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NABUTHEENS


lettre à l’autre, mais souvent dans l’intérieur même d’une lettre, surtout dans les lettres finales. La queue de Ym, ne trouvant pas d’autres lettres où s’accrocher, se replie sur elle-même et se ferme par en bas. Le hé fait de même ; dans les anciens centres nabatéens de Souéïdéh, de Siah, découverts par MM. Waddington et de Vogué, on remarque déjà la tendance des deux branches de la lettre à se rapprocher ; à El-Hedjr, la jonction est accomplie et le hé prend à la fin des mots la forme d’une pochette. » Ph. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, Paris, 1891, p. 277. De l’écriture nabatéenne est sortie l’écriture arabe, par une série de transformations successives. Voir Alphabet, Tableau de l’alphabet arabe et de l’alphabet nabatéen, 1. 1, col. 409.

VIL Religion. — Les inscriptions funéraires et votives nous fournissent sur la religion nabatéenne des renseignements utiles, bien qu’ils soient encore incomplets. Nous ne connaissons pas toutes les divinités de son panthéon. Le dieu qui semble occuper le premier rang est DûSara’, *nwn que les auteurs grecs et latins nomment Aoj<ràpT)ç, Dusares. Les historiens arabes écrivent, 4_ièJJjJ, Dhû essara, c’est-à-dire « le maître du Schara ou Scherra », district montagneux, qui s’étend de la mer Morte au golfe d’Akaba. Il paraît donc avoir été le dieu particulier du pays d’Édom. Son éîilte cependant était répandu dans toute l’Arabie, spécialement à Adraa, à Bosra, où des jeux avaient été institués en son honneur. Il était adoré sous la forme d’une pierre rectangulaire, deux fois plus haute que large, et posée sur une base. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, p. 120-123. —’£1, qui appartient au plus ancien fonds des langues sémitiques, représente la nature divine devenue, dans le polythéisme, le partage de plusieurs, mais non une divinité, objet d’un culte spécial. Il se retrouve cependant dans une foule de noms propres nabatéens, comme Sxam, Uahab’el, correspondant à Dieudonné, Sn-iim, Natar’el, « que El garde, » hnm, Hann’el, « Grâce de El, » semhlable à l’hébreu Hânan’èl, etc. Les inscriptions grecques nous donnent : ’Avvt)), o ; , OùocërjXoç, N « Tâ(ieioç, 1 Pà6’r]ioç. Comme tout dieu sémitique, El se dédoubla et la forme féminine’Elât, ’Ildtoa’Allât a mieux gardé la valeur d’un nom propre que le masculin, qui est le nom impersonnel de l’être divin. Devenue un être distinct comme les autres déesses sémitiques de la Syrie, Astarté, Mylitta, Allât avait ses autels spéciaux et ses adorateurs attitrés. Les inscriptions nous montrent qu’elle avait à Salkhad ou dans les environs un temple et un collège de prêtres ; de plus, sa présence dans la composition des noms propres et surtout du nom caractéristique XJahballât prouve la place qu’elle occupait dans l’esprit du peuple. Son culte, répandu dans toute la péninsule arabique, existait au ve siècle avant notre ère et ne fut détruit que par Mahomet ; son simulacre était une pierre blanche carrée, souvent aussi elle était adorée sous la figure d’un arbre, comme’Uzza, autre forme de la déesse arabe. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, p. 107-111 ; M. J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 70-83. — Avec Dusara, deux autres divinités, Manùtu, mi », et QaiSah, rw » p, étaient adorées à Hégra. Cf. Corpus Inscr. sem., part, ii, 1. 1, p. 223. La première est mentionnée dans le Coran avec Allât ; la seconde devait aussi être connue des Arabes, comme on le suppose d’après le nom d’un poète antérieur à l’hégire, Amru’lrQaîs. On trouve encore Mutaba, que Homme], Die altisrælitische Veberlieferung, p. 320, rapproche du dieu sabéen Môtab-Natijân, et Hobal, qui est également un ancien dieu arabe. Cf. Corpus inscrip. sem., part, ii, t. i, p. 225. Il est d’autres noms douteux dont nous ne disons rien.

Le caractère de la religion nabatéenne participe du caractère du peuple lui-même : les dieux y ont une vie sédentaire et une vie nomade, leur culte a quelque chose de plus personnel et de moins local. Ainsi DuSara

est « le dieu de notre seigneur », c’est-à-dire du roi. On a trouvé à Salkhad une inscription qui se rapporte à un monument élevé par deux personnages du nom de Rûfyû, « à Allât leur déesse. » Cf. M. de Vogiié, Syrie centrale, p. 107. Ailleurs on parle du dieu de Sa’idu, du dieu de Qaisu. La stèle de Téima nous montre un personnage introduisant dans cette ville son dieu Salm ; les divinités locales, non seulement agréent le nouveau venu, mais encore lui constituent une redevance. Cf. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, p. 501504. La famille aussi bien que la tribu emmène donc avec elle le dieu qu’elle adore spécialement. Les rois nabatéens recevaient, sinon de leur vivant, du moins après leur mort, les honneurs de l’apothéose et étaient traités comme de véritables dieux, si bien que leurs propres noms figuraient comme éléments théophores dans la composition de ceux qui étaient portés par un bon nombre de leurs sujets ; tels sont les noms à"Abdmaliku, ’Abd’obodat, ’Abdharélat, formés sur le type’Abdba’al, « serviteur de Ba’al, » ’Abd’alahi, « serviteur de Dieu. » Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, t. ii, p. 368-371. On élevait au dieu des temples, qui étaient sans doute des enceintes sacrées avec un édicule pour recevoir sa statue ou son symbole. On érigeait un peu partout des stèles votives, NUDn, mesgida’, lieu d’adoration, d’où est venu mosquée. « Une forme très authentique a été copiée par Euting, Nabatàische Inschriften, p. 61, à Hégra. C’est une stèle, surmontée d’un rebord comme un autel, taillée en relief dans le rocher et placée daus une sorte de niche. La largeur est sensiblement plus grande au sommet. Le but n’était pas de placer là une statue ; c’est la stèle qui est consacrée et elle l’est à un dieu étranger, comme les cippes votifs phéniciens à un dieu de Bosra… Chez les mêmes Nabatéens, la niesdjida a encore plus nettement le caractère d’un autel. El en effet ils étaient Arabes d’origine et nous avons vu chez les Arabes une tendance à confondre l’autel avec la pierre sacrée elle-même. » Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 209-210. On a l’exemple d’un lit ou siège divin, offert à Dusara, et de deux chameaux peut-être dorés, consacrés au même dieu en action de grâces. Cf. Corpus inscrip. sem., part, ii, 1. 1, p. 184, 188. La stèle et un bas-relief trouvés à Téima nous offrent d’intéressants détails sur le culte religieux nabatéen. Cf. G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 392, 393. Voir Théma..

Pour la numismatique, cf. duc de Luynes, Monnaies des Nabatéens, dans la Revue numismatique, 1858, p. 292-316, 362-385, pi. xiv, xv, xvi ; de Vogiié, M onnaies des rois de Nabatène, même revue, 1868, p. 153-168, pi. v ; de Saulcy, Numismatique des rois nabatéens de Pétra, dans Y Annuaire de la Société française de Numismatique et d’archéologie, t. IV, l r8 part., 1873, p. 1-35 ; Sorlin-Dorigny et Babelon, Monnaies nabatéennes inédites, dans la Revue numismatique, IIIe série, t. v, 1887, p. 369-377 ; Dussaud, Numismatique des rois de Nabatène, dans le Journal asiatique, mars-avril 1904, p. 189238, avec trois planches.

Les découvertes modernes ont donné lieu à de très nombreuses études sur les Nabatéens, surtout au point de vue épigraphique. Ces études sont disséminées dana les revifés^cientifiques ou dans les recueils que nous avons signalés ; il est impossible de les indiquer ici. Le Corpus inscrip. sem. renferme, sous ce rapport, une bibliographie complète. Voir aussi pour l’ensemble de cette histoire, E. Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Nouveau journal asiatique, 1835, t. xv, p. 5-55, 97-137, 200-240, ou dans ses Mélanges d’histoire et de philologie orientale, Paris, s. d., p. 58-189 ; Eb. Schrader, Die doppelten Nabatàer, dans ses Keilinschriften und Geschichtsforschung, in-8°, Leipzig, 1878, p. 99-116 ; Clermont-Ganneau, Les Nabatéens dans