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NAZAREAT


t. ii, p. 439, 440. — 4e II est donc à croire que le rite du nazaréat était déjà traditionnel dans la famille de Jacob et que son origine doit être cherchée dans les coutumes chaldéennes. Pour faciliter la pratique du nazaréat aux Israélites pauvres, leurs frères plus riches se faisaient un devoir de paver pour eux les frais nécessaires. Act., xxi, 24. Fr. Buhl, La Société Israélite d’après VA. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 18, pense que l’abstention du vin était une sorte de protestation contre la vie chanaéenne encore en vigueur au milieu des Israélites. Il est d’ailleurs en soi assez naturel que celui qui veut consacrer sa vie au Seigneur s’abstienne de vin et de toute liqueur fermentée, ces boissons ayant parfois pour effet de faire perdre à quelqu’un la possession de soi-même.

III. Signification des eues du nazaréat. — 1° Le nazaréat comporte deux actes distincts, l’un négatif, se séparer des autres hommes, Num., vi, 2, l’autre positif, se consacrer à Dieu, Num., vi, 8. Au premier correspond l’abstinence du vin et des liqueurs enivrantes, au second la croissance de la chevelure. La consécration qui résultait pour le nazaréen de ces deux actes l’assimilait aux prêtres et l’obligeait même aux règles de pureté imposées au grand-prêtre. — 2° L’abstinence du vin n’était pour lui, par comparaison avec l’obligation imposée au grand-prêtre, Lev., x, 10, qu’un moyen de mieux distinguer ce qui était pur et saint de ce qui ne l’était pas. — 3° La croissance de la chevelure marquait la plénitude de la vie, comme la croissance de la végétation dans la nature. Voilà pourquoi tout contact avec les morts, même les plus proches, était interdit au nazaréen, la mort étant la contradiction formelle de la vie. — 4° Des trois sacrifices offerts par le nazaréen à l’expiration de son vœu, le troisième était le plus important, par la nature de la victime et par la combustion de la chevelure consacrée à Dieu. Les portions de la victime était mises dans les mains du nazaréen, comme il se pratiquait dans les sacrifices offerts pour la consécration des prêtres. Exod., xxix, 24. Tous ces rites accusaient l’assimilation du nazaréat et du sacerdoce, au point de vue de la consécration à Dieu. — 5° La Loi ne prévoit pas le manquement volontaire au vœu du nazaréat ; le cas, sans doute, était regardé comme impossible, parce qu’on ne faisait le vœu qu’en connaissance de cause. Le manquement involontaire exigeait le sacrifice de deux oiseaux et d’un agneau, alors que, pour les impuretés ordinaires, on n’offrait qu’une brebis ou une chèvre, que les pauvres remplaçaient par deux oiseaux. Lev., v, 6-7. C’est qu’en effet la pureté imposée au nazaréen était plus parfaite que celle du simple Israélite. La souillure atteignant à la fois sa personne physique et morale, par conséquent sa chevelure consacrée et le temps écoulé de son vœu, il était de plus obligé de couper à nouveau sa chevelure et de recommencer le temps de son vœu. Toutes ces exigences indiquaient à quel degré devait se maintenir la pureté inséparable de la consécration à Dieu. Cf. Bàhr, Symbolik, t. ii, p.. 430-436. - 6° Bien que le nazaréat ne comportât que des pratiques extérieures, la consécration à Dieu dont il était le signe entraînait nécessairement une vie plus religieuse que celle des autres Israélites. Aussi admet-on généralement que les nazaréens se livraient à un certain ascétisme qui les rendait plus parfaits, plus exemplaires et plus agréables à Dieu. Samuel, saint Jean-Baptiste, saint Jacques le Mineur, sont des hommes de haute vertu morale.

IV. La pratique juive. — 1° La Loi autorise les hommes et les femmes à faire le vœu de nazaréat, et elle suppose que ce vœu est temporaire. Num., vi, 2, 13. Par ordre de Dieu, Samson fut voué au nazaréat avant sa naissance, Jud., xiii, 5 ; Samuel fut également voué par sa mère. I Reg., i, 11. — 2° Au cours des âges, les

Israélites interprétèrent les termes de la Loi pour en régler pratiquement l’exécution. Ces interprétations sont consignées dans le traité Nazir de la Mischna. On distinguait les nazaréens en perpétuels et en temporaires. Les nazaréens perpétuels étaient de deux sortes ; les uns s’en tenaient aux prescriptions de la Loi, mais pouvaient couper leurs cheveux une fois l’an ; les autres, à l’exemple de Samson, ne coupaient jamais leurs cheveux, mais n’offraient aucun sacrifice en cas de souillure. Cf. Nazir, i, 2. Les nazaréens temporaires faisaient le vœu de nazaréat pour un temps d’au moins trente jours. S’ils se vouaient pour une période plus longue, ils étaient obligés de s’en tenir scrupuleusement aux termes de leur promesse. Cf. Nazir, i, 3. — 3° Dix prescriptions s’imposaient au nazaréen : 1. laisser croître ses cheveux ; 2. ne pas se raser ; 3. ne boire ni vin, ni vinaigre, ni liqueur fermentée ; 4. ne manger ni raisin frais, 5. ni raisins secs, 6. ni pépins, 7. ni peau de raisins ; 8. ne pas entrer dans la maison d’un mort ; 9. éviter la souillure des morts, même des six qui sont mentionnés Lev., xxi, 2, à l’exception du mort laissé sans sépulture, que le grand-prétre lui-même était tenu d’inhumer, à défaut d’autre ; 10. offrir les sacrifices prescrits, soit à la fin du vœu, soit dans le cas de souillure involontaire. Cf. Nazir, iii, 3 ; S. Jérôme, In Amos, ii, 12, t. xxv, col. 1010. On voit que l’usage atténuait, en certain cas, l’obligation de ne jamais couper ses cheveux. — 4e Les cheveux des nazaréens n’étaient définitivement coupés que dans le Temple. Une salle particulière, située dans le parvis des femmes, était destinée à cet usage. C’est là aussi que les nazaréens faisaient cuire leurs offrandes. Cette destination d’un lieu réservé dans le Temple aux préparatifs des nazaréens prouve que le nazaréat temporaire était assez fréquemment pratiqué. Cf. Reland, Antiquitates sacras, Utrecht, 1741, p. 47. Si le nazaréen ne pouvait faire lui-même les dépenses nécessitées par ses sacrifices, il y était aidé par d’autres ; ceux-ci accomplissaient même en cela un excellente œuvre de piété. Quand le nazaréen mourait avant la fin de la période qu’il avait vouée, son fils ou son héritier pouvait se faire couper les cheveux et offrir les sacrifices à sa place. Pour la purification de la souillure contractée involontairement au contact d’un mort, on se servait de la cendre de la vache rousse, comme dans les cas analogues. Voir Lustration, col. 423 ; cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 226-231 ; Reland, Antiquitates særx, p. 142-145 ; G. F. Meinhard, De Nasirmis, Iéna, 1676.

— 5° C’est à tort qu’on a voulu voir dans les nazaréens des sortes de moines. Cf. Dessovius, Vota monastica et Nasirseorum inter se collata, Kiel, 1703 ; Less, Progr. super lege mos. de nasirasatu, prima eademque antiguissima vitse monasticse improbatione, Gœttingue, 1789. Rien n’autorise cette assimilation, les vœux des nazaréens ne portant que sur des pratiques extérieures. Ils n’en étaient pas moins obligés de se surveiller de très près et de se tenir quelque peu à l’écart de leurs semblables, puisque le contact même involontaire d’un mort réduisait à néant tout ce qu’ils avaient fait antérieurement pour l’accomplissement de leur vœu.

V. Les nazaréens célèbres. — L’histoire biblique et les^annales juives mentionnent un certain nombre de personnages qui ont été liés par le vœu du nazaréat.

1° Samson fut voué par sa mère au nazaréat, sur l’ordre de l’ange qui annonça sa naissance. Les conditions de vie imposées à Samson sont nettement indiquées : ne boire ni vin ni boisson fermentée, ne rien manger de souillé, ne point couper sa chevelure. Les aliments souillés qui lui sont défendus ne sont pas seulement ceux qui ont ce caractère pour tout Israélite, mais encore les raisins et ce qui en vient. Il doit être nazaréen jusqu’à sa mort. Jud., xiii, 3-14. Il n’est pas question pour lui de s’abstenir du contact des morts.