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    1. MYTHIQUE##

MYTHIQUE (SENS)

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Iogie a confirmé pareillement en une multitude de détails l’histoire biblique de Joseph et celle de Moïse : la première a un coloris nettement égyptien, et il est impossible de lire la seconde sans être frappé de la connaissance intime qu’elle suppose du pays des pharaons. Cf. "Vigoureux, op. cit., t. ii, p. 1 et suiv., 213 et suiv. Cette vérité de la couleur locale et des peintures de mœurs, jointe à la vérité des détails individuels et à la vie des incidents personnels, ne semble pas permettre au critique de voir dans les patriarches une simple personnification des tribus, ni dans leur histoire un reflet appréciable de l’histoire postérieure d’Israël. Cf. Ed. Konig, Neueste Pr’mzipien der Alttestamentlichen Kritik, Berlin, 1902.

3° Les Juges et les Rois. — Ce sont les mêmes remarques qui sont à faire au sujet de l’histoire biblique sous les Juges et sous les Rois. — 1. Les critiques qui attribuent au livre des Juges une date relativement récente, reconnaissent que l’ouvrage a été rédigé à l’aide de documents antérieurs. La partie principale, ii, 6-xvi, comprenant l’histoire des Juges proprement dits, se composerait d’une série de vieux récits, arrangés par un rédacteur final, pénétré de l’esprit du Deutéronome. Cf. Cornill, Einleit. in dos A. T., p. 91 ; Driver, Literature of the O. T., p. 164 sa.. La compilation serait donc postérieure au vu 9 siècle ; mais les divers éléments seraient plus anciens, et tout donne à croire qu’ils remontent aux premiers temps de la monarchie, à cette époque, très voisine des faits, , à laquelle les critiques catholiques attribuent généralement la composition du livre. Cf. P. Lagrange, Le Livre des Juges, Paris, 1903, p. xxxvi. Nous avons donc là un document de premier ordre, présentant les meilleures garanties de vérité historique, et les découvertes modernes ont permis d’en vérifier en maints endroits la sincérité et l’exactitude. Cf. Vigouroux, op. cit., t. iii, p. 36 et suiv. — 2. De même, les livres de Samuel (I et II Rois) sont basés sur des documents primitifs ; les livres des Rois (III et IV Rois) se réfèrent constamment au « Livre des Annales des rois de Juda » et au « Livre des Annales des rois d’Israël » ; ceux des Paralipomènes, outre « le Livre des rois de Juda et d’Israël », utilisent pour l’histoire de David « les récits de Samuel le voyant, de Nathan le prophète, et de Gad le voyant », I Par., xxix, 29 ; pour l’histoire de Salomon « les récits de Nathan le prophète, la prophétie d’Ahias le Silonite, et les révélations d’Addo le voyant », II Par., IX, 29 ; ils citent encore les livres de Séméias, de Jéhu, d’Isaïe. II Par., xii, 15 ; xx, 34 ; xxvi, 22 ; xxxii, 32. Ces historiens ont donc entre les mains nombre de documents, dont ils savent l’origine et la valeur et qu’ils s’attachent à reproduire consciencieusement. — Les divergences de détail, constatées dans les endroits où ils se trouvent en parallèle, en prouvant leur indépendance, ne font que mieux ressortir leur harmonie d’en, semble et la valeur substantielle de leurs renseignements. Enfin leurs données ont reçu, sur une foule de points, une confirmation précieuse des inscriptions cunéiformes récemment découvertes. Cf. "Vigouroux, op. cit., t. iii, p. 253 et suiv. — Dans ces conditions, n’est-il pas sage d’accueillir avec une extrême réserve les hypothèses d’idéalisations mythiques, ou de transformations légendaires, qui trop souvent sont inspirées par l’esprit de système et le subjectivisme ?

4° Esther, Judith, Tobie, Job, Jonas, Daniel. — Pour ce qui est des livres d’histoires séparées, la question qui se pose est surtout une question de genre littéraire et d’intention d’auteur. — Un certain nombre de critiques catholiques croient pouvoir les regarder beaucoup plus comme des livres d’enseignement moral et d’édification religieuse que comme des ouvrages proprement historiques. Cfr. A. Scholz, Commentar zu Tobias, Wurtzbourg, 1689 ; Comm. zum Bûche Judith, 2e éd., 1896 ; E. Cosauin, Le livre de Tobie et l’histoire du sage Ahi kar, dans la Revue bibl., 1899, p. 50 sq. ; A. Loisy^Le livre de Job, Paris, 1892, p. 44 sq. ; Revue d’hist. et de littérat. relig., 1899, p. 171, à propos de Tobie, d’Esther et de Daniel ; Jbid., 1904, p. 573, à propos de Jonas.

— En se plaçant dans cette hypothèse, il ne conviendrait en aucune façon d’appliquer à ces écrits le nom de mythiques. On ne devrait les qualifier de la sorte que si leurs auteurs avaient eu l’intention de narrer comme histoire véritable des faits appartenant en réalité au domaine du folk-lore ou de la légende. Ce n’est point le cas.

La plupart des écrivains catholiques se refusent d’ailleurs à sacrifier l’historicité de ces ouvrages. Ils s’appuient sur le caractère même des récits, la vérité psychologique de la narration, la vie et la précision des détails, qui semblent accuser chez les auteurs la préoccupation de relater l’histoire, plus encore que celle de faire valoir une leçon. Les découvertes modernes ont singulièrement confirmé leur opinion : les fouilles de Suse sont venues jeter un jour remarquable sur les épisodes du livre d’Esther ; on a relevé des rapprochements frappants entre l’histoire d’Assurbanipal et le livre de Judith ; les inscriptions et les monuments de la Chaldée sont devenus un commentaire vivant du livre de Daniel. Cf. "Vigouroux, La Bible et les dëcouv., t. iv, p. 129 et suiv. ; 255 et suiv. ; 621 et suiv. — Une place à part doit être réservée au livre de Job, qui appartient évidemment à un genre très spécial, puisqu’il se présente presque en entier sous la forme de la poésie. Cependant, « malgré le cadre poétique dans lequel il est placé et les ornements littéraires dont il est embelli, » M. Vigouroux regarde l’ouvrage comme « historique dans son ensemble et dans ses principaux détails ». Les Livres saints et la critique rationaliste, 5e édit., 1902, t. v, p. 12. Cf. Pelt, Hist. de VA. T., 1898, t. ii, p.92.

11. a propos du nouveau testament. — Question générale. Rapport des livres historiques du Nouveau Testament avec la foi de l’Église primitive. — La question du mythe peut être résolue d’une manière particulièrement décisive, si l’on aborde les écrits du Nouveau Testament. De nos jours, en effet, la critique a des moyens suffisamment assurés de vérifier l’origine et la valeur historique de ces écrits, surtout des Évangiles synoptiques, qui en forment la partie principale. Dans l’Introduction à sa Vie de Jésus, § xiii, trad. Littré, t. i, p. 79, Strauss supposait cette objection faite à son système mythique : « Tandis que les cercles mythiques, chez les Grecs et les Latins, sont formés par le recueil de légendes sans garantie, l’histoire biblique a été rédigée par des témoins oculaires, ou du moins par des gens qui, d’une part, ont été, en raison de leurs rapports avec des témoins oculaires, en état de raconter la vérité, et, d’autre part, ont une probité si manifeste, qu’il ne peut rester aucun doute sur leur intention de la dire. » Et le docteur allemand laisait, en réponse, un aveu significatif : « Cet argument, disait-il, serait en effet décisif, s’il était prouvé que l’histoire biblique a été écrite par des témoins oculaires, ou du moins par des hommes voisins des événements. » Or, l’hypothèse écartée par Strauss a été depuis reconnue de plus en plus fondée. — On peut dire qu’actuellement les critiques sont unanimes à placer la composition des Synoptiques dans la seconde moitié du premier siècle, unanimes aussi à reconnaître que, si ces Évangiles ont été rédigés seulementau cours de la deuxièmegénération chrétienne, ils reposent néanmoins sur des traditions orales et des documents écrits appartenant à la première génération, à l’époque où vivaient encore les témoins de la vie de Jésus. Le second Évangile est bien de saint Marc, héritier immédiat des souvenirs de saint Pierre ; l’auteur du troisième, sans doute saint Luc, déclare avoir puisé ses renseignements à bonne source, et4a critique constate qu’il a de fait utilisé abondamment des documents plus