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MYTHIQUE (SENS)


cien Testament Ja méthode comparative de l’histoire des religions, en faisant large part au syncrétisme religieux.

— D’après H. Gunkel, Zum religionsgeschiehtlichen Verstândnis des Neuen Testaments, Gœttingue, 1903, Cf. W. Bousset, Die jûdische Apokalyptik, Berlin, 1903, la religion du Nouveau Testament aurait subi, même en certains points d’importance, l’influence des religions étrangères, par l’intermédiaire du judaïsme. Issu du syncrétisme de toutes les religions de l’Orient et de la pensée grecque, le christianisme n’en aurait d’ailleurs été que plus apte à s’adresser à tous les peuples, et il n’en serait pas moins la religion. — Ainsi, l’idée de la conception virginale du Messie aurait été connue de la gnose orientale antérieurement à l’ère chrétienne ; de même, le thème du dieu sauveur ; de même celui du jeune dieu ressuscité. Les disciples n’auraient eu qu’à appliquer à Jésus, sous l’influence de leur enthousiasme pour leur Maître, les idées qu’ils avaient reçues de leur milieu environnant. S’ils font ressusciter le Christ après trois jours, à l’époque de la Pàque, c’est un souvenir d’un ancien mythe solaire, où le soleil était représenté renaissant, après les trois mois et démise l’hiver, à l’équinoxe du printemps. Et c’est aussi parce que les premiers cercles chrétiens étaient habitués à fêter le dimanche, ou jour du soleil, que l’Église primitive a fait de ce jour-là le jour du Seigneur. De même, la tentation du Christ doit se ramener à un ancien mythe, où de simples discours ont pris la place d’une lutte véritable ; et le changement de l’eau en vin aux noces de Cana revient au miracle annuel du dieu de la vendange.

6) D’après U. Zimmern. — H. Zimmern, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2° partie, Berlin, 1903, après avoir montré les analogies de l’Ancien Testament avec les mythes babyloniens, pousse la comparaison jusqu’au Nouveau Testament. Dans son avantpropos, il a soin d’avertir qu’il se contente de proposer au lecteur instruit de simples rapprochements, lesquels peuvent s’expliquer autrement que par une connexion historique, mais, sous le bénéfice de cette observation, la tendance de M. Zimmern semble bien être de présenter le Nouveau Testament comme une mise en œuvre d’idées juives, qui pour une bonne part remonteraient à Babylone. — L’idée du Christ, salut et lumière du monde, est rattachée au mythe de Mardouk, le dieu-soteil des Assyriens ; le soleil paraît avoir pour cortège les douze signes du zodiaque : ainsi le Christ est entouré de douze héros, qui sont les Apôtres. Il faudrait voir également dans la figure de Marie, représentée comme Mère de Dieu, une certaine relation mythologique avec l’Isis égyptienne, et surtout avec l’Istar de Babylone.

c) D’après T. K. Cheyne. — De son côté, T. K. Cheyne, Bible Problems and the new materialfor their solution, Londres, 1905, estime que le récit de la naissance virginale, dont la forme primitive est celle de saint Matthieu, se rattache en dernière analyse au mythe babylonien d’Istar, la déesse reine du ciel et mère du dieu soleil. C’est cette déesse mère qui nous est représentée dans l’Apocalypse, revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles ; le dragon qui cherche à dévorer son fils n’est pas autre que le dragon Tiâmat, adveusaire du dieu-soleil Mardouk. Mais le mythe a été exploité très librement par les premiers chrétiens : la femme vêtue du soleil devient en saint Matthieu une pauvre femme juive ; son fils n’a presque plus pour rôle que le salut spirituel de son peuple ; la cité royale est transférée de Babylone à Jérusalem ; le dragon menaçant, c’est Hérode qui cherche l’enfant à Bethléhem pour le faire périr. — D’après le même critique, art. Temptation of Jésus, § 12, 14, Encycl. bibl., t. iv, col. 4965, le récit de la tentation aurait également une origine mythique. « Il n’y a pas de raison suffisante, dit-il, pour nier que les récits chrétiens primitifs contiennent une broderie mythique plus ou moins trans formée, et la tentation de Jésus est l’un des plus précieux de ces récits. » On peut la rapprocher, en effet, de deux histoires parallèles, celle de Zarathustra, tenté par l’esprit malin Angra Mainyu, et celle du Bouddha G-autama, tenté par le démon Mara : non que le récit évangélique dépende littérairement de ces deux histoires étrangères ; mais il doit avoir comme elles une base mythique, à savoir le mythe babylonien du dieu-lumière, Mardouk, en conflit avec l’esprit-ténébres, Tiâmat. Peutêtre aussi faut-il voir dans la tentation de [Jésus un souvenir des mystères mithriaques, un écho de ces pratiques qui sont connues sous le nom de cérémonies d’initiation, et qui avaient pour but d’obtenir puissance sur les génies mauvais. § 8-10, col. 4963,

d) D’après O. Pfleiderer. — Un écrit récent de O. Pfleiderer, The early Christian Conception of Christ, Londres, 1905, a poussé aux plus extrêmes limites les applications du syncrétisme religieux au Nouveau Testament, déjà largement développées dans son ouvrage antérieur, Das Urchristentum, seine Schriften und Lehren, 1881, 1e édit., 1902. Le critique de Berlin trouve de très frappants parallèles aux récits de saint Luc sur l’enfance de Jésus, dans la légende païenne, et surtout dans la légende bouddhique. P. 16 sq. et 155. À son sens, le récit de saint Matthieu sur la persécution du Christ enfant par Hérode et le massacre des Innocents est en relation avec la légende indienne de Krischna. P. 61, 155. De l’histoire évangélique de la tentation il faut rapprocher les histoires analogues de la légende bouddhique, de la légende iranienne, et surtout la légende persane du prophète Zarathustra tenté par Ahriman. P. 51 sq., 155. La purification par le sang de l’Agneau, dont parle l’Apocalypse, offre de l’analogie avec la purification par le sang du bélier chez les Phrygiens. P. 132, 155. L’Eucharistie trouve son pendant dans le sacrement du pain et de la coupe dans la religion de Mithra. La résurrection au troisième jour rappelle la fête égyptienne d’Osiris, ou la fête phrygienne d’Attis, tandis que la célébration du dimanche est en rapport avec la fête de Mithra. P. 129 sq., 144. Enfin le fait même de la résurrection peut être mis en rapport avec la légende égyptienne d’Osiris ou les mystères de Dèmètèr (Cérès) et de Perséphonè (Proserpine), qui dérivent en dernière analyse d’un mythe naturel, représentant le déclin de la végétation à l’automne et son renouveau au printemps. P. 91. Le critique a pourtant soin d’observer que « le mythe chrétien de la résurrection n’est pas à dériver de ce mythe naturel, parce qu’il a sa source la plus directe dans le fait historique de la mort de Jésus, et dans les visions subséquentes éprouvées par ses disciples ». P. 157. — Ainsi, conclut le professeur de Berlin, « la foi au Christ Seigneur [et Esprit, a été enveloppée du vêtement de l’antique [mythologie, et trouve son expression sacramentelle dans des cérémonies analogues aux rites païens. » P. 162. Ce vêtement mythique avait sa raison d’être. « Quand l’Évangile fut prêché au monde, il avait besoin, pour être compris, de s’accommoder au courant des idées païennes, c’est-à-dire aux mythes. » P. 166. « Ainsi la foi chrétienne est arrivée à une forme d’expression d’autant plus apte à faire la conquête du paganisme qu’elle était plus étroitement reliée à la forme des mythes païens ; Mais qui peut ne pas voir que les anciennes formes sont devenues le réceptacle d’un contenu essentiellement nouveau, et par conséquent ont acquis une portée religieuse beaucoup plus profonde et une signification morale beaucoup plus pure que jamais jusque-là. » P. 160.

III. Critique des systèmes d’interprétation mythique. — Question de principe. — La question de l’interprétation mythique de nos Livres Saints, telle que nous venons de l’exposer, revient en somme à celle de leur valeur historique et dépend intimement de la so-