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OSEE


d’allégories. — 2° Plus la chose commandée à Osée était étrange et difficile, plus elle était capable de faire impression sur la masse des Israélites et de secouer leur torpeur religieuse, en leur manifestant la grièveté de leurs crimes, et en leur montrant avec la plus grande clarté, d’une part, ce qu’ils avaient à redouter de l’amour offensé du Seigneur, s’ils persévéraient dans leurs infidélités, et, d’autre part, ce qu’ils pouvaient espérer de l’affection divine, si tendre et si profonde, s’ils s’amendaient courageusement. Or, avertir son peuple d’une manière retentissante, tel était précisément le but que Dieu se proposait en ordonnant à ses prophètes d’accomplir certaines actions symboliques. Cf. Is., xx, 2-4 ; Jer., xiii, 1-11 ; xix, 1-11 ; xxvii, 2-11 ; Ez., iv, 1-13 ; v, 14, etc. Voir aussi saint Irénée, Adv. hser., IV, xx, 12, t. vii, col. 1042. — 3° Les dénominations allégoriques des trois enfants de Gomer ne prouvent pas qu’il faille prendre au figuré tout l’ensemble de la narration. Ces enfants ne jouent qu’un rôle secondaire par eux-mêmes ; Osée et Gomer sont les deux personnages principaux, et les noms des enfants devaient seulement présager les sentiments réservés à Israël coupable. Isaïe aussi donna à ses deux fils des appellations symboliques, et personne n’a jamais contesté leur existence. Cf. Is., vii, 3 ; viii, 4. Cette solution littérale du problème nous paraît être de beaucoup la meilleure et la plus naturelle. Comme on l’a remarqué, « les difficultés inhérentes à l’interprétation allégorique sont bien plus grandes que celles qui s’attachent à l’explication littérale, s Cheyne, Bosea with Notes, p. 17.

On a discuté sur ce point spécial : Est-ce avant ou après son mariage que Gomer se livra à l’inconduite ? Quelques commentateurs (entre autres, saint Augustin) adoptent de préférence le premier de ces sentiments et supposent que la femme d’Osée, de mœurs très légères avant de lui être unie, serait ensuite demeurée chaste. Mais si, de prime abord, cette opinion paraît rendre plus acceptable l’acte commandé à Osée, elle accroît en réalité les difficultés d’interprétation, car elle fait disparaître en grande partie le symbolisme. En effet, c’est en tant qu’elle fut une épouse infidèle que Gomer représente la conduite d’Israël envers Jéhovah ; or, dans tout son livre, Osée parle avant tout des crimes du peuple théocratique postérieurs à l’alliance du Sinaï. L’expression énergique « une femme de prostitutions », anm mtfn, semble exiger aussi cette interprétation ; car

elle est expliquée, Ose., i, 2, par les mots qui suivent, D>raT nb>, « des enfants de prostitutions, » et. ces mots

désignent des enfaûts qui n’existaient pas encore. Si Gomer avait été une courtisane vulgaire au moment où Dieu commanda à Osée de l'épouser, elle serait sans doute appelée simplement niT, le nom ordinaire en pareil cas. Divers interprètes ont supposé à tort que le titre « une femme de prostitutions » désignerait au moral une femme livrée à l’idôlatrie..

Le second problème, qui ne demande pas des développements aussi considérables., est celui-ci : S’agit-il, dans les chapitres i et iii, de deux femmes distinctes, et par conséquent de deux mariages successifs, ou d’une seule femme et d’un seul mariage ? Ici encore, les commentateurs se sont partagés en deux camps opposés, et cette question, de même que la précédente, ne sera jamais élucidée d’une manière entièrement satisfaisante. Ceux qui sont partisans d’un double mariage supposent' que le second fut contracté, soit après la mort de Gomer, soit auparavant, et dans ce dernier cas, Osée aurait épousé une femme de second rang, comme la loi le permettait. Voir Kaulen, Einleitung, p. 343 ; Knabenbauer, Comment, in Proph. minore », t. i, p. 48. Mais, d’après le sentiment le plus probable et le plus commun de nos jours, la femme du chap. î et celle du chap. m sont identiques. Il paraît peu vraisemblable que Dieu,

à deux reprises, ait enjoint à Osée de se marier dans des circonstances si extraordinaires. De plus, le symbolisme, pour être parfait, exige qu’il soit question de la même femme ; car rien n’indique que Gomer fût morte, et, si Osée l’avait répudiée en vue d’une autre union, ces secondes noces auraient signifié que Jéhovah allait se choisir un nouveau peuple à la place d’Israël. D’ailleurs, la description très brève, mais caractéristique, de la femme que le prophète est invité à aimer malgré tout, iii, 1, ne convient que trop à Gomer. Cf. i, 2. La forme de l’ordre divin est à noter. Le Seigneur ne dit pas, la seconde fois : « Va encore, et prends une femme… ; » mais : « Va encore, et aime… ; » par conséquent : « Reprends-la, malgré son indignité, et sois-lui attaché quand même. » Le récit nous renvoie donc à i, 2. On peut supposer, avec de nombreux exégètes contemporains, que Gomer, mettant le comble à son inconduite, aurait quitté le foyer d’Osée, pour être encore plus libre ; puis, qu’abandonnée par ceux qu’elle avait follement suivis, elle se trouva dans une profonde misère matérielle ; Osée la reprit, mais la tint à l'écart pour la faire réfléchir et la ramener à de meilleurs sentiments.

Telles sont les principales difficultés auxquelles a donné lieu le mariage de notre prophète. Heureusement, quelque opinion que l’on adopte à leur sujet, l’interprétation du livre demeure au fond la même, bien qu’elle ait une forme beaucoup plus saisissante dans l’hypothèse d’un mariage réel et unique. Quoi qu’il en soit, l’image d’Israël représenté sous la forme d’une femme infidèle à son mari n’apparaît pas seulement dans le livre d’Osée : on la rencontre dès le Pentateuque, cf. Exod., xxxiv, 16 ; Lev., xyii, 7 ; xx, 5 ; Num., xiv, 33, etc., puis dans plusieurs autres prophètes, cf. Is., ii, 1-3 ; liv, 1-6 ; Jer., ii, 2 ; Ezech., xvi, 1-63, etc. Saint Jean-Baptiste et Jésus-Christ ont aussi employé une image analogue, cf. Joa., iii, 29 ; Matth., xxii, 1 ; xxv, 1 sq. ; Marc, ii, 19-20 ; de même saint Paul, cf. II Cor., xi, 2 ; Eph., v, 25-27, et saint Jean, Apoc, xix, 7-8 ; xxi, 1. Mais nulle part, si ce n’est dans le Cantique, cette idée n’est développée en traits aussi vifs et détaillés que dans le livre d’Osée.

On a conjecturé naguère, Duhm, Théologie der Prophetçn, Bonn, 1875, p. 130-131, que le prophète Osée appartenait à la famille sacerdotale. Les raisons alléguées (entre autres : la connaissance parfaite de l’histoire ancienne d’Israël ; l’emploi d’expressions liturgiques, telles que « la loi de Dieu », iv, 6, et viii, 12, « impur » légalement, v, 3, 'et vi, 10, « abominations, » îx, 10 ; la mention relativement, fréquente des prêtres légitimes ; la cessation des sacrifices légaux regardée comme un grand châtiment pour Israël, iii, 4 ; ix, 3 sq.) sont trop générales pour rendre certaine l’hypothèse en question. Maint laïque instruit pouvait connaître l’histoire et parler des choses liturgiques aussi bien que beaucoup de prêtres. Du moins, il est évident que, si l’auteur du livre n’appartenait pas aux classes supérieures, il était doué d’une intelligence peu commune, et qu’il se rendait parfaitement compte de ce qui se passait autour de lui. Comme Amos et Jérémie, il paraît avoir été un objet de haine et de persécution pour ses compatriotes, irrités de ses reproches sévères et de ses terribles menaces. Cf. Ose., ix, 7-8.

On ne sait rien d’authentique sur sa mort. Suivant une tradition juive, elle aurait eu lieu à Babylone, et de là, selon son désir formel, son corps aurait été transporté à dos de chameau dans la Galilée supérieure, à Safed, où serait son tombeau. Voir Robinson, Palâstina und die sildlich angrenzenden Lànder, t. iii, p. 597. Pseudo-Épiphanè et pseudo-Dorothée, l. c., le font mourir tranquillement dans son pays. D’après Burckardt, Reisen in Syrien, t. ii, p. 696 sq., les Arabes croient posséder le tombeau d’Osée sur l’emplacement