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MYTHIQUE (SENS)


et l’Égl., p. 20, cf. p. 89. Or, le moment n’a pu être décisif pour l’inauguration du ministère de Jésus, que si Jésus a trouvé sur les bords du Jourdain une manifestation expresse de la volonté de son Père et s’est senti investi de pouvoirs en rapport avec sa mission, c’est-à-dire, que si l’événement du baptême a eu substantiellement le caractère surnaturel que décrivent les Évangiles. Et pourquoi ne pas admettre lés circonstances évangéliques dans leur intégrité ? Les détails paraissent bien garantis par l’historicité du fond ; il semblent inséparables de la substance ; en tout cas, ils sont en parfaite harmonie avec la personnalité surnaturelle de Jésus et tout le reste de son histoire. — Ne peut-on en dire autant de l’épisode de la tentation ? On ne voit pas le motif théologique ou l’intérêt apologétique qui aurait porté la première génération chrétienne à imaginer des épreuves qui accentuent plutôt l’humanité du Sauveur. D’autre part, s’il y a quelque chose de profondément mystérieux dans les divers conflits entre Jésus et Satan, s’il n’y a pas lieu de chercher une identification matérielle à la montagne sur laquelle est transporté le Fils de Dieu, rien n’indique qu’il faille voir symbolisées dans le récit de simples expériences intérieures. — Quant à l’épisode de la transfiguration, c’est encore en partant d’un préjugé qu’on pourrait le ramener à l’expression symbolique d’un pur phénomène de conscience. Le fait est nettement circonstancié, avec des détails qui portent visiblement le caractère de l’histoire : on est au sixième jour après l’incident de Césarée de Philippe ; avec Jésus sont trois de ses apôtres, Pierre, Jacques et Jean. La réflexion si caractéristique de saint Pierre à propos des trois tentes, et la remarque de PÉvangéliste qu’il ne savait ce qu’il disait, tant était grand leur saisissement, semblent bien garantir l’apparition de Moïse et d’Élie comme fait extérieur. Enfin, la réalité de la manifestation éclatante se trouve confirmée par la prédiction connexe touchant la proximité de la passion, prédiction dont l’historicité même est attestée par cette observation de l’Évangéliste, que les Apôtres retinrent les paroles du Maître sans les comprendre, se demandant ce qu’il avait bien pu vouloir dire en parlant de sa résurrection d’entre les morts.

4° Les miracles. — Rien de plus arbitraire que le départ que font les critiques libéraux entre les miracles de guérison accomplis par Jésus, et, d’autre part, ses miracles de résurrection ou ceux qu’il a opérés sur la nature.

— C’est en vain que, contraints d’admettre les premiers comme faits historiques, ils s’efforcent de leur donner une interprétation plus ou moins rationaliste. Ils ont beau faire appel aux théories les plus larges sur la puissance des influences psychiques ou de la suggestion. — Renan parlait lui aussi de ce qu’était capable d’opérer « le contact d’une personne exquise », Vie de Jésus, p. 270

— ils ne peuvent éliminer de l’ensemble le plus authentique des guérisons extraordinaires opérées par Jésus le surnaturel proprement dit. « Il y a, dit M. Loisy, L’Év. et l’Égl., ç. 24, une part de mystérieux et d’inexplicable dans les miracles les plus solidement garantis. »

— Or, cette réalité des miracles de guérison est déjà une garantie positive de la réalité des autres. D’autre part, les moyens employés pour éliminer de l’histoire ces derniers sont trop artificiels et trop violents pour être approuvés de la saine critique. On veut expliquer les miracles sur la nature par la matérialisation de quelque sentence ou parabole : or, cette hypothèse est en contradiction avec le caractère très net des récits, qui, au lieu des larges traits, des lignes vagues et flottantes, propres à l’histoire symbolique, présentent au contraire les circonstances précises et les détails vivants qui caractérisent les souvenirs gardés de la réalité. — Les deux récits de multiplication des pains ne diffèrent que par les circonstances matérielles du temps, du lieu, du nombre des pains et des poissons : pourquoi deux ré cits analogues, et néanmoins distincts, sinon parce qu’ils n’ont pas été conçus pour iaire valoir une idée ou traduire figurativement une sentence, mais qu’ils répondent bien à deux événements réels, auxquels d’ailleurs Jésus fait un peu plus tard expressément allusion ? Marc, vnr, 17-20 ; Matlh., xvi, 9-10. Au reste, il suffit de lire, par exemple, le premier récit, pour y saisir, aussi nettement, sinon plus nettement, que dans n’importe quelle scène évangélique, tout le relief de l’histoire vraie. — C’est la même vie, ce sont les mêmes détails minutieux et pittoresques, qui se constatent dans le récit de la marche sur les eaux, étroitement rattaché au récit de la première multiplication des pains, comme dans les épisodes de la pêche miraculeuse, du statère, ou du figuier maudit. À moins de nier, de parti pris contre l’histoire, la personnalité surnaturelle de Jésus, on ne peut refuser au Sauveur les miracles symboliques, qui sont comme des prophéties en action, pas plus qu’on ne peut lui refuser les prophéties en parole. — Quant aux miracles de résurrection, on peut dire que celui de Naïm, que l’on élimine très arbitrairement, est garanti par celui de Capharnaùm, qu’il est impossible de ne pas admettre. Ce dernier miracle, en effet, est raconté par les trois synoptiques ; de l’aveu de Cheyne, il doit appartenir à la plus ancienne tradition ; il est d’ailleurs si intimement et si naturellement mêlé à l’incident de Phémorrhoïsse que les deux faits se soutiennent l’un l’autre et s’imposent invinciblement à la confiance. Or, l’épisode de la fille de Jaïre étant admis comme fait, est-il possible de n’y pas voir une véritable résurrection ? S’il y a quelque chose de clair dans le récit, c’est que la jeune fille est morte lorsque Jésus arrive à la maison du chef de synagogue ; déjà les joueurs de flûte et les pleureuses remplissent l’air de leurs lamentations ; tout le monde se récrie, lorsque Jésus déclare : « Elle n’est pas morte, mais elle dort ; » il est évident que, par ces paroles, le Sauveur a voulu simplement marquer en termes mystérieux le prochain retour de la jeune morte à la vie. Tout en un mot s’oppose à ce qu’on ramène le fait de la résurrection à une guérison ordinaire. Le secret même dont Jésus veut entourer le miracle tend à garantir que le récit n’est point dû à une transformation légendaire, mais qu’il répond à la vérité de l’histoire.

5° La résurrection. — Si nous passons à la résurrection personnelle du Sauveur, les critiques, nous l’avons vii, reconnaissent que les apparitions attribuées au Christ ressuscité reposent évidemment sur un fait historique. Ce fait historique est l’impression qu’eurent réellement les Apôtres de voir Jésus leur apparaître. M. Schmiedel convient même qu’ils eurent l’impression de le voir leur montrant les cicatrices de ses blessures, pénétrant directement dans l’appartement où ils se trouvaient et en sortant toutes portes fermées. Déjà Renan n’avait pu rejeter ce fait des multiples apparitions. Les Apôtres, Paris, 1866, p. 10 et suiv. M. Loisy le juge « incontestable ». L’Évang. et l’Égl., p. 119. — Or, étant données, d’une part, la multitude et la diversité des témoins, d’autre part, la disposition d’esprit des disciples après la mort de Jésus, ces apparitions, dans leur ensemble et dans leurs détails, ne paraissent pas pouvoir s’expliquer comme des visions purement subjectives. Ne faut-il pas un esprit de système invraisemblable pour supposer uniformément l’illusion chez Marie Madeleine, chez Pierre et chez Jacques, chez les pèlerins d’Emmaùs et les cinq cents frères réunis, dont parle saint Paul, I Cor., xv, 6, chez tous les disciples assemblés au Cénacle, au lac de Génésareth, à la montagne de l’Ascension ? — D’autre part, le caractère objectif des apparitions semble résulter avec pleine certitude des diyerses expériences faites par les témoins : ils ont douté d’abord de leurs sens et ne se sont rendus qu’à l’évidence de la réalité ; Jésus leur a adressé la parole, et ils ont entend »