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ONIAS

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saisie des dépôts confiés au Temple. De concert avec les prêtres et toute la population de Jérusalem, il recourut au seul moyen de préservation que lui permit la situation : il en appela à la protection du Tout-Puissant. Son espoir ne fut pas déçu. La vengeance divine s’abattit miraculeusement sur Héliodore. Onias, imploré par les satellites de ce dernier, pria le Seigneur d’accorder la vie au spoliateur ; il offrit même un sacrifice dans ce but, de manière qu’on ne pût accuser les Juifs de complot contre le ministre du prince et que celui-ci fût à même de renseigner Séleucus sur la manière dont les choses s’étaient passées. Héliodore eut la vie sauve ; il fit offrir un sacrifice d’actions de grâces, assura Onias de son amitié, partit avec les troupes qui l’accompagnaient et, bien convaincu du caractère surnaturel de la vengeance qui s’était exercée contre lui, fit comprendre au roi qu’il n’y avait rien à tenter contre le Temple de Jérusalem. II Mach., iii, 1-40. Simon n’en poursuivit pas moins ses intrigues contre Onias ; il alla même jusqu’à l’accuser d’hostilité contre le pouvoir établi. Le grand-prêtre se décida alors à aller trouver le roi afin de lui expliquer la situation et de préserver son peuple de toutes représailles. Sur ces entrefaites, Séleucus mourut et eut pour successeur Antiochus Épiphane. Jason, frère d’Onias, se fit alors attribuer, à prix d’argent, le souverain pontificat et s’appliqua, avec un zèle sacrilège, à introduire en Judée les mœurs et les coutumes païennes de l’hellénisme. Voir Jason, t. iii, col. 1141. Un frère de Simon, Ménélas, supplanta celui-ci à son tour, et n’hésita pas, pour se maintenir dans sa dignité usurpée, à donner ou à vendre des vases d’or du Temple. Voir Ménélas, t. iv, col. 964. Onias vivait alors retiré à Daphné, près d’Antioche. II reprocha à Ménélas le crime qu’il venait de commettre, crime d’autant plus odieux qu’un Juif osait se’permettre ce que le païen Héliodore avait été empêché d’exécuter. Pour se venger, Ménélas engagea Andronique, laissé par Antiochus Épiphane comme vice-roi à Antioche, à le débarrasser du vieux pontife. Voir Andronique, t. i, col. 565. Andronique, usant de ruse, tira Onias de son asile et le mit à mort. Les Juifs ne furent pas seuls à s’indigner de ce meurtre odieux. Beaucoup d’étrangers partagèrent leurs sentiments. Antiochus lui-même prit part au deuil général ; il versa des larmes sur la mort de cet homme de bien et dégrada Andronique au lieu même où il avait commis son crime. II Mach., iv, 1-38. La mémoire d’Onias resta en vénération parmi les Juifs. Pendant que Judas Machabée luttait pour l’indépendance de sa nation, il eut un songe dans lequel il vit Onias « les mains étendues, priant pour toute la nation des Juifs », et lui montrant à son tour Jérémie, « l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte. » II Mach., xv, 12-14. Onias était ainsi mis à peu près sur le même rang que Jérémie, à raison de son dévouement pour la nation. H. Lesêtm.

4. ONIAS, dit Ménélas. D’après Josèphe, Ant. jud., XII, v, 1, les deux frères du pontife Onias III, Jason et Ménélas, qui usurpèrent successivement sa fonction, s’appelaient primitivement Jésus et Onias. Ils auraient donc grécisé leurs noms en Jason et Ménélas, les seuls’que transcrit l’auteur du, livre des Machabées. Ce changement de noms est très admissible, étant données les circonstances. Mais ce qu’on ne peut admettre sur la foi de Josèphe, c’est que Ménélas ait été frère de Jason et par conséquent d’Onias III, car alors il y aurait eu, contre toute vraisemblance, deux frères du nom d’Onias dans la même famille. Cf. Schûrer, Geschichte des judischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. i, 1901, p. 195. D’après II Mach., iv, 23, Ménélas était frère de Simon, l’accusateur d’Onias III.

H. Lesêtre.

5. ONIAS IV. Il était fils d’Onias III, mais se trouvait encore en bas âge à la mort de son père. Après Jason. et Ménélas, ce fut Alcime, appelé précédemment Joachim, qui obtint de Lysias, gouverneur d’Antiochus-Eupator, le souverain pontificat, bien qu’il n’ajopartint pas à la famille des grands-prêtres. Voir Alcime, t. i, col. 338. Onias IV, se voyant évincé, se retira en Egypte auprès du roi Ptolémée Philométor, qui lui fit bon. accueil et lui accorda un terrain dans le nome d’Héliopolis, à quelque distance au nord de la ville d’IIélicpolis ou On. Voir la carte, t. ii, col. 1604, et Héliopolis, t. iii, col. 571. Le lieu s’appelait Léontopolis, différent du Léontopolis qui formait un nome beaucoup plus au nord d’Héliopolis. Strabon, xvii, 1, 19 ; Pline, H. N, v r 9, 49 ; Ptolémée, iv, 5, 51. Josèphe, Ant. jud., XIV, viii, 1 ; Bell, jud., i, IX, 4, parle d’un « district dit d’Onias » qu’il place entre Pelnse et Memphis, et qui se rapporte probablement à la région dans laquelle Onias s’établit avec ses compatriotes. Cf. Naville, Lecture on Bubastis and the city of Onias, dans The Academy, 1888, p. 49, 50, 140-142, 193-194 ; Schûrer, Geschichte, t. i, p. 97, 98. Le lieu s’appela successivement Pirâ, Onias et Tellel-Yahoudiéh. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 75. Il y av.ùt là un vieux temple appelé « Bubaste des champs », dédié à la déesse Bastit, à tête de lionne, d’où le nom de Léontopolis donné à la ville hellénique. Le temple tombait en ruines. Onias éleva en cet endroit un édifice analogue au Temple de Jérusalem, mais bien plus petit et fort modeste, orné cependant d’une tour de soixante coudées. L’autel ressemblait à celui de Jérusalem. Le candélabre était remplacé par un lustre d’or suspendu à une chaîne d’or. Une enceinte de briques, avec porte en pierre, entourait l’édifice. Le roi concéda aux environs beaucoup de terres dont le revenu devait servir à l’entretien des prêtres et aux dépenses du culte. Oniasen effet attira auprès de lui un bon nombre de prêtres et reproduisit dans son sanctuaire ce qui se faisait dans le Temple de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 1-3 ; Bell, jud., VII, x, 2, 3. — Cette entreprise avait été inspirée à Onias par la situation scandaleuse qui se perpétuait à Jérusalem, avec des grandsprêtres usurpateurs et sanguinaires qui favorisaient honteusement la propagation des mœurs païennes. Le roi Ptolémée seconda de tout son pouvoir la fondation d’Onias ; il avait un intérêt politique à favoriserles Juifs en Egypte pour les détacher des rois de Syrie. Au point de vue religieux, il fallait légitimer le nouvel établissement. Onias crut en trouver la justification dans ce passage d’Isaïe, xix, 18-19 :

En ce jour-là, il y aura au pays d’Egypte cinq villes ;

Qui parleront la langue de Chanaan,

Et prêteront serment à Jéhovah des armées ;

L’une d’elles s’appellera Ville du Soleil.

Et ce jour-là, Jéhovah aura un autel

Au milieu du pays d’Egypte,

Et auprès de la frontière

Un obélisque sera consacré à Jéhovah.

On lit maintenant dans l’hébreu, au lieu de « Ville du. Soleil », ’îr hahéres, « ville de destruction. » Les Septante lisent ville d’Asédek, et dans le texte de Complute, ville d’Achérès, ’A/spiç, ce qui suppose en hébreu îr hahérés, « ville du Soleil ; » Symmaque : tiôXi ; ilov, Vulgate : civitas solis. Il est fort probable que les Juifs de Palestine ont modifié le texte hébreu par hostilité envers Onias et son entreprise. De fait, Onias semblait réaliser la pensée d’Isaïe : Jéhovah était adoré dans plusieurs villes égyptiennes, particulièrement dans le nome d’Héliopolis, et un autel s’élevait en son honneur, avec un pylône qui en signalait la présence. Néanmoins, Josèphe, Bell, jud., VII, x, 3, ne voit pas la fondation d’Onias d’un bon œil. Il ne fait que reproduire le jugement des docteurs de Jérusalem, consigné dans la Mischna,