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NINIVE


trouvés à Ninive ont pu y être transportés plus tard, comme ceux des anciens princes de la basse Chaldée. Nous constatons cependant que, au IXe ou xe siècle, les rois assyriens ont une résidence à Ninive : c’est là que Assur-nasir-pal (885-860) et son fils Salmanasar II (860-825) passent successivement les premières années de leur règne, Calach ayant été leur résidence durant leurs dernières années ; nous y trouvons ensuite des inscriptions de Ramman-Nirari III, petit-fils de ce dernier (812-783). Sargon (722-705) le destructeur du royaume d’Israël, bien que s’étant bâti une nouvelle capitale plus au nord, Dur-Sarrukin, actuellement Khorsabad, « pour remplacer Ninive, » fit cependant exécuter des travaux à Ninive, y restaura en particulier le temple, de Nébo et Marduk ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 211 : c’est à Ninive que le livre de Tobie, i, 11-12, fait résider foute la tribu de Nephthali sous Salmanasar — c’est-à-dire en réalité Sargon — père de Sennachérib. Tob., i, 18-19. Il est certain que ce dernier fit de Ninive « la résidence de sa royauté et l’admiration des peuples » ; il « releva ses murs aussi haut quje des montagnes », il l’approvisionna d’eau, en creusant le canal qu’il appela suqta &in-akhi-irba, enfin s’y bâtit deux palais : au nord, sur les ruines d’un plus ancien sur le tertre de Koyoundjik, le grand palais, sa résidence, où il accumula sculptures, statues, bronzes, cèdres et cyprès odoriférants, avec tous les trésors des nations conquises ; au sud, à Nebi-Younous, un autre plus petit, bit Kutalli, sorte d’arsenal, où il amassait armes, chars, provisions, chevaux, etc. Schrader, Keilinsch, Bibliothek, t. H, p. 110-111, 116-117, etc. Ses sculpteurs, au lieu de nous donner comme les précédents, des abrégés des scènes qu’ils veulent reproduire, dessinent des tableaux d’une complexité, d’une netteté et d’un réalisme frappants : Sennachérib, on le voit par les scènes de ses bas-reliefs, aimait à présider en personne aux travaux de ses architectes et de ses sculpteurs. Asarhaddon (681-668) imita son père ; bien qu’ayant habité Calach, il résida le plus souvent à Ninive, « la ville de sa royauté, » où il recevait les rois et les tributs des peuples vaincus : il y construisit un nouveau palais, plus magnifique que les précédents, et qu’il, nomma hekaltu paqidai Jcalamu, « palais qui gouverne l’univers ; » en même temps jl reconstruisait le bit kutalli sur un plan plus vaste ; tout cela se fit avec les tributs des 22 rois du pays des Ilatti et des riverains de la Méditerranée, Ba’al de Tyr, Manassé de Juda, dix rois de Chypre, etc. Schrader, ibid., p. 134-135 sq. ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 245-246. L’Egypte, conquise par Asarhaddon, dut aussi contribuer à l’ornementation de la capitale. Mais c’est surtout Assurbanipal (668-626) qui donna à Ninive toute sa splendeur : ses constructions dépassent pour leur étendue, leur splendeur, la variété et le fini des bas-reliefs, tout ce qui s’était vu jusqu’alors : les multiples campagnes du roi contre l’Élam, la Susiane, la Babylonie, les ambassades de l’Arabie, de l’Arménie, les chasses royales, les plaisirs de la cour, etc., y sont représentés avec une véritable perfection, analogue à celle des meilleurs bas-reliefs égyptiens. Les campagnes que Asarhaddon et Assurbanipal firent en Egypte expliquent facilement cette direction nouvelle de l’art assyrien. Ce dernier répara et agrandit à Ninive, sur le tertre de Koyundjick, le palais de Sennachérib : ce qui est encore d’un plus grand intérêt, à l’imitation des bibliothèques des temples et des palais babyloniens, il y réunit « ahhuz nimeqi Nabu, la sagesse de Nabu (le dieu des sciences), kullat dupsarruti sa gimir ummani rnala baSû, la totalité des tablettes écrites de tout genre, tant qu’il y en a ». Menant, ibid., p. 254, 275, 276 ; Schrader, ibid., p. 154-155, 230-231, etc. Layard trouva là les milliers de tablettes d’argile, alors soigneusement copiées sur les exemplaires babyloniens, puis classées et cataloguées, d’où le British Muséum de Londres a tiré

ses plus belles richesses. Lui-même rappelle parmi ses plus beaux titres de gloire la reconstruction du Bit riduti, le harem ? du palais de Ninive « la grande ville chère à Belit (Istar) » ; les bas-reliefs qui ornaient ces constructions nouvelles sont certainement ce que l’art assyrien a produit de plus parfait.

Ninive et l’empire assyrien semblaient alors à l’apogée de leur puissance : leur ruine était cependant fort proche : sur les successeurs d’Assurbanipal, nous avons peu de renseignements. Nous possédons seulement, exhumée de Ninive, une inscription mutilée du dernier, Sîn-Sar-Ukun, le Sarakos des Grecs, en même temps que leur Sardanapale : on en est réduit, sur la fin de Ninive, à des conjectures et aux récits des historiens classiques. Depuis longtemps déjà les Mèdes de Cyaxare la menaçaient : mais l’invasion et l’occupation de la haute Asie par les Scythes, ne permit pas aux Mèdes d’exécuter leur dessein jusqu’au bout. Sin-sar-iëkoun, nous l’apprenons par une inscription de Nippour, était encore reconnu roi jusqu’en Babylonie la septième année de son règne. Pesser, Texte juristischen und geschâftlichen Inhalls, dans Schrader, Keil. Bibl., t. iv, p. 176-177. Cependant Nabopolassar qui gouvernait Babylone en son nom, finit par vouloir se rendre totalement indépendant : en 607-606, il s’unit aux Mèdes et aux Scythes, et vint bloquer Ninive : et au bout d’un siège dont les documents ne nous apprennent ni la durée, ni les péripéties, cette ville succomba et fut prise et totalement ruinée, les Babyloniens rendant ainsi à Ninive tout le mal que celleci leur avait fait sous Assur-bani-pal. Quant aux Mèdes et aux Scythes leurs alliés, ils se laissèrent surtout attirer par les trésors accumulés dans les palais et dans les temples : « ils anéantirent les sanctuaires des dieux d’Assur, les détruisirent sans en laisser un seul, » comme l’écrira soixante ans plus tard le roi babylonien Nabonide. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. iii, p. 484-485. La destruction fut si complète que, deux siècles après, Xénophon, à la retraite des Dix Mille, traversa ce pays sans même relever le nom de l’antique capitale disparue. Toutefois la tradition locale conserva son souvenir ; sur les ruines il se bâtit même une petite ville qui porta le nom de la grande cité, et qui est mentionnée plusieurs fois dans l’histoire durant les démêlés des Romains et des Parthes, au temps de la révolte de Méherdates contre Gotarzès sous Claude, puis sous Trajan qui. l’enleva à Mebarsapes, ensuite durant les guerres entre Héraclius et Chosroès, en 627, quand l’empereur y défit le général perse Rhazathes ; G. Rawlinson, The Sixth Monarchy, p. 257, 310 ; The Seventh Monarchy, p. 522 ; elle est encore mentionnée dans l’histoire des croisades, mais elle disparut peu à peu ne laissant derrière elle que les deux villages de Koyoundjik et Nébi-Younous, ce dernier nom faisant allusion à la prédication de Jonas et à son prétendu tombeau.

Des ruines de Ninive, on n’a guère retrouvé et exploré que les restes des palais royaux (fig. 441), de sorte qu’il nous est difficile de nous faire une idée de sa population : les conjectures sur ce point sont fort divergentes : Jones et G. Rawlinson la portent à 175000 habitants ; Maspero, d’après Billerbeck-Jeremias, va jusqu’à 300000. Pour l’auteur du livre de Jonas, elle renferme plus de 120000 habitants qui nesciunt quid sit inter dexteram et sinistram, ce qui suppose un total d’environ 600000 âmes, Jonas, iii, 3, et il faut trois jours pour la parcourir civitas magna itinere trium dierum, iv, 11. Si ces données sont historiques et primitives, il.faut expliquer les trois jours du parcours des principales rues de la ville, et étendre l’appellation de Ninive à tout le triangle assyrien compris entre le Tigre et le Grand Zab, et renfermant ainsi Calach, Dur-Sarrukin, et plusieurs autres cités importantes : il est vrai qu’aucun texte ne nous fournit d’exemple du nom de Ninive ainsi étendu. Pour