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NOÉ


II. L’entrée dans l’arche..— Lorsque le terme fixé fut arrivé, Noé avait achevé son œuvre. Dieu lui ordonna alors d’entrer dans l’arche avec sa femme, ses trois fils et leurs femmes, en tout huit personnes, I Pet., iii, 20, et d’y faire entrer aussi les animaux, conformément aux prescriptions qu’il lui avait déjà données. D’après les ꝟ. 1 et 4 de Gen., vii, Noé reçut l’ordre d’entrer dans l’arche sept jours avant le déluge, et selon les i. 10 et 11, il y entra le jour même ou les cataractes du ciel s’ouvrirent pour inonder la terre (fig. 449). Il y a là une contradiction apparente, mais il est aisé de concilier ces deux indications. Noé et sa famille entrèrent en effet dans l’arche une semaine avant le déluge, Gen., vii, 1 et 4, mais non pour s’y enfermer définitivement, ce qu’ils ne firent que sept jours plus tard, Gen., vii, 10, 13, lorsque le vaisseau eut reçu tous ses habitants. Dans l’intervalle, Noé et les siens durent continuer à s’occuper des derniers préparatifs, compléter peut-être les approvisionnements pour lui et pour les animaux, Gen., vi, 21, et recevoir ces animaux à mesure qu’ils arrivaient, les introduire dans l’arche et les installer à la place qui convenait à chacun.

Deux questions entre bien d’autres ont exercé ici la

449. — Noé dans l’arche, d’après la tradition chaldéenne. Antique cylindre babylonien. — D’après Jeremias, Der alte Testament im Lichte des Alten Orients, fig. 43.

sagacité des anciens interprètes. Ils se sont demandé d’abord comment les animaux les plus féroces vinrent à Noé, sans aucun danger pour lui et sans lui causer la moindre crainte. L’Écriture Sainte ne nous apprend rien sur ce point et nous en sommes réduits à des conjectures. Il en est de même pour l’autre question : Comment tous les animaux, appelés des pays les plus lointains et les plus divers, sont-ils venus seulement selon un nombre déterminé et sont-ils arrivés en même temps et au même endroit ? Les uns ont invoqué l’intervention des anges ; les autres ont recouru à un instinct analogue à celui qui pousse certaines espèces à émigrer vers d’autres climats. Dom Calmet a fait à ce sujet une sage réflexion, qui doit s’appliquer à tous les récits de la Bible, car elle exprime une règle essentielle de l’exégèse catholique : « Chacun, dit-il, peut abonder dans son sens sur la manière dont ceci s’exécuta, pourvu que la certitude du fait n’en souffre pas. » Commentaire littéral sur la Genèse, vi, 20, Paris, 1707, p. 169.

III. Le déluge ; la bénédiction de Dieu et son alliance avec Noé. — Lorsque tous les animaux furent réunis dans l’arche et au moment où les eaux du ciel allaient commencer de tomber, pour engloutir le monde condamné pur la justice divine, le Seigneur donna à Noé une marque tonchante de sa bonté. L’auteur sacré nous là fait connaître par ces simples paroles : « Et le Seigneur l’enferma par dehors » (hébreu : ferma derrière lui, ou pour lui). Gen., vii, 16. Par là, il voulait affermir sa foi et lui inspirer une absolue confiance et un entier abandon à Dieu. Enfermé dans ce vaisseau sans voiles, sans gouvernail, sans aucun moyen de se diriger, il ignorait sur quelles terres il aborderait pour

y déposer les germes d’un monde nouveau conservé dans l’arche (fig. 450}.

Le Seigneur, qui lui avait révélé si longtemps à l’avance l’époque du déluge, lui en laissait maintenant ignorer la durée. Aussi voyons-nous le patriarche^ chercher à savoir où en élait l’inondation lorsque l’arrêt de l’arche sur les montagnes du pays dé l’Ararat, dont les sommets étaient déjà émergés, lui fit comprendre que les eaux avaient dû baisser. Gen., viii, 4, 5. Il fit sortir par une fenêtre d’abord un corbeau qui ne revint pas, puis une colombe qui, n’ayant pas trouvé d’endroit où se reposer, retourna vers lui. Huit jours après, la colombe, lâchée une seconde fois, rapporta dans son bec un petit rameau d’olivier avec ses feuilles vertes. Noé attendit encore sept jours pour tenter une nouvelle expérience et envoya une troisième fois la colombe, qui ne revint pas. Découvrant alors le toit de l’arche, il put s’assurer par lui-même que les eaux se retirant avaient laissé la terre à sec.

Cependant il ne débarqua pas encore ; toujours soumis à l’action divine, il attendit que Celui qui l’avait enfermé dans l’arche vint lui ordonner d’en sortir. Quand il reçut cet ordre, une année entière s’était écoulée depuis

450.

— Noé ramant dans la barque, d’après la tradition chaldéenne. Antique cylindre babylonien.

D’après Jeremias, ibid., fig. 44, p. 125.

son embarquement. Il rendit la liberté à tous les animaux, ne retenant auprès de lui que ceux qu’il voulait offrir à Dieu et aussi sans doute ceux qui devaient rester à son service ou lui être de quelque utilité. Gen., vm, 6-9.

Dès que Noé eut mis les pieds sur la terre purifiée par les eaux du déluge, sa première pensée fut de reconnaître, par un sacrifice solennel, le souverain domaine du Seigneur qui venait de donner une preuve si éclatante de sa puissance et de sa justice contre les méchants en même temps qu’un témoignage si touchant de bonté et de miséricorde envers son serviteur fidèle. Il érigea donc un autel et y offrit en holocauste des victimes prises dans toutes les espèces d’animaux purs, oiseaux ou quadrupèdes, qui avaient été conservés dans l’arche. Gen., viii, 20.

C’est la première fois que l’Écriture fait mention d’un autel, mais évidemment Noé n’a rien innové, et sous une forme ou sous une autre, les autels ont dû exister dès l’origine du monde, aussi bien que les sacrifices qui les supposent. Voir Autel, t. i, col. 1266. Cf. Gen., iv, 3-5. — On peut faire la même observation sur la distinction entre les animaux purs et impurs ; la façon dont s’expriment Dieu lui-même et l’écrivain sacré indique bien qu’il s’agit d’une institution connue, et c’est pourquoi on en parle sans aucune explication. Gen., vu, 2 ; viii, 20. Voir Animaux impurs, col. 613.

Le Seigneur agréa ce sacrifice ; sa justice, qui venait de s’exercer avec une si terrible rigueur sur les pécheurs par le déluge, se trouva complètement satisfaite par cet hommage du juste Noé. Dieu voulut même mettre à l’avance une barrière à sa juste colère en se dépouillant, en quelque sorte, pour l’avenir, d’une partie de ses-