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ORIGENE


caractère de plénitude qui frappe le plus Origène. Il en déduit la nécessité du sens spirituel, sans lequel les Écritures seraient indignes de Dieu et ne paraîtraient point toujours au-dessus des conceptions humaines. En vertu de cette plénitude il n’y a pas dans la Bible un iota ni un seul trait vide de sens. Philoc, i, t. xiv, col. 1310 : tir, 8s[it’av xepacav /.evTjv cotpîaç ©eoû. Cf. In 1er., hom. xxxix, t. xiir, col. 544 ; InPs., r, 4, t. xii,

Col. 1081 : OîOTIVE’JCTTOV (il^pl TOÛ TUX^ VTO î Ypâli[iO<TO{.

Voir encore In Num., hom. xxvii, 1, t. xti, col. 782 : Non possunius dicere quod aliguid in eis sit otiosum aut super fluum.

B) Abandonner la lettre ou le sens corporel de l’Écriture toutes les fois qu’il en résulterait quelque chose d’impossible, d’absurde ou d’indigne de Dieu. — Cette règle n’est pas moins incontestable que la précédente dont elle peut êtr<> regardée comme un corollaire. La seule question qui se pose est de savoir ce qu’on entend par absurde, impossible et indigne de Dieu. On pourra examiner en détail les nombreux exemples où il faut abandonner, suivant Origène, le corps ou la lettre de l’Écriture pour recourir à la métaphore, à l’hyperbole, à l’allégorie ou à d’autres figures. Periarchon, iv, 12-17, t. xi, col. 365-375. En général les raisons données sont satisfaisantes. C’est le cas spécialement pour les anthropomorphismes qu’il faut entendre au sens figuré et pour certaines prescriptions qu’on ne doit point prendre à la lettre, comme le précepte de s’arracher l’œil qui scandalise, de tendre la joue gauche à qui vient de frapper la droite. Mais quelquefois elles sont faibles et peu décisives ou même dénuées de valeur, parce qu’elles ne se fondent que sur une prétendue impossibilité. Ainsi la permission de manger du tragélaphe ou du griffon ne peut pas, dit-il, se prendre à la lettre parce que le premier animal est fabuleux et que le second n’a jamais été capturé. La comparaison du texte original ferait évanouir cette difficulté. Il arrive aussi, quoique très rarement, qu’Origène désespérant de résoudre une antilogie se rejette sur le sens spirituel comme sur Je moyen unique de sauvegarder la vérité de l’Écriture. L’exemple le plus caractéristique et le plus connu de cette exégèse hardie est le début du tome x du -Commentaire sur saint Jean. L’étude de ce texte fameux exigerait des développements qui ne peuvent trouver place ici. Voir notre Origène, appendice H, p. 186-187. Assez souvent l’exégète alexandrin recourt encore au sens spirituel, pour rendre un récit ou un précepte dignes de Dieu.

C) Avoir toujours présent, comme principe directeur, l’enseignement de l’Église. — Cette obligation est expressément formulée dans le Periarchon, iv, 9, t. xi, <col. 360 : è^o[i.£votç toû xavdvoç ttj ; ’Ivjaou Xptorou xocrà BiaSo^v Tàiv àiroffToXwv oùpavtou’ExxXv^aç. Le fils sincère de l’Église ne doit point prêter foi aux con--clusions que les hérétiques tirent de l’Écriture, In Matth., ser. 46, t. xiii, col. 1667 : Sed nos illis credere non debemus, nec exire a prima et ecclesiastica tra<litione, nec aliter credere nisi quemadmodum per successionem Ecclesiee Dei tradiderunt nobis. Voilà pourquoi Origène fait si souvent appel à la prédica- _ tion ecclésiastique (/^pyyiia lxxX7)<jia<rrcx<)v), à l’enseignement ecclésiastique (â ixxXï]<naTrixbc X6-fo ; ), à la règle de foi ecclésiastique (6 êxxXï]o-ia<mxô ; xavwv), et voilà pourquoi il propose ses interprétations particulières avec tant de modestie, de réserve et de circonspection. Cf. Selectain Ps., ii, 1, t. xii, col. 1351.

2° Règles de l’allégorie. — « L’allégorisme est moins un système qu’une tendance. C’est la tendance à substituer au sens propre une métaphore ou un symbole, à superposer au sens naturel une accommodation arbitraire tirée de quelque analogie lointaine, au sens littéral un prétendu sens spirituel que ni la tradition ni

l’Écriture n’autorisent. Le milieu dans lequel vivait Origène devait fatalement l’entraîner dans l’allégorisme, où le poussait déjà son goût instinctif, nourri par sas lectures philosophiques. Pourtant il est juste de remarquer qu’il ne se réclame ni de Philon ni dîaucun écrivain profane ; c’est aux auteurs sacrés et surtout à saint Paul qu’il rapporte, avec ses idées sur le sens spirituel, son exégèse allégorique. » Origène, 1907, p. 133. L’explication allégorique n’est pas laissée non plus à l’arbitraire de l’exégète.

A) La première règle à suivre est Vanalogie bibligue.

— Nous voyons dans l’Écriture qu’il y a une Jérusalem terrestre et une Jérusalem céleste, un Israël selon la chair et un Israël selon l’esprit. Il faut en conclure que les ennemis du peuple juif représentent les ennemis du Sauveur, en général, que l’Église est préfigurée par la Synagogue. Si, peu satisfaits du sens charnel, nous attribuons un sens mystique aux prophéties concernant la Judée, Jérusalem, Israël, Juda et Jacob, nous devrons, pour être logiques, entendre aussi au sens spirituel celles qui ont pour objet l’Egypte et les Égyptiens, Babylone et les Babyloniens, Tyr et les Tyriens, Sidon et les Sidoniens. et ainsi des autres peuples. Car si les Israélites ont ce caractère figuratif, leurs ennemis l’auront également. Periarchon, iv, 20-22, t. xr, col. 385-392. Le principe est parfaitement juste mais l’application peut être arbitraire et le sera nécessairement dès qu’on n’aura pour se guider aucun indice tiré de la Bible, ou lorsqu’on prendra pour des indices des accidents sans portée ou sans signification, comme la répétition d’un mot, l’emploi d’une expression peu usitée, l’omission d’un détail jugé nécessaire.

B) La seconde règle à suivre est l’analogie naturelle — Ici Origène — et après lui les Pères qui ont marché sur ses traces, surtout les Pères latins — est principalement redevable à Philon et à Aristobule, dont il loue volontiers la méthode allégorique, Contra Cels., IV, 51, t. xi, col. 1112. C’est à Philon qu’est emprunté le symbolisme des noms, des nombres et des choses, bien que le développement, chez Origène, soit souvent indépendant et original. Le nombre deux est l’emblème du dualisme, de la division et du mal ; cinq représente le » sens, la chair opposée à l’esprit ; dix est le nombre parfait du Décalogue et des fruits du Saint-Esprit. Les étymologies sont encore une source inépuisable d’allégories, grâce à une assez curieuse théorie sur la signification des noms. Fragm. ire Gen., t. iii, col. 116. Mais c’est dans les mœurs et la nature des êtres que réside le principal fonds d’applications mystiques. On en trouvera un exemple caractéristique dans l’homélie sur ce texte de Jérémie : « La perdrix pousse des cris ; elle rassemble autour d’elle des petits qui ne sont pas les siens. » Hom., xviii, 1, t. xiii, col. 453. Tout ce morceau a été traduit par saint Ambroise, Epist., xxxii, t. xvi, col. 1069-1071, qui imite largement la méthode allégorique du catéchiste d’Alexandrie, comme font aussi saint Augustin et saint Grégoire le Grand, sans parler des orateurs sacrés ou auteurs ascétiques plus rapprochés de nous.

III. Canon d’Origène. —1° Ancien Testament. — Les mots « canon » et « canonique », au sens qui nous occupe ici, semblent étrangers à la terminologie d’Origène et ne se trouvent que dans les traductions latines de ses œuvres. Un livre canonique se distingue des autres par le fait d’être « inspiré », (kôîmutrroc, d’appartenir au Testament (ai èv 81a6^xr) fUgXoi, ou en un seul mot, ai èv61â6° )xot ftiêXoi). Les Livres Sacrés ont pour critérium d’être reçus comme tels par les Églises, d’être xosvà xs 8s81 ; [AEu[/iva, In Matth., x, 18, t. xiii, col. 831, d’être 6(ioXoyov(i£va, In Matth., xiv, 21, t. xiii, col. 1240 ; c’est l’opposé du livre apocryphe, In Matth., ser. 118, t. xiii, col. 1769. Dans sou commenlaire sur