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1959
1960
TABERNACLE


Jéhovah ne voulut plus résider. Sur son ordre, Moïse érigea hors du camp « ne tente, ’ôhêl, <m’ir, labernaculum, qu’il appela’ôhél mô’êd, « tente de réunion », trxrjv/, napT’jpt’ou, tabernaculum fœderis. Exod., xxxiii, 7. Ce n’était pas le tabernacle décrit sur le Sinaï, avec son autel à holocaustes et son service assuré par Aaron etses fils. Sans doute, la nuée miraculeuse se tenait à l’entrée de cette tente ; mais Moïse seul y pénétrait et, Josué la gardait quand Moïse revenait au camp. Jéhovah ne résidait donc plus au milieu de son peuple st ne communiquait avec lui que par l’intermédiaire de son serviteur Moïse ; celui-ci ne se rencontrait avec Dieu que hors du camp et à distance du peuple. Le nom de « tente de réunion » ne supposait ici d’autres relations que celles de Jéhovah avec Moïse. Exod., xxxiii, 7-11. Cet état de choses dura un certain temps, jusqu’à ce que Moïse, intercédant de nouveau, dît à Jéhovah : « Daigne le Seigneur marcher au milieu de nous, … et prenez-nous pour votre héritage. » Dieu renouvela alors l’alliance antérieure avec Israël, et Moïse redescendit de la montagne pour faire exécuter les ordres précédemment reçus au sujet du tabernacle, du sacerdoce et du culte nouveau. Exod., xxxiv, 9-10, 27-29. Cf. de Broglie, La loi de l’unité de sanctuaire en Israël, Amiens, 1892, p. 22-26. — Le tabernacle avait été décrit avec tout le détail nécessaire. L’attention que Dieu apportait à cette œuvre devait donner à Israël une idée de l’importance qu’il fallait attacher au nouveau culte et à toutes les prescriptions qui le concernaient. L’expérience venait d’ailleurs de démontrer combien ce peuple grossier avait besoin des choses sensibles pour être solidement attaché à son devoir envers Jéhovah. Un appel fut adressé à tous les Israélites, pour qu’ils offrissent les matériaux nécessaires à la confection du tabernacle et des divers objets du culte. L’appel fut entendu ; les offrandes en nature arrivèrent avec une telle profusion, que Moïse se vit obligé d’arrêter l’élan de la générosité populaire. Exod., xxxv, 4-29 ; xxxvi, 2-7. Béséléel et Ooliab se mirent à l’œuvre, aidés de tous les hommes capables de les seconder habilement. Le tabernacle fut construit si exactement que sa description ne fait que répéter les termes mêmes du plan arrêté au Sinaï. Exod., xxxvi, 8-38. — On a élevé des doutes sur la véracité de ce récit. Comment les Hébreux purent-ils exécuter de pareilles œuvres d’art en plein désert, eux qui plus tard furent incapables de travailler les métaux, I Reg., xiii, 19, et durent, même sous Salomon, recourir aux Phéniciens pour fabriquer des objets analogues ? D’où pouvaient-ils tirer l’or, l’argent, le cuivre et les étoffes précieuses que mentionne le texte ? Comment tant de travaux purent-ils être exé cutés en moins de dix mois ? Exod., xix, 1 ; XL, 1. Ces difficultés ont paru si fortes à certains auteurs, qu’ils se sont crus en droit de nier l’existence même du tabernacle et de ne voir dans sa description qu’une réplique postérieure de la description du Temple. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 3e édit., t. IV, p. 389-404. L’esprit de Dieu animait Béséléel et Ooliab ; mais, en outre, il est certain que beaucoup d’Israélites avaient dû exercer différents métiers en Egypte, qu’ils s’y étaient formés aux procédés techniques de la fonte des métaux et du tissage, et que, sortis à peine du pays de servitude, ils n’avaient rien oublié de ce qu’ils avaient appris. Par la suite, leurs descendants, occupés à d’autres soins et d’ailleurs peu artistes par nature, n’héritèrent point de l’habileté de leurs pères et durent recourir à des étrangers plus expérimentés qu’eux pour l’exécution de travaux difficiles : rien de plus naturel que ce genre de décadence chez les Hébreux. Au désert, l’or et l’argent abondaient, sous forme de bijoux emportés d’Egypte. Les étoffes précieuses ne manquaient pas non plus. Exod., xxxv, 22-24. Il y avait, près du Sinaï, des mines de cuivre

exploitées parles Égyptiens et dont les Hébreux surent se servir. Voir Ccivre, t. ii, col. 1156. L’acacia seyal est une des rares espèces d’arbres qui se rencontraient dans la péninsule Sinaïtique. Moïse fit appel à « tous ceux qui avaient du bois d’acacia chez eux. » Exod., xxxv, 24, c’est-à-dire sur le territoire occupé par leur campement, leurs troupeaux, etc. Les chèvres et les béliers pouvaient aisément fournir le poil et les peaux, et les dugongs abondaient dans la mer Rouge. Il ne faut pas s’imaginer d’ailleurs que lés Hébreux fussent seuls dans le désert. La presqu’île servait de séjour à des tribus nomades, qui savaient en exploiter les ressources. Des caravanes la traversaient et y écoulaient en partie leurs marchandises. Peut-être des mineurs égyptiens y étaient-ils encore au travail. Il était aisé aux Hébreux de prendre à leur service tous ces concoursdans la mesure où ils en avaient besoin. Le temps fut. assez court, il est vrai, pour exécuter tous les travaux décrits par l’Exode. Mais, d’une part, les bras ne manquaient pas ; d’autre part, on peut admettre que le principal seulement fut terminé à temps, et rien n’oblige à croire que tous les objets fabriqués pour le culte fussent des chefs-d’œuvre artistiques. Le veau d’or avait été rapidement exécuté, mais ne devait pas être une merveille. Il n’y a donc vraiment pas de raison suffisante pour révoquer en doute le récit de Moïse touchant le tabernacle. — Quand tout fut terminé, le tabernacle fut dressé, le premier jour du premier mois de la seconde année de séjour au désert, et consacré avec l’huile d’onction. À partir de ce moment, la nuée le couvrit et la gloire de Jéhovah le remplit, si bien que Moïse même n’osait plus y entrer. Exod., XL, 1-35. Il y pénétrait pourtant quand Jéhovah l’y appelait ou que lui-même avait à le consulter. Pour éviter toute tentative d’idolâtrie, il fut plus tard défendu d’égorger ailleurs que devant le tabernacle aucun animal propre aux sacrifices, bœuf, brebis ou chèvre. Lev., xvil, 3-9. 2° Ses translations. — Le transport du tabernacle ne rencontrait, quoi qu’on en ait dit, aucune impossibilité pratique. Le matériel, bien qu’assez encombrant, se démontait aisément, avec le concours de nombreux lévites, et se transportait, soit à dos de chameaux, soit sur des chariots traînés par des bœufs. Dans les stations, le tabernacle occupait le milieu du camp ; les lévites et les prêtres s’installaient immédiatement auprès. Voir Camp, t. ii, col. 95. Dans les marches, on suivait l’ordre des campements ; le tabernacle, accompagné des lévites, venait à la suite des tribus de Juda, Issachar, Zabulon. Ruben, Siméon et Cad, les six autres tribus ne s’avançant qu’après lui. Num., ii, 3-34. Au désert, le tabernacle dut être installé dans les stations où les Israélites demeurèrent assez longtemps, comme le Sinaï et Cadès. Il est probable que, quand le séjour devait être très court, on s’abstenait de le dresser. Lorsqu’on arrivait à l’emplacement choisi, les lévites chargés du tabernacle, c’est-à-dire les Gersonites, Num., iv, 24-33, qui marchaient vraisemblablement les premiers de leur tribu, se mettaient en devoir de l’ériger, avant même que les autres fussent parvenus à la station. On y introduisait ensuite les ustensiles sacrés et enfin l’Arche d’alliance. Num., x, 21, 36. — Après le passage du Jourdain, le tabernacle fut nécessairement dressé à Galgala, pour la célébration de la Pâque. Jos., v, 10, 11. L’Arche en fut tirée pour être portée autour des murs de Jéricho. Jos., vi, 12. Il est à croire que, durant la période de la conquête, le tabernacle resta à Galgala. Ensuite, encore du vivant de Josué, on l’érigea à Silo, à l’occasion d’une assemblée des enfants d’Israël. Jos., xviii, 1. L’Arche avait été apportée précédemment entre le mont Hébalet lemontGarizim, pour les bénédictions et les malédictions solennelles, Jos., viii, 33 ; mais on sait qu’elle sortait parfois du tabernacle, spécialement pour suivre Israël à la guerre. Silo était une ville de