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MYTHIQUE (SENS)


religieuse nous est présentée a été fourni en partie par la tradition chaldeenne. » Etudes bibl., p. 70. — Dans son ouvrage sur Les mythes babyloniens et les premiers chapitres de la Genèse, Paris, 1901, le même critique suppose la non-historicité de ces premiers chapitres et s’explique plus complètement sur leur rapport avec la mythologie chaldeenne. « Ce que révèle, dit-il, à l’observateur sans parti pris la comparaison des mythes chaldéens avec les premières pages de la Bible est précisément l’origine vraisemblable de certains récits ou de certains éléments de récits, envisagés dans leur structure extérieure et par leur côté descriptif ; et c’est aussi la puissante originalité de l’esprit religieux d’Israël, qui a su tirer des vieilles légendes mythologiques de la Chaldée un enseignement moral, en les adaptant à la croyance monothéiste. » Cependant, « le rapport des deux traditions, chaldeenne et israélite, est moins simple qu’on ne l’avait cru d’abord, lorsqu’on se représentait les légendes bibliques comme dérivées tout entières et immédiatement de la littérature religieuse des Chaldéens. Il ne saurait plus être question de prendre en bloc les onze ou douze premiers chapitres de la Genèse et d’y retrouver comme une réduction monothéiste des mythes babyloniens actuellement connus. » « Les récits bibliques ne sont pas de simples décalques, exécutés à un moment donné, sur des traditions ou des textes babyloniens ; et, quoique les légendes chaldéennes aient fourni en grande partie la matière des légendes bibliques, un long travail. d’assimilation et de transformation, beaucoup de temps, probablement aussi des intermédiaires, c’est-à-dire les traditions phénicienne et araméenne, se placent un peu partout entre les mythes chaldéens et la Bible. » « Les deux traditions, nonobstant la dépendance incontestable de la plus récente à l'égard de la plus ancienne, ont eu chacune leur éyolution originale. » P. vi-x.j

C’est en somme la thèse formulée par MM. Gunkel et Zimmern. — À la suite de ces critiques, M. Loisy regarde le récit biblique de la création comme une adaptation à la religion monothéiste d’Israël du mythe babylonien de Mardouk, dieu du soleil, luttant contre Tiâmat, monstre du chaos ; et lui aussi voit au fond du mythe babylonien, et par conséquent du récit biblique, un mythe naturel, basé sur les phénomènes qui accompagnent chaque jour le retour de la lumière et chaque année le retour du printemps ; ces phénomènes auraient été interprétés en aventures divines et transportés à l’origine des choses, comme si la création n’avait été qu’un premier lever du soleil et un premier éveil de la nature. P. Xll sq. ; 83 sq.

De même, le récit biblique du déluge n’est qu’une adaptation monothéiste du déluge babylonien ; le déluge babylonien lui-même est un « vieux mythe de la nature », p. xii, ayant sans doute pour point de départ « l’inondation annuelle de la basse Chaldée par la crue de l’Euphrate, avec le souvenir d’une ou plusieurs catastrophes occasionnées par cette inondation dans les temps primitifs ; le tout s’est mêlé et grossi dans la perspective du passé lointain, et le mythe du déluge a été formé, mythe chaldéen, que la tradition biblique doit à la tradition chaldeenne ». P. 170.

Quant au récit biblique de la chute, dans l'état présent de la science assyriologique, rien ne prouve, dit M. Loisy, qu’il soit une forme purifiée d’un mythe sur l’origine de l’homme qui avait cours parmi les peuples sémitiques ; c’est un récit analogue pour la forme à certains mythes chaldéens et qui s’en distingue essentiellement par les idées morales qu’il fait valoir. Cf. Revue d’histoire et de littérature religieuse, 1900, p. 540.

B) Opinion du P. Lagrange. — Le P. Lagrange renonce, de son côté, à voir dans les premières pages de la Genèse une histoire proprement dite. —Dans l’histoire biblique de la création, dit-il, Revue biblique, juil. 1896, art. Hexaméron, « il y a 'un enseignement

littéral, c’est la création de toutes choses ; un cadre rationnel, c’est l’ordre des œuvres ; une allégorie, c’est la durée des jours. » P. 396. « Quelle est l’origine première du récit, révélation ou invention humaine ? » « Nous sommes obligés d’admettre l’origine divine de l’enseignement » théologique, « parce qu’il a vraiment un caractère surnaturel. » P. 403. Mais le cadre littéraire doit être attribué à l’invention humaine. « La cosmogonie mosaïque est unique dans son enseignement, parce qu’il vient de Dieu ; elle ressemble dans son cadre aux autres cosmogonies sémitiques, parce que ce cadre est le fruit du génie sémite. » L’auteur sacré a « emprunté quelque chose à une explication populaire ou poétique de la création » ; le récit a une « origine humaine, divinisée par l’inspiration ». P. 405, 406.

De même faut-il distinguer, dans l’histoire du paradis terrestre, « d’un côté, l’enseignement, de l’autre, le voile qui le recouvre ; comme base de l’enseignement, des faits certains, mais représentés d’une manière figurée. » Revue bibl., juillet 1897, art. L’innocence et le péché, p. 368. « L'Église ne nous dit pas si les circonstances du récit doivent être prises à la lettre, et aucune doctrine théologique importante n’est fondée sur la réalité historique de ces faits : que la femme a été formée d’une côte de l’homme, ou que le serpent a parlé. » En réalité, l’auteur inspiré a transmis l’histoire de la chute, connue par révélation divine, telle qu’elle se racontait dans la tradition populaire, avec ses détails pittoresques, où lui-même n’a dû voir que de pures métaphores. « Il nous a paru certain qu’il prétendait enseigner une histoire vraie ; mais il se montrait trop pénétrant et trop profond pour ne pas comprendre ce qu’elle avait d'étrange dans les détails, et il nous mettait lui-même sur la voie de l’interprétation symbolique. » « Si une histoire vraie, connue par révélation, a pris dans une nation une forme populaire, un homme de génie ne pourra-t-il la revêtir de ces circonstances pittoresques qui figureront dans son récit comme une métaphore ou un symbole ? De ce que de son temps la majorité les prenait à la lettre, il ne s’ensuit pas qu’il l’ait entendu ainsi. » P. 378.

D’après le même écrivain, il faut voir] dans l'épisode du déluge, avec la grande majorité des anthropologistes, non la simple traduction en histoire d’un phénomène astronomique, mais « nn souvenir plus ou moins altéré d’inondations véritables ». « Le caractère général de la légende biblique indique plutôt une inondation réelle, dont l’interprétation religieuse dépasse d’ailleurs de beaucoup l’importance historique. » La méthode historique, p. 214. — De même, l'épisode de Babel est une légende ayant un certain fondement dans la réalité. « La tour de Babel n’est point une pure imagination. L’auteur biblique avait sûrement en vue ce temple gigantesque de Borsippa, demeuré inachevé, et que Nabuchodonosor se fit gloire de conduire à son couronnement. » Ibid. — L'épisode de la femme de Lot changée en statue de sel doit appartenir à a l’histoire primitive légendaire ». « L’auteur ne croyait sans doute pas à la réalité du fait. » Mais « la ruine de Sodome et de Gomorrhe ne doit pas sans plus être reléguée au rang des mythes purs ». P. 207, 214.

D’autre part, au sentiment du P. Lagrange, il est probable que cette histoire biblique primitive a gardé dans certains cas la trace des influences babyloniennes. — « S’il est, dit-il, dans la Bible, une page qui ressemble littéralement à une page babylonienne, c’est l'épisode du déluge. » lbid., p. 200. « Que résulterait-il de fâcheux s’il était prouvé que le peuple hébreu ou qu’Abraham, le grand ancêtre et le dépositaire de la tradition religieuse, n’a connu le déluge que d’après la tradition de Babylone ? » Revue bibl., avril 1905, p. 301.-jLa cosmogonie mosaïque ressemble dans son cadre aux autres cosmogonies sémitiques : or, « le récit babylonien parait