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MYTHIQUE (SENS)


lution donnée à ces deux questions subsidiaires : Les auteurs sacrés ont-ils eu l’intention de relater à proprement parler de l’histoire, et étaient-ils en mesure de le faire exactement. Ont-ls voulu être historiens, et pouvaient-ils l’être ? Pour le croyant, le problème se complique de la question même de l’inspiration, à savoir de ses exigences au point de vue de la vérité intrinsèque de la Bible, de sa compatibilité avec l’inexactitude matérielle, le caractère fictif ou légendaire de narrations ayant forme d’histoire.

A) Opinion de divers critiques catholiques. — Un certain nombre de critiques catholiques ont pensé que, la Bible ayant avant tout pour but un enseignement religieux et moral, l’inspiration a pu laisser les écrivains sacrés constituer le cadre historique, ou l’enveloppe matérielle, de cet enseignement suivant de tout autres procédés que ceux qui inspirent de véritables historiens. Les écrits bibliques seraient à peu près dans la condition des paraboles ou des allégories. Dans une parabole, la narration qui sert de support à la leçon morale est sans valeur au point de vue de l’histoire ; la vérité de la parabole n’est pas dans le fait qui appuie la leçon, mais dans la leçon elle-même. Ainsi les divers écrits de la Bible, même les livres historiques, auraient leur vérité absolue dans la doctrine morale qu’ils expriment ; les faits, qui constituaient la matière de la narration, n’auraient qu’une vérité relative, celle qui convenait au tempérament intellectuel de l’écrivain, à ses moyens d’information personnels, aux habitudes littéraires de son pays et de son temps.

o) il. Loisy. — « L’inspiration des Écritures, écrivait en 1893 M. Loisy, dans L’Enseignement biblique, est à concevoir comme un concours divin dont le but a été de préparer à l’Église une sorte de répertoire pour l’enseignement religieux et moral. » Aussi, « de ce qu’un document inspiré revêt la forme d’histoire, il ne suit pas qu’il ait nécessairement un caractère historique. Il’a le caractère qui lui appartient à raison de sa nature et de son contenu. Telle parabole de Notre-Seigneur a la forme d’histoire et n’est pas le récit d’un fait réel. » « On ne nie pas l’inspiration d’une parabole en disant que la vérité de la parabole n’est pas à chercher dans les termes figuratifs, mais dans le sens figuré. » Par exemple, « si les premiers chapitres de la Genèse ne sont pas rigoureusement historiques, c’est qu’ils n’ont pas été inspirés pour contenir une histoire exacte, mais ils ont été inspirés pour être ce qu’ils sont. S’il est vrai que le cadre de certains récits ait été fourni à l’écrivain sacré par d’anciennes légendes venues de la Chaldée, et que ces légendes ne présentent pas un caractère historique, c’est que la mise en scène de la narration^ scripturaire est destinée seulement à faire valoir l’idée fondamentale, qu’elle revêt d’une forme sensible en rapport avec l’état d’esprit de l’auteur humain et de ses contemporains. » Les choses étant ainsi envisagées, pourquoi chercher un accord positif de la Bible avec les données des sciences historiques, davantage qu’avec les données des sciences naturelles ? La vérité absolue de la Bible est dans son enseignement religieux ; mais, en histoire, comme en astronomie ou en physiologie, la Bible ne doit avoir qu’une vérité relative, celle du temps et du lieu où elle a été composée. « Toutes les défectuosités qui nous frappent dans l’Écriture, dit M. Loisy, et qui résultent « oit des opinions courantes de l’antiquité en matière de cosmologie et de sciences naturelles, soit du manque d’informations historiques sur les temps primitifs ou trop anciens, soit des procédés de composition usités dans le milieu où les Livres Saints ont été écrits, soit enfin du caractère plus simple et plus rudimentaire des croyances religieuses dans les âges très reculés… contribuaient à rendre la Bible vraie pour le temps où elle a paru. Cette vérité purement relative’ne porte aucun préjudice à la valeur absolue des principes qui

sont à la base de l’enseignement biblique. » Au fond, « les auteurs bibliqu.es ne se sont pas trompés dans les endroits où nous les prenons en défaut, parce qu’ils n’ont pas eu l’intention formelle d’enseigner comme vrai en soi ce que nous trouvons erroné. » A. Loisy, Études bibliques, Paris, 1901, p. 28, 54 sq., 70.

b) Le P. Durand. ~ C’est une théorie à peu près analogue, semble-t-il, qu’exposait le P. Durand, dans son article sur l’Autorité de ta Bible en histoire, dans la Revue du Clergé français, 1 « décembre 1902, p. 1 sq. Selon lui, « la Bible est un code religieux et moral, bien plus qu’un livre d’hsitoire. » « L’histoire biblique a été écrite ad docendum, en vue d’une leçon à donner, d’une morale à tirer. » L’objet principal de l’inspiration comprend les vérités religieuses et morales : elles ont été consignées pour elles-mêmes. « Tout le reste, y compris l’histoire, constitue l’objet secondaire, qui n’a été accueilli qu’en vue de l’objet principal. » Dès lors, en écrivant l’histoire, les auteurs inspirés ont été réduits aux moyens ordinaires d’information, et le secours d’en haut ne s’est pas occupé de leur faire écrire la vérité en ces matières d’ordre secondaire et accessoire. — « Que restera-t-il de certain dans l’histoire de nos origines ?… Il restera tout d’abord l’objet principal des Écritures, qui est la raison même de leur inspiration. Il restera encore intacte la substance de l’histoire biblique. Quant à l’exactitude rigoureuse des détails, nous n’avons pas plus à la nier en général, qu’à la supposer a priori, comme si elle était une conséquence nécessaire de l’inspiration. Dans chaque cas particulier, la question à se poser est celle-ci : Avons-nous des motifs suffisants de croire que l’historien inspiré a voulu étendre jusqu’à ces limites extrêmes l’autorité de son témoignage certain ? »

c) Le P. Bonaccorsi et le P. Zanecchia. — Les idées du P. Durand ont été approuvées par le P. Bonaccorsi, dans un article des Studi religion, juillet-août 1902, p. 281-332, sur La veracità storica dell’Esateuco, reproduit dans ses Questione bibliche, Bologne, 1904. « S’il appartient à la théologie d’affirmer la pleine vérité de la Sainte Écriture, parce que Dieu lui-même est auteur de toute l’Écriture, d’autre part, il appartient à la critique de déterminer dans chaque livre en particulier l’espèce de cette vérité ; celle-ci dépend du genre littéraire adopté. » Or, on peut supposer un genre littéraire qui ne sera ni de l’histoire proprement dite, ni de la légende ou du roman pur et simple, mais quelque chose de mixte, une sorte d’histoire légendaire, comme on la trouve chez tous les peuples anciens. Ce genre littéraire peut figurer dans la Bible au même titre que les autres, et il y figure de fait. Pour l’historien biblique, en effet, comme pour tous les historiens de l’antique Orient, l’histoire était un art plus qu’une science, une peinture plus qu’une photographie. « Raconter les choses comme elles avaient été transmises par tradition du père au fils dans les longs récits du soir, ou peut-être comme elles se trouvaient narrées dans quelque livre, le premier venu, voilà tout l’idéal de l’historien oriental ; cet écrivain ne sentait pas le besoin de recherches ultérieures, ni d’examen critique. » D’ailleurs, « les écrivains sacrés n’ont pas écrit pour la satisfaction de la curiosité scientifique des lecteurs, mais pour leur édification et leur instruction religieuse. L’histoire avait à leurs yeux de l’importance pour autant qu’elle pouvait contribuer à ce but, et c’est cette intention qui a guidé la composition des livres dits historiques. » — S’il en est ainsi, la vérité historique d’un fait quelconque ne peut se déduire formellement de ce que ce fait est raconté dans la Bible ; elle devra être prouvée par d’autres considérations, soit exégétiques, s’il y a dans le texte des indices suffisants que l’auteur a l’intention d’affirmer en son propre nom, soit critico-historiques, comme l’âge et la nature des documents employés, la comparaison avec d’autres faits historiques certains ;