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NAHUM


gum traduisait ce surnom par itf’ip ri’so, mibbef Qôsi, « de la maison, c’est-à-dire de la famille, de QôH. » Il désigne, cela n’est pas douteux, le lieu d’origine ou d’habitation du prophète, et signifie : originaire ou habitant &"Elqô$. Cf. les surnoms analogues de hâ-’Annetoti (Vulgate : Anathothiles) et de liam Morasfi (Vulgate : Morasthiles), donnés à Jérémie et à Michée, parce qu’ils étaient, le premier d’Anathoth, le secon d de MoréSet Gaf. Cf.Jer., xxix, 27 ; Mich., i, 14.Voiraussi IIIReg., xi, 29 ; xvii, i ; Jer., xxix, 23, etc. Sur le site d"ElqôS, voir Elcési, t. H, col. 1617.

Nous ne savons rien de la vie de Nahum. Il n’est mentionné nulle part ailleurs dans la Bible. La légende elle-même raconte peu de chose sur son compte, et dit seulement qu’il avait prophétisé que Ninive périrait par l’eau et le feu, et qu’il mourut et fut enseveli à Begabar. "Voir Pseudo-Épiphane, De vit. proph., 17, t. XLiii, col. 409 ; Huet, Demonstrat. evangel., iv, § 5 ; Carpzow, Introductio ad libr. canon. Bibliorum Vet. Test., t. iii, p. 386 sq. Nahum est mentionné en passant dans le second livre apocryphe d’Esdras, I, 40, et par l’historien Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 3. Sur l’époque à laquelle il vivait, voir plus bas, col. 1466.

II. Authenticité et intégrité du livre de Nahum, sa canonicité. — 1° Jusqu’à ces dernières années, personne n’avait attaqué l’authenticité de la prophétie de Nahum ; les critiques contemporains les plus hardis, Kuenen, Wellhausen, Cornill, etc. (voir col. 1468), l’admettaient eux-mêmes sans hésiter, pour l’écrit tout entier. Si quelques rares interprètes avaient rejeté, comme des gloses apocryphes, la première partie du titre, Onus Ninive, « prophétie contre Ninive, » ou encore la description de la ruine de Thèbes, Nah., iii, 8-10, on avait laissé tomber leurs objections, qui n’avaient rien de scientifique ; d’ailleurs, pour ce qui est de l’oracle relatif à Thèbes, les documents assyriens sont le meilleur garant de son authenticité comme de sa véracité. En effet, les détails historiques que donne l’écrivain sacré sont pleinement confirmés par les Annales d’Assurbanipal. Elles nous disent que le roi d’Egypte, Ourdaman, apprenant que le conquérant égyptien « avait franchi les frontières de l’Egypte, … abandonna Memphis et, pour sauver sa vie, s’enfuit à Thèbes ». L’inscription ajoute : « Je suivis la route qu’avait prise Ourdaman ; j’allai à Thèbes, la ville forte. Il vit l’approche de ma puissante armée, et abandonna Thèbes… Cette ville tout entière, au service d’Assur et d’Istar, mes armées la prirent… Un butin grand et innombrable, je l’emportai de la ville de Thèbes. » On lit dans une autre inscription : « Ils (les Assyriens ) s’emparèrent en entier de la ville et la détruisirent comme une inondation. » Voir F. Vigoureux, La Jiible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 8086 ; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 166-169.

Une objection plus grave et toute récente porte sur le passage i, 2-n, 3, dont on prétend enlever la paternité à Nahum. Voici les faits. Dans la troisième éditionde son Commentar ûber die Psalmen, 1873, p. 117, Frz. Delitzsch attira brièvement l’attention de ses lecteurs sur une remarque du pasteur wurtembergeois G. Frohmeyer, d’après lequel il y aurait des traces d’un arrangement alphabétique dans Nah., i, 3-7. Partant de là, un savant catholique, le D r Bickell, qui a consacré une partie considérable de ses travaux à la recherche du mètre poétique hébreu, a fait, entre les années 1880 et 1894, plusieurs tentatives pour reconstruire le texte primitif du chap. I er de Nahum. D’après lui, le poème alphabétique n’aurait pas seulement occupé les versets 2-7, mais les versets 2-10, et ce poème aurait été composé oxquisito artificio, d’une manière à peu prés régulière pour les lettres Nàc, dont chacune commence un vers ou une partie de vers, mais irrégulièrement pour les autres lettres. Voir son article dans ïeZeitschrift der deut schen morgenlând. GeselUchaft, 1880, t. xxxiv, p. 559 et suiv. ; ses Carmina Veteris Testant, metrice, 1882, p. 211-213 ; ses Dichtungen der Bebràer, 1882, 1. 1, p. 72 ; un autre article, intitulé Beitrâge zur semit. Metrik, das alphabetà. Lied in Nah., i, 2-u, 3, dans les Sitzungsberiehte de l’Académie impériale des Sciences de Vienne 1894, Abhandl. v. Le D’Gunkel, qui appartient au rationalisme le plus avancé, a fait aussi un essai de reconstruction du prétendu cantique ; mais, à part le résultat général, ses conclusions durèrent notablement de celles de M. Bickell, qu’il déclare inadmissibles. Selon lui, l’acrostiche en question s’étend de Nah., i, 2, à Nah., Il, 3 : les lettres N à h sont représentées dans la première moitié de ce passage, i, 2-8, et les lettres Dan dans la seconde moitié, i, 9-H, 3. Il y aurait eu à l’origine 22 distiques, dont chacun commençait par une lettre différente de l’alphabet hébreu ; mais le texte a tellement souffert entre les mains des copistes, que la construction alphabétique a presque entièrement disparu en certains endroits, surtout dans la deuxième partie. Voir la Zeitschriftfûr alltestamenttiche Wissenschaft, 1894, t. xii, p. 223-244, et aussi, du même auteur, l’ouvrage Schôpfung und Chaos, 1895, p. 102 sq. C’est M. Gunkel qui, de cette hypothèse, a tiré le premier la conclusion que tout ce passage du livre de Nahum ne lui appartenait pas à l’origine, qu’il est l’œuvre d’un poète juif d’après l’exil, et que le rédacteur l’a placé en têle de la prophétie proprement dite, relative au jugement de Ninive, pour lui servir d’introduction. Plusieurs néo-critiques ont accepté cette opinion. Voir W. Nowack, die kleinen Propheten ûbersetzt und erklârt, Gœttingue, 1897, p. 227 et 231 ; G. Buchanan Gray, dans The Expositor, sept. 1898 ; K. Marti, Dodekapropheton erklârt, Tubingue, 1904, p. 308, etc. Néanmoins, des interprètes aux principes assez larges, tels que MM. A. D. Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, Londres, 1896, p. 18-208, et Driver, Eœpository Times, déc. 1897, t. ix, p. 19, se refusent à y souscrire, la regardant très justement comme une simple conjecture, dont la vérité n’a pas été démontrée. Non seulement la théorie de M. Gunkel diffère de celle du D r Bickell, mais ce dernier a dû transformer la sienne jusqu’à trois fois, et leurs imitateurs sont loin d’être d’accord avec eux sur tous les points. Et quelle violence ne faut-il pas infliger au texte hébreu, « pour faire entrer ce morceau dans le vêtement étroit d’une forme alphabétique ! » Davidson, Nahum, p. 19. On supprime tels et tels mots gênants ; on en ajoute d’autres, requis pour les besoins de la cause. On iait des substitutions, des transpositions, etc., toutes choses « qui nous paraissent intrinsèquement invraisemblables ». Driver, l. c. Si l’on trouve çà et là des traces d’un arrangement alphabétique (voir les versets 5-7, où les lettres ii, i, n et is se suivent en tête des propositions), ce fait paraît être purement accidentel. Enfin, alors même que l’hypothèse de MM. Bickell, Gunkel, etc., serait vraie, on se demande pourquoi le prophète Nahum aurait été incapable de composer un tel poème. On a prétendu sans raison que les écrivains bibliques les plus récents furent les premiers et les seuls à goûter ce genre de littérature. Sur cette question, voyez encore O. Happel, Der Psalm Nahum kritisch untersucht, 1900, et W. R. Arnold, The Composition of Nah., i-n, 3, dans la Zeitschrift der alttestam. Wissenschaft, 1901, p. 225-265.

2° La Synagogue et l’Église chrétienne ont tour à tour admis sans hésitation l’oracle de Nahum parmi les livres canoniques ; sous ce rapport, il a joui sans cesse d’une autorité incontestée. Voir J. Fùrst, der Kanon des A. Test, nach den Ueberlieferungcn in Talmud u. Midrasch, 1868, p. 28 sq. ; F. Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 1876, §§ 25-37 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., t. i, n. 27 sq. ; L. Wogue, grand rabbin, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, 1881, p. 12 sq.