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LEGTIONNAIRES

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fications du début ou de la finale des Évangiles ont été introduites dans la trame du texte et ont pénétré ainsi dans le récit en nombre de manuscrits.

2° La composition elle-même des sections liturgiques a occasionné dans les manuscrits à texte continu, employés dans la liturgie, des modifications plus sensibles. Les leçons, en effet, ne se succèdent pas de telle sorte que tout le texte est lu à l’église. Trois cas se présentent :

— l « r cas : les leçons restent séparées par des passages intermédiaires qui n’appartiennent à aucune section. Ces passages non lus ont plus ou moins d’étendue. Généralement, ils ne se composent que de quelques lignes, de quelques mots, parfois d’un simple xai ou d’une particule semblable. Ils couraient le risque de ne pas être transcrits, lorsqu’une copie était prise sur un manuscrit adapté à l’usage liturgique et muni des rubriques nécessaires. — 2 « cas : les leçons, au contraire, enjambent les unes sur les autres, de telle sorte que la fin d’une section est le commencement d’une autre. Il y a, par suite, des versets qui sont communs à deux leçons consécutives. Ordinairement le nombre de ces versets n’est pas considérable et il ne dépasse guère deux ou trois phrases. Les notes indiquant le commencement et la fin de ces leçons se mêlent et s’enchevêtrent au point de causer parfois de la confusion, au moins pour un lecteur inexpérimenté. — 3e cas : une leçon n’est pas toujours formée par un seul texte ; elle réunit parfois divers récits, tirés soit du même Évangile soit d’Évangiles différents. Elle se compose donc de fragments agglutinés. Le cas est assez fréquent, non seulement dans les eûa-yyéXia tûv àf iwv ra16wv, mais encore au cours de l’année. Ainsi l’évangile du premier dimanche après la Pentecôte comprend Matth., x, 32, 33, 37, 38 { xiv, 27-30. Dans un évangéliaire, ces divers fragments étaient juxtaposés de manière à constituer une leçon unique. Mais lorsqu’on se servait d’un manuscrit à texte continu, il fallait, au moyen de rubriques, renvoyer d’un passage à l’autre. Ces rubriques ont reçu le nom de îmepêiietç ; elles sont marquées dans les manuscrits par des abréviations accompagnées de notes indiquant les références. Elles compliquaient la transcription des textes et amenaient bien des erreurs qui se sont transmises dans les manuscrits copiés l’un sur l’autre.

V. Influence fâcheuse des Lectionnaires sur le texte grec du Nouveau Testament. — Les critiques ont signalé dans les manuscrits des altérations dues aux lectionnaires ecclésiastiques. On peut les ramener à trois classes : 1° à des additions ; 2° à des omissions ; 3° à des transpositions.

1° Des additions, provenant du lectionnaire, ont été constatées dans le texte reçu ou dans des manuscrits. Dans le texte reçu, le nom de Jésus est ajouté, Matth., xiv, 22 ; Luc, sur, 2 ; xxiv, 36 ; Joa., vi, 14 ; xiii, 3, parce qu’on avait coutume de le suppléer au pronom dans les leçons liturgiques qui commençaient à ces passages. Pareille addition est possible encore : Matth., viii, 5 ; Joa., i, 29, 44 ; xxi, 1. Des formules entières, propres au texte reçu, dérivent de l’usage liturgique : Eine Se i xûpioc, Luc, VII, 31 ; xat arpaçetç npôç roùc (j.a9r, Tâc tint. Luc., x, 22. Des additions plus considérables se trouvent dans quelques manuscrits ; elles ont vraisemblablement la’même origine. Cette phrase : KaX Ù7to<npéiJ/a ; 6 IxawSvuap^o ; et ; tov oTxov aù^où ev au-rîj tï] <î>pa eupevTov ?raï8a OycaivovTa, suit Matth., viii, là, dans le Sinaiticus, VEphrsemiticûs, un certain nombre de cursifs, la version philoxénienne et l’Évangéliaire hiérosolymitain. VAlexandrinus reproduit deux fois Rom., xvi, 25-27, d’abord à sa place naturelle, puis après le chapitre xiv, où il se trouve dans l’épltre du samedi rrjç xupoqi âyov. Le Codex Bezse est remarquable par ses interpolations liturgiques. Luc, xvi, 19, insère ces mots : eïitev 8s étépav nàpaëoXrjv, qui se lisent avec une légère variante au début de l’évangile du cinquième dimanche de saint

Luc. Joa., xiv, commence ainsi : Kai ûtki toï ? tiaôr.caïî otÙToy ; une phrase équivalente se lit en plusieurs manuscrits de la Vulgate. J. Wordsworth et A. Whito, Kovum Testamentum D. N. J. C. laline, fasc. 4, Oxford, 1875, p. 605. L’addition la plus curieuse est celle de-o ziloi, Marc, X)V, 41 ; il est vraisemblable que-ciloç, indiquant la fin d’une leçon liturgique, a glissé de la marge, dans le texte. On la trouve dans les cursiꝟ. 13, 47, 51, 56, 61, 69, 124, 439, 473, 511. On la lit aussi dans des manuscrits de la Peschito, de la philoxénienne et de la Vulgate latine. J. Wordsworth et H. White, Nov. Test., fasc. 2, Oxford, 1891, p. 258.

2° Les rubriques qui, dans les manuscrits anciens, marquaient le commencement et la fin des sections liturgiques, surtout dans les cas d’enjambements ou d’ûmpêâ<reic, ont amené certains copistes à supprimer les passages, chargés de notes dont ils ne comprenaient pas le sens. Ainsi le Codex Bezse omet Luc, xxiv, 12. Or, ce verset termine le quatrième évangile èmâivôv àvccaràiTijvov et commence le cinquième, . Le Sinaiticus, le Vaticanus et le Codex Bezse omettent Joa., viii, 59, à partir de 8tE18(i)v. Or, la leçon du cinquième mardi après Pâques se termine avant ces mots et la leçon du dimanche suivant reprend Joa., îx, 1. Le Vaticanus, V Ephrmmiticus, le Codex Bezse, les cursiꝟ. 38 et 435, les manuscrits a, b, d, de la vieille Vulgate et quelques manuscrits de la traduction memphitique n’ont pas Luc, xxiii, 34. Mais la leçon du jeudi tyj ;-cupocpot-fou saute ce verset, qui figure cependant dans le huitième évangile tùv àyiiai notOtiiv. Le Sinaiticus, le Vaticanus et le Regius omettent 8tu-TepoTtpÛTM, Luc, vi, 1, remplacé dans les Évangéliaires par èv rot ; aâêëaai.

3° Les transpositions de textes, nécessaires pour constituer certaines leçons liturgiques et indiquées par des rubriques spéciales, ont produit parfois des transpositions réelles et des déplacements de textes. On cite comme exemple Luc, xxii, 43, 44, transportés dans un groupe de cursifs après Matth., xxvi, 39, comme à l’évangile du jeudi saint, et Joa., xix, 31-37, transportés dans les mêmes cursifs à la suite de Matth., xxvii, 51, comme dans un des évangiles tùv àytwv itdcflwv. Cf. Mill, Novum Testamentum greecum, édit. Kuster, Leipzig, 1723, proleg., n. 1055-1057, p. 103-104 ; Burgon-, Miller, The Causes of the corruption of the traditional texl of the Holy Gospels, Londres, 1896, p. 67-88.

VI. Valeur critique des Lectionnaires. — Jusqu’à présent, les lectionnaires n’ont guère été ulilisés par les critiques pour l’étude et la constitution du texte grec du Nouveau Testament. Les critiques les plus avancés les ont négligés de parti pris, les regardant comme des représentants de la plus mauvaise forme du texte, du texte dit syrien, reproduit dans quelques onciaux et la plupart des cursifs. Sans aller jusqu’à prétendre, par un excès opposé, que les lectionnaires représentent la meilleure forme du texte original du Nouveau Testament, il faut reconnaître à tout le moins que, de soi, un Évangéliaire a, sous le rapport de la transmission du texte, autant de valeur qu’un manuscrit ordinaire de la même époque. Il va sans dire que le critique, en s’en servant, devra toujours tenir compte des changements que l’usage ecclésiastique introduit ordinairement au commencement et à la fin des leçons liturgiques.

D’ailleurs, par leurs caractères propres, les lectionnaires ecclésiastiques ont une autorité supérieure à un manuscrit ordinaire qui n’est qu’un document privé et ne représente souvent que le sentiment d’un individu, du copiste ou du premier possesseur. Les livres liturgiques sont, de leur nature, très conservateurs ; les plus récents reproduisent les textes antérieurs et, sauf pour les fêtes locales ou nouvelles, écartent toute section nouvelle, toute expression récente ; ils tendent plutôt à conserver les formes archaïques. C’est ainsi que longtemps après que l’écriture cursive était employée dans