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qu’il faut prévenir et que Nahum prévient en effet : Thèbes est bien tombée, cette Thèbes si renommée, si forte, assise sur les eaux et au milieu des eaux ; elle est tombée à la stupéfaction de l’Egypte et du monde, et Ninive ne tomberait pas ! La topographie ancienne de Thèbes différait sensiblement de l’actuelle : le Nil s’est éloigné de Karnak qu’il baignait, les canaux dont la trace est encore visible sillonnaient la ville et l’entouraient ; de plus Thèbes était la seule ville d’Egypte assise sur les deux rives du Nil : les eaux étaient donc sa muraille. Poussant plus loin, le nom de « mer » en hébreu, comme en égyptien d’ailleurs, est souvent donné aux grands fleuves. Cf. Is., xxviii, 1 ; xviii, 2 ; xix, 5, etc. Il y a là tous les éléments voulus pour expliquer le langage d’un prophète qui se sert de l’hyperbole pour frapper plus vivement les esprits, comme lorsqu’on nous dit des armées assyriennes prêtes à dévaster l’Egypte qu’elles en feront un « désert » et une « solitude », Ézech. xxix, 10 : la description de Nahum convient donc très bien à Thèbes.

Déjà Samuel Bochart l’avait affirmé, Phaleg, 4, 27. Opéra, 3 in-f », Utrecht, 1692, t. i, col. 278. Les cylindres d’Assurbanipal sont venus enlever toute incertitude à ce sujet et du même coup fixer l'époque où vivait Nahum : il parle d’un fait qu’on n’a pas encore oublié. « Par la protection d’Assur, de Sin, et des grands dieux, mes maîtres, dit Assurbanipal, ils (mes généraux) engagèrent une bataille dans une vaste plaine, et dispersèrent ses forces (celles deTanoutamen).Tanoutamanou s’enfuit seul et entra dans Ni’a, sa capitale. Dans un voyage d’un mois et dix jours, sur une route difficile, ils, (nies généraux) arrivèrent après lui, au milieu de Ni'â ; Cette ville ils la prirent dans sa totalité et passèrent sur elle comme un ouragan. » Tablette K 2675, recto lig. 70-74, verso lig. 1-5, dans Georges Smith, History of Assurbanipal, p. 55-56. Vient ensuite la description du pillage, donnée plus haut et dans laquelle Assurbanipal dit qu’il « saisit la population mâle et femelle ». Nous voilà à peu près fixés sur la position de Ni’a : on s’est battu à l’entrée de l’Egypte, et quarante jours en remontant le fleuve, à travers un pays ennemi où les routes n’existèrent jamais et où l’oncompte du Caire à Louxor sept cent vingt kilomètres, n'étaient pas trop pour franchir la distance qui sépare de Thèbes le Delta oriental. Une seconde inscription sur la même campagne va faire pleine lumière. Ici Assurbanipal s’attribue les exploits de ; ses généraux. <s Dans ma seconde campagne, dit-il, je r ; marchai vers l’Egypte et l’Ethiopie.. Tanoutamanouapp’ritjla marche de-mes troupes et que je foulais le sol de l’Egypte. Il abandonna Memphis, et, pour Sauver sa vie, " se réfugia dans Ni’a. Les rois, les préfets, lés gouverneurs que j’avais établis en Egypte, vinrent à ma rencontre et me baisèrent les pieds. À la suite de Tanoutamanou je me mis en route ; j’arrivai à Ni’a, la cité forte ; il vit l’approche de ma puissante armée et s’enfuit à Kipkip (capitale de l’Ethiopie). » Cyl. A, lig. 61-72, dans G. Smith, loc. cit., p. 52-53. C’est donc bien vers le midi que se trouve Ni’a, puisque l’armée d’Assurbanipal, venant du nord, passe Memphis que Tanoutamanou vient de quitter fuyant en Ethiopie, et Ni’a ne peut être que Thèbes. Cf. Knabenbauer, Comment, in Prophetas Minores, t. i, p. 40-41 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 83-85..

2° Jérémie, xlvi, 25 : « Je vais visiter Amon de No. » Ainsi parle le Seigneur par la bouche de son prophète. Ici encore, comme plus loin dans le texte d’Ezéchiel, la Vulgate rend No par Alexandria. Nous savons maintenant qu’il s’agit de Thèbes. Il s’agit aussi de la première campagne de Nabuchodonosor en Egypte, cette Egypte qui a bercé Israël d’espérances folles et vers laquelle Israël a le tort de regarder. Nommer Nabuchodonosor, c’est dire que Ninive est tombée (608) et que

le second empire chaldéen a remplacé le premier. Suivant Josèphe, qui cite le témoignage de Bérose et de Mégasthène, Contr. Apion., r, 19, 20 ; Ant. jud., X, ii, 1 ; Mûller, Historicorum Grœcorum Fragmenta, lndica, fragm. 20, édit. Didot, t. ii, p. 416 ; cf. Slrabon, i, 16, auxquels peut joindre Abydène, Mûller, loc. cit., t, iv, fragm. 8 et 9, p. 283, Nabuchodonosor aurait conquis l’Egypte, une grande partie de la Libye et de l’Ibérie. Aussi affirme-t-il que la prophétie contre l’Egypte s’est réalisée. De cette première campagne, avec le témoignage documenté de Josèphe, nous n’avons guère que celui de la Bible. Jérémie nous en donne l'époque : « Je vais livrer le Pharaon Hophra, roi d’Egypte, aux mains de ses ennemis et aux mains de ceux qui en veulent à sa vie, comme j’ai livré Sédécias, roi de Juda, à Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui en voulait à sa vie (xliv, 30). » Il est à remarquer que le texte dit : « Je vais livrer Hophra ; Éphrée) aux mains de ses ennemis, » c’est-à-dire il sera. vaincu par les Babyloniens ; et il ajoute : « et aux mains de ceux qui en veulent à sa vie, » c’est-à-dire à Amasis et à ses partisans ; et ce dernier point concorde avec ce que nous savons de l’histoire d’Egypte. Amasis détrôna Hophra et celui-ci fut bientôt étranglé par la populace de Sais. Hérodote, ii, 169. Jérémie, xlvi, 25, donne aussi l'étendue de l’invasion, quand il écrit plus loin : « Jéhovah des armées Dieu d’Israël a dit : Je vais visiter Amon de No, et le Pharaon et l’Egypte, et ses dieux et ses rois. » Hophra' (voir Éphrée, t. ii, col. 1882) régna de 589 à 570, et Josèphe place cette invasion en l’an 23 de Nabuchodonosor, cinq ans après le siège de Jérusalem, Ant. jud., X, ix, 7, ce qui nous reporte à 583. Jérémie ajoute : « Et après cela, elle (l’Egypte) sera inhabitée comme aux jours d’autrefois, dit le Seigneur ». Jer., xlvi, 26. En effet, Amasis, qui régna de 570 à 526, s’appuyant sur les Grecs, releva très vite le pays de ses ruines. — M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 414-248, cite deux cylindres babyloniens au cartouche d’Apriès ; pour le moins, « ils attestent les rapports qui ont existé entre ces deux pays (l’Egypte et la Babylonie) du temps de Nabuchodonosor et d’Apriès. » "

3° Ézéchiel, xxx, 14 : « J’exercerai mes jugemente sur No' ; » 15 : « J’exterminerai la multitude de No ; » 16 : « No sera forcée. » Ces menaces d’Ezéchiel durent se réaliser pendant la seconde campagne de Nabuchodonosor en Egypte, la 37° année de son règne, 568. En général, c’est la seule campagne qu’admettent les égyptologues. Elle fut annoncée par Jérémie à Taphnès, près de Péluse. Après la mort de Godolias, c’est là, à l’entrée de l’Egypte, qu’avait résolu de se réfugier le petit nombre de ceux que les Chaldéens avaient dédair gné d’emmener captifs. En vain, le prophète combattit leur dessein. Ils l’entraînèrent de force avec eux, se croyant désormais à l’abri de Nabuchodonosor. Mais Dieu leur dit par la bouche de Jérémie, xliii, 10-13 : « Je vais envoyer Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur, et je placerai son trône sur ces pierres que j’ai déposées (les pierres que Dieu ordonna à Jérémie de cacher sous la plate-forme en briques à l’entrée de la maison de Pharaon), il étendra son tapis sur elles. Il viendra et frappera le pays d’Egypte, … il brûlera la maison des dieux d’Egypte. » Cf. Pétrie, Tanis, part, ii, including Tell Defenneh (The Biblical Tahpanhes), 1888, Ve Mémoire de YEgypt Exploration Fund. La 27e année de son exil, c’est-à-dire en 571, puisqu’il avait été emmené en exil à Babylone avec Jéchonias en 598, Ézéchiel (xxix, 10) marque les limites qu’atteindra l’invasion : « Et je ferai du pays d’Egypte, un désert aride et désolé, de Migdol à Syène, et jusqu'à la frontière de l’Ethiopie, » c’est-à-dire de la première ville du nord.de l’Egypte, jusqu’au delà de No, jusqu'à la première cataracte. Deux documents, l’un