pétrie, dans ses fouilles de 1907, Gizeh and Rifeh, p. 23, a trouvé aux environs d’Assiout, dans une tombe de la XIXe dynastie, la représentation bien authentique d’un chameau. Le même Flinders Pétrie, Abydos, part, ii, 1903, pi. x, n. 224 et p. 27, 49 (Mémoire xxiv de VEgypt Exploration Fund) avait déjà trouvé en Abydos une tête de chameau en terre cuite, contemporaine des objets de la I rc dynastie.

C. Lagier.

3. PHARAON DE JOSEPH. — 1° En admettant, comme on le fait généralement aujourd’hui, que l’Exode eut lieu dans les premières années de Menephtah qui commença de régner vers 1225, et en ajoutant à ce chiffre les 430 ans que les Hébreux passèrent en Egypte, Exod., XII, 40, nous obtenons la date approximative de 1655, époque de leur arrivée dans la terre de Gessen, époque aussi des Hyksos égyptianisés, mais à leur déclin. Cela concorde avec la tradition. Jean d’Antioche, dans Hist. grœc. fragm., fragm. 30, édit. Didot, t. iv, p. 555. Or, parmi les derniers rois Hyksos, XVIe ou XVIIe dynastie, se trouvent les Apapi, et c’est précisément sous un Apapi, d’après la tradition encore, que Joseph devint vizir d’Egypte : Xéfoviffi tivsî… t<5 retàptc ; ) era tîjç PauXeia ; aO-roS TAçoçt ; ) tôv 'Iio<jt)9 ÈXfteïv ilç

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AtyyTtTO’j xat tox<it|ç tîjç pa<nXe[aç avroû t<5 i£' ïzti xti ; àp ; £T| ; aû-roû. Syncelle, Chronographie, édit. Dindor/, 1829, p. 204. L’un des Apapi, peut-être le second, serait donc le Pharaon de Joseph. Voir Joseph, t. iii, col. 1657. Contre ce calcul on a invoqué la stèle de Menephtah. Voir Menephtah, t. iv, col. 956-957. En l’an V de Menephtah, disent quelques-uns, les Hébreux sont en Palestine où ils se trouvent en conflit avec les Égyptiens, ce qui permet à Menephtah d’affirmer qu' & Israël est déraciné ; qu’il n’y en a plus de graine » ou « de postérité ». W. Mûller, loc. cit., col. 3688 ; Steindorff,