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NATURE — NATURELLE (HISTOIRE)

pourtant que la nature reste capable de résister au mal, puisque Dieu dit à Caïn, au sujet du désir du péché : « Toi, tu dois dominer sur lui. » Gen., iv, 7. Le texte sacré ne parle pas du secours que Dieu peut prêter à la nature humaine pour l’aider à triompher. Mais il est manifeste que l’homme qui se laisse vaincre est responsable et punissable, et que, par conséquent, sa nature, dans l’état où Dieu la maintenait, pouvait et devait résister au mal. Dieu envoya le déluge, parce que « la méchanceté des hommes était grande sur la terre et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. Gen., vi, 5. L’entraînement n’était pas fatal pour la nature humaine, puisque Noé et, sans doute, sa famille y avaient résisté. Gen., vi, 9. Les appels incessants au secours et à la miséricorde de Dieu, qui retentissent dans toute la Bible, montrent que les Israélites ont une conscience pratiquement suffisante de leur état naturel. Ils se sentent enclins au mal, même les meilleurs ; ils reconnaissent que cette faiblesse fait partie de leur nature : « Je suis né dans l’iniquité et ma mère m’a conçu dans le péché. » Ps. li (l), 7. Ils invoquent le pardon divin, sans être toujours assurés de n’avoir plus à compter avec la justice de Dieu : « Qui dira : J’ai purifié mon cœur, je suis net de mon péché ? » Prov., xx, 9. Mais ils n’ont pas la lumière suffisante pour distinguer entre les deux vies de l’âme, celle de la nature et. celle de la grâce. Dans les derniers temps avant Notre-Seigneur, l’auteur de la Sagesse, i, 11, dit bien que la bouche menteuse « donne la mort à l’âme », ce qui suppose en celle-ci une vie distincte de sa vie naturelle et immortelle ; mais il ajoute que « toutes les créatures sont salutaires », qu’« il n’y a en elles aucun principe de destruction » et que « la mort n’a pas d’empire sur la terre ». Sap., i, 14. Cette manière de parler laisse dans l’ombre l’idée d’une double vie naturelle et surnaturelle. Le même auteur, parlant de sa naissance identique à celle de tous les autres hommes, Sap., vii, 1-6 ; se félicite d’avoir été un enfant « d’un bon naturel » et d’avoir reçu en partage « une bonne âme ». Sap., viii, 19.

Dans le Nouveau Testament.

La révélation expresse d’une double vie, naturelle et surnaturelle, a été réservée au Nouveau Testament. Le Sauveur parle d’une nouvelle naissance, nécessaire à celui qui possède déjà la vie de la nature, Joa., iii, 3, 5 ; d’une nouvelle vie, surajoutée à la vie de la nature, et qui ne peut être reçue que de lui, Joa., vi, 31, 49-51 ; d’un nouveau mode d’action, impossible à celui qui n’est pas uni à lui comme le sarment à la vigne. Joa, , xv, 1-5. Saint Paul réduit ces notions en théorie très claire. Ayant tous péché en Adam, Rom., v, 12, nous sommes tous, par nature, fils de colère. Eph., ii, 3. Mais, par un pur effet de sa miséricorde, Dieu a enté sur l’olivier franc, c’est-à-dire sur son divin Fils qui s’est lui-même comparé à la vigne à laquelle il faut adhérer, les branches de l’olivier sauvage par nature, c’est-à-dire les hommes séparés de lui par le péché. Les grâces ménagées par l’Ancien Testament préparaient les Juifs, mieux que tous les autres, à recevoir cette vie surnaturelle communiquée par le Messie. Comme beaucoup d’entre eux l’ont refusée, Dieu a enté sur l’olivier franc des païens convertis, et cela « contrairement à leur nature », en ce sens que leur condition antérieure ne les prédisposait nullement à ce bienfait. Rom., xi, 17-24. Il y a donc dans l’âme chrétienne non seulement la vie de nature, commune à tous, mais une autre vie surajoutée à la première, de même que dans la branche greffée circule une sève nouvelle qui provient de l’olivier franc. La nature est par elle-même incapable de s’élever à cette vie surnaturelle, d’opérer le bien qu’elle entrevoit, Rom., vii, 18, d’arriver à la foi et au salut par ses actes propres, Eph., v, 8, et de se suffire à elle même dans les choses les plus simples qui se rapportent à cette vie supérieure. II Cor., iii, 5. L’homme animal, c’est-à-dire réduit au pur état de nature, n’est pas capable de les concevoir. I Cor., ii, 14. Saint Pierre résume d’un mot toute la doctrine en disant que, par cette vie nouvelle, nous devenons « participants de la nature divine ». II Pet., i, 4. Telle est, en effet, la distinction fondamentale entre le naturel et le surnaturel. Le premier appartient à l’essence même de l’homme, le second vient de Dieu, tient à Dieu, mène et unit à Dieu, ajoute à la nature de l’homme quelque chose de la nature de Dieu. Voir Justification, t. iii, col. 1878.

H. Lesêtre.

NATURELLE (HISTOIRE), science des choses de la nature.

1° Cette science a existé chez les Hébreux dans une mesure qui peut se déterminer d’après la manière dont leurs écrivains s’expriment à ce sujet. 1° On admet généralement que les auteurs sacrés n’ont pas reçu de révélation particulière pour parler scientifiquement des choses de la nature. Ils s’expriment d’ordinaire comme avaient coutume de le faire leurs contemporains, et leur science reflète celle de leur époque. Salomon disserta sur la botanique et sur la zoologie. III Reg., iv, 33. L’auteur du livre de Job décrit avec une compétence remarquable les animaux ou les phénomènes naturels. Quelques prophètes, surtout Joël, Amos, Zacharie, font preuve d’une observation assez attentive de la nature. Mais, en général, les auteurs sacrés ne touchent qu’en passant aux faits qui intéressent l’histoire naturelle, et ils ne mentionnent guère ces faits que comme des termes de comparaison. Seul, le Lévitique, xi-xv, est amené, par la nécessité de formuler une législation précise, à entrer dans certains détails sur la nature des animaux et les caractères physiologiques de quelques maladies.

2° Quand les écrivains bibliques parlent des choses du monde physique, leurs descriptions montrent qu’ils ont été bons observateurs. Le genre de vie des Hébreux les a maintenus en contact assez constant avec la nature pour qu’ils en aient pu saisir exactement les principales lois. Le premier chapitre de la Genèse mentionne les divisions essentielles du règne végétal, 11, 12, et du règne animal, 20-25. Les mœurs des animaux sont parfois décrites d’une manière très juste et très pittoresque. Ainsi en est-il, par exemple, de l’onagre, Job, xxxix, 5-8, de l’autruche, 13-18, du cheval, 19-25, de l’hippopotame, Job, xl, 15-24, du crocodile, 25-xli, 25, de la fourmi, Prov., vi, 6-8, etc. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 424-425. Certains grands phénomènes naturels sont également l’objet de descriptions très détaillées et très exactes, comme le chamsin, Exod., x, 22-23 ; Sap., xvii, 1-20, les torrents des montagnes, Job, xii, 15 ; xxvii, 20 ; Is., xxviii, 2-18, l’orage, Ps. xxix (xxviii), 3-9, les signes du temps, Matth., xvi, 2-4, etc.

3° Comme tous leurs contemporains, les écrivains sacrés parlent assez souvent des choses de la nature d’après les seules apparences. Il serait donc déraisonnable de prendre les descriptions qu’ils en font alors comme l’expression de la réalité objective. Ce point de vue, déjà signalé par les Pères, cf. S. Augustin, De Gen. ad lit., i, 19, 21, t. xxxiv, col. 261, a été mis hors de contestation par l’encyclique Providentissimus, dans laquelle Léon XIII s’exprime ainsi, t. i, p. xxix : « II faut d’abord considérer que les écrivains sacrés, ou plutôt l’Esprit-Saint parlant par leur bouche, n’ont pas voulu nous révéler la nature du monde visible, dont la connaissance ne sert de rien pour le salut ; c’est pourquoi ces écrivains ne se proposent pas d’étudier directement les phénomènes naturels ; mais, lorsqu’ils en parlent, ils les décrivent d’une manière métaphorique ou en se servant du langage communément usité de leur temps, langage dont les plus grands savants se servent encore de nos jours dans la vie ordinaire. Or