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PHARAON


Histoire ancienne de l’Orient classique, t. i, 1895, p. 263, note 4. Pour les autres appellations royales, voir Erman, Aegypten und âgyptisches Leben, édit. anglaise, 1895, p. 58, et Maspero, loc. cit., p. 263-264. Aujourd’hui tout le monde est d’accord que Pharaon, Pare'ôh, est la forme hébraïsée de per àa, comme le

f-*']*— »-w.4**~-| t : i ||| e= i Pi-ir-'-w de Sargon parait en être la forme assyrianisée. Cf. Oppert, Mémoire sur les rapports de l’Egypte et de l’Assyrie, 1869, p. 15. L'étude des textes égyptiens de plus en plus nombreux nous a fourni sur l’expression per àa et sur son évolution dans la langue des données d’un haut intérêt pour la Bible.

III. Historique. — Ici nous avons pour guide principal, sans nous y astreindre de tous pointset sans nous dispenser de recourir aux sources, un remarquable article de Griffith : Chronological value of Egyptian mords found in the Bible, dans les Proceedings ofthe Society of biblical archseology, t. xxiii, 1901, p. 72-76. Sous l’Ancien Empire où les inscriptions officielles sont

les seuls témoins de la langue, le mot "" _ est pris au sens littéral de « grande maison », palais du souverain : h— sL, per âa n souten. Mariette, Mastabas, C 1,

p. 112. Il entre surtout en composition avec toute une série de titres : « Ami unique dé la faveur de la grande maison », ibid., C 25, p. 160 ; « connu de la grande maison », ibid., D 51, p. 314 ; « médecin de la grande maison », ibid., D 11, p. 203 ; « surintendant du jardin » ou « domaine de la grande maison », Inscription d’Ouni, dans E. de Rougé, Recherches sur les monuments qu’on peut attribuer aux six premières dynasties, pi. vil, lig. 9. Dans tous ces titres nous voyons per àa s'écarter de son sens primitif, une métonymie s'ébauche, si bien que partout nous pourrions le traduire par « roi ». Pourtant ce n’en est pas encore le synonyme adéquat, ce n’en est qu’une paraphrase respectueuse, quelque ehose comme le Saint-Siège pour le pape, la Sublime Porte pour le sultan. Cf. W. M. Muîler, art. Pharaoh, dans Cheyne, Encyclopedia biblica, t. III, col. 3687. — Au moyen empire, XIIe -XVIIe dynastie, avec les papyrus nous sortons des textes officiels et de leurs artifices. Désormais c’est l’idiome populaire, plus fidèle interprète de la nature du langage et de ses particularités, qui va nous fournir des exemples. Là encore per àa se montre tantôt avec un sens franchement littéral, tantôt avec un sens plus vague derrière lequel se cache le roi. Ainsi, à la XIIe dynastie, il est question de taxes sur le bétail pour « la grande maison ». Griffith, Hieratic Papyri from Kahun and Gurob, 1898, pi. xvi, et p. 30. À la XIIIe dynastie on parle de « la porte de la promenade du roi dans la grande maison ». Mariette, Papyrus égyptiens du musée de Boulaq, t. ii, 1878, n. XVIII, pi. xxx ; de « provisions envoyées à la grande maison », ibid., pi. xxxm. Dans un document qui est pour le moins de la fin du moyen empire, nous lisons encore : « la cour de la grande maison », Erman, Die Mârchen des Papyrus Westcar, 1890, pi. vin et p. 10. Deux remarques sont à faire sur les textes de cette période : 1° Le mot per âa s’y trouve ordinairement

au duel, , per(oui) àa(oui), « les deux grandes

maisons », particularité qui tient à ce que l’Egypte fut de tout temps divisée en deux terres, la terre du Sud et la terre du Nord. L’union des deux terres se faisait dans la personne du roi, qui devenait ainsi le. double roi, le roi de la Haute et le roi de la Basse-Egypte, et, par suite, ce qui se rapportait à lui revêtait un caractère de dualité pour répondre à sa double personnalité. Ainsi « la Maison Blanche (magasin royal) » était c la double Maison Blanche », le Palais était « la double

grande maison ». Cf. Erman, Aegypten, loc. cit., et Maspero, Les contes populaires de l’ancienne Egypte, 3e édit. (1905), p. 14, notel. 2° Per âa à cette époque est presque toujours suivi

du souhait royal par excellence + i II, ânk oudja senb,

« vie, santé, force ! » ce qui est un signe, dans le fond, 

que la métonymie prend corps de plus en plus, que le nom du palais marche vers une personnification et va être attribuée au maître lui-même du palais. En effet, la personnification est un fait accompli sous le nouvel empire. — À la XVIIIe dynastie, une lettre, adressée à Aménophis IV (Khounaton), porte en suscription

per âa ânk oudja senb Neb : « Pharaon v. s.

Ml » f. ! le Maître ! » tandis qu'à l’intérieur la titulature complète du roi remplit les trois premières lignes. Griffith, Hieratic Papyri, etc., pi. xxxviii et p. 92. À la XIXe dynastie, per àa prend le déterminatif personnel

  • " J + J I, « Pharaon v. s. f ! » et devient une expression courante pour désigner le roi, comme dans le

Conte des deux frères, écrit au temps de Ramsès II. Birch, Select papyri, t. ii, 1860, pi. x, lig. 8, 9, 10 ; pi. xi, lig. 1, 3, 4, etc. Et, remarque importante, le mot « Pharaon » se présente toujours sans être accompagné du nom royal jusqu'à la XXIIe dynastie. À cette époque seulement on commence à le faire suivre du nom du roi. De ce fait l’un des Scheschanq (Sésac) est le premier

exemple, dans une stèle hiératique : J J T I I

imiV^V^V^lf 1 '" le P h " aon v - s - f Shashaka v. s. ꝟ. ». Spiegelberg, Eine Stèle aus der Oase Dachel, dans Recueil des travaux, t. xxi, 1899, p. 13. A la XXVe dynastie abondent les documents légaux et dans les dates des papyrus de l'époque de Taharqa on trouve per àa précédant le nom royal. Revillout, Quelques textes démotiques archaïques, papyrus 3228 du Louvre. A partir de ce moment jusqu'à la fin de la période païenne, tous les rois en démotiques sont intitulés « Pharaon »,

FH) i i ou avec Ie cartouche ( p^ I. — Chez

les Coptes, l’ancien per âa perdit le a’in et devint nepo, Griffith, Stories of the high priest of Memphis, 1900, p. 73, note 7 ; puis le n initial, considéré à tort comme l’article, disparut à son tour et il resta epo, ppo, cs-pto. Steindorff, Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxvii, 1889, p. 107 ; Sethe, Das âgyptische Verbum, 1. 1, 1899, p. 22. IV. Le mot pha.ra.on et la critique de la Bible. — On a voulu tirer contre l’authenticité du Pentateuque une objection de la manière dont y figure le mot Pharaon. Les uns ont dit : « Delà part d’un homme (Moïse) élevé à la cour du roi, nous aurions pu nous attendre… à des renseignements plus précis sur les noms propres… Il y en a si peu que, dans toute cette histoire (l’Exode), il est toujours question du roi Pharaon, qu’il s’agisse de celui dont la fille recueillit l’enfant dans le fleuve, ou de celui devant lequel le vieillard octogénaire se' présente pour demander la liberté de son peuple. Le rédacteur n'éprouve pas le moindre besoin de distinguer par leurs noms des personnages si importants. La notice qu’il survint un autre roi qui ne savait rien de Joseph… n’est pas précisément l’indice d’un témoignage immédiat. » Reuss, L’histoire sainte et la loi, t. ii, 1879, p. 80-81. Sans nous arrêter à relever l’expression inexacte « roi Pharaon », cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. IV, 1902, 5e édit., p. 375-376, il nous suffira de remarquer, qu’en ne désignant le roi que par son titre générique de Pharaon Moïse est en parfait accord avec les usages d’Egypte à son époque. Il nomme le roi comme on le nommait du