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respiratoires ou des complications provenant d’autres maladies amènent la mort. Il est même assez fréquent que le lépreux meure d’une autre maladie que la lèpre. Il faut six ans, huit ans et même dix ans à la lèpre tuberculeuse, qui est la plus grave, pour tuer d’elle-même le malade. La lèpre anesthésique subit parfois de longs arrêts, qu’on pourrait prendre pour la guérison ; mais c’est pour reparaître presque infailliblement plus ou moins longtemps après. La rechute peut ne se produire qu’au bout de vingt ou trente ans et même plus. Ces longs arrêts ne présentent nullement des périodes d’incubation réelle, mais seulement des états de microbisme latent, dans lesquels le bacille attend que les conditions favorables à son développement viennent à se reproduire. 4° Sa contagiosité. — De toute antiquité, la lèpre a été regardée comme contagieuse. Une maladie aussi essentiellement microbienne doit avoir, en effet, une facilité extrême à se propager. Sa contagiosité est cependant loin d’être aussi terrible qu’on pourrait l’imaginer. Les inoculations elles-mêmes ne réussissent pas toujours sur l’homme. C’est pourquoi beaucoup de médecins de haute autorité ne regardent plus la lèpre comme contagieuse. On cite un bon nombre de faits à l’appui de cette manière de voir. Dans certains mariages, le conjoint non lépreux reste sain, malgré une longue cohabitation. Souvent, en dépit d’une promiscuité continuelle, les parents ou les amis du malade demeurent indemnes. On le constate au Japon, où les lépreux vont et viennent en toute liberté, au milieu de la population. A Paris, on n’isole pas les lépreux dans les hôpitaux, et aucune contagion n’en résulte. D’autre part, les exemples de contagion sont indéniables. Ceux qui soignent les lépreux n’échappent pas toujours à leur mal ; tel le Père Damien, à Molokaï. En 1831, dans la Guyane anglaise, 431 lépreux nègres furent séquestrés sur un territoire occupé par des tribus indiennes. Celles-ci quittèrent la région, à l’exception des Warrows qui, restés en contact fréquent avec les lépreux, furent infectés à leur tour. Il paraît bien enfin que c’est par contagion que la lèpre s’est répandue à travers le monde, tandis que, quand on procède par la méthode d’isolement, la maladie finit par disparaître. Les pays d’Europe qui ont appliqué cette méthode avec le plus de rigueur et de suite sont aujourd’hui à peu près débarrassés du mal. En Norvège, où l’isolement n’est imposé que depuis 1885, la lèpre diminue, tandis qu’auparavant elle se maintenait avec intensité. Ces faits, et beaucoup d’autres que citent les auteurs qui ont écrit sur la lèpre, paraissent contradictoires. Ils s’expliquent cependant. Dans les pays où la lèpre est combattue depuis longtemps et où le bacille a perdu de sa virulence, la contagion est presque nulle ; elle est active, au contraire, dans les pays où la lèpre est endémique et peu efficacement combattue. Les conclusions suivantes s’imposent aujourd’hui : « La léprose ne saurait avoir plusieurs origines, puisqu’elle est exclusivement humaine… Elle est caractérisée par un élément pathogène, le bacille de Hansen ; or ce bacille ne peut s’éveiller spontanément, puisque les générations spontanées n’existent pas ; c’est donc chez le lépreux, et uniquement chez le lépreux, qu’est la source de la maladie. Donc, la léprofe visnt toujours du lépreux, directement ou non. La k’prose a ravagé le monde entier ; elle frappe encore de nos jours des centaines de mille de victimes ; donc, elle se répand, elle se propage. » Dom Sauton, La léprose, Paris, 1901, p. 131132. La contamination se produit très probablement par les muqueuses nasales et par les plaies accidentelles des téguments, ce qui fait que les peuplades qui marchent pieds nus sont plus exposées à recueillir les bacilles par les blessures qui entament fréquemment l’épiderme et le derme de ces membres. Les follicules pileux servent aussi de porte d’entrée aux microbes ;

mais c’est surtout par les vaisseaux sanguins et lymphatiques qu’ils s’introduisent dans l’organisme. Leur développement dépend de leur virulence et surtout de l’état de réceptivité du sujet atteint. Il y a tout lieu d& croire qu’ils agissent alors par leurs toxines, c’est-à-dire par les substances qu’ils sécrètent, et non par leur simple présence dans les téguments ou les viscères. Les bacilles peuvent être très nombreux, mais morts ou inertes ; ils ne sont nuisibles que quand leur virulence commence à s’exercer ou qu’elle retrouve son activité après l’avoir perdue.

5° Ses remèdes. — La lèpre a été jusqu’aujourd’hui considérée comme incurable. Le malade qui en est atteint

52. — Visage et main du lépreux Petre J. Badea, berger âgé 23 ans. D’après V. Bâties, Die Lepra, in-8° Vienne, 1901, pi. 4 et 5.

s’affaiblit peu à peu_et meurt fatalement de consomption. On a essayé toutes les médications, la cautérisation ou l’ablation chirurgicale des parties contaminées, l’inoculalion de virus divers, même de venins de serpents, soit pour enrayer le développement de la lèpre, soit pour lui substituer un autre mal moins rebelle aux efforts de la médecine. Ces diverses médications ont parfois exercéune influence heureuse, mais éphémère, sans qu’on soit en droit d’affirmer qu’il y avait connexion entre l’action du remède et l’amélioration constatée. Le remède efficace ne viendra probablement que quand on aura trouvé l’agent destructeur du Bacillus leprse. Malheureusement^ jusqu’à ce jour, ce microbe n’a jamais pu être cultivé