Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/724

Cette page n’a pas encore été corrigée
1395
1396
MYTHIQUE (SENS)


image de sa grandeur morale et de sa supériorité sur toutes les oppositions ameutées contre lui ».

f) Transfiguration. — Simple vision également, d’après M. Réville, lbid., p. 205, le fait primitif que la tradition a traduit par le récit actuel de la transfiguration. « Il est oiseux de prétendre ramener à des faits positifs un récit d’un idéalisme aussi prononcé. Ce qu’il faut en dégager, c’est l’idée, et l’idée revient à ceci que Jésus, dans la conviction des trois apôtres, est confirmé dans son autorité par la Loi et les prophètes, dont Moïse et Élie sont respectivement les types traditionnels, et dont il a dit qu’il venait, non les abolir, mais les accomplir. s> — D’après M. Schmiedel, art. Simon Peter, § 8, t. iv, col. 4570, l’épisode illustrerait plutôt d’une façon sensible un fait de la conscience intérieure du Sauveur. Jésus aurait pris conscience de sa messianité « à un point particulier au cours de son ministère », sans doute peu avant la confession de Pierre : c’est le fait primitif qui serait traduit symboliquement dans notre récit miraculeux. Plus tard, l’origine de la conscience messianique aurait été reportée au baptême, avec la parole du Père céleste qui l’exprime, jusqu’à ce qu’eniin elle fut avancée à l’époque même de la naissance. Dans cette hypothèse, « le rôle de Pierre, de Jacques et de Jean, a dû être beaucoup moins actif » que ne le rapportent les Évangiles. « Qu’ils aient été présents, on ne doit pas le nier ; mais leur activité se serait bornée à ceci, qu’ils furent impressionnés profondément, peut-être au sortir du sommeil, par l’extraordinaire majesté avec laquelle Jésus vint à eux, après avoir ouï la voix du Père céleste. Cette voix, ils ne l’auraient pas entendue directement eux-mêmes, mais ils en auraient eu connaissance par Jésus. »

E) Résurrection et ascension de Notre-Seigneur. — Finalement, le même système d’interprétation est appliqué aux récits de la résurrection et de l’ascension. Nous trouvons la chose résumée au mieux dans P. W. Schmiedel, art. Résurrection dnd Ascension narratives, % 17 sq., Encycl. bibl., t. iv, col. 4061 sq.’Avec l’ensemble des critiques, y compris Renan, le professeur de Zurich convient que « les apparitions de Jésus eurent lieu réellement, c’est-à-dire, que ses disciples eurent réellement l’impression de le voir. Pour attribuer purement et simplement ces apparitions à l’invention où à la légende, il faudrait non seulement nier l’authenticité des Épîtres pauliniennes. mais encore refuser tout caractère historique à Jésus ». « Les récits primitifs de la résurrection sont d’ailleurs contemporains des faits auxquels il se rapportent. » « D’autre part, il est tout à fait à croire que les disciples eurent l’impression de voir en pleine réalité les blessures que Jésus avait reçues sur la croix ; peut-être même eurent-ils l’impression que lui-même les leur montrait. » « Bien plus, il est tout à fait possible que les apparitions aient eu lieu dans un appartement hermétiquement clos, Joa., xx, 19, 26, et que de cet appartement Jésus ait paru enlevé directement au ciel, Marc, xvi, 14, 19. » § 17, col. 4061. — Tout cela, en effet, paraît à M. Schmiedel susceptible d’une explication par vision subjective. À la suite de Strauss et de Renan, il estime qu’il n’y eut de fait pas autre chose. Jésus n’est pas ressuscité corporellement : seule son âme a échappé au trépas et survit immortelle ; le Sauveur n’a donc pu apparaître d’une manière corporelle et objective après sa mort. § 38, col. 4086. Tout ce qui tend à accuser une résurrection corporelle ou une vision objective doit être exclu de l’histoire et attribué à l’influence mythique de la foi. C’est la foi au caractère corporel de la résurrection de Jésus qui a créé les traits objectifs prêtés à ses apparitions. De là cette mention que les témoins oculaires avaient d’abord douté de leurs sens et pour cela avaient tenu à s’assurer le plus soigneusement possible de la réalité de Jeurs perceptions. De là, ces détails particuliers : que

Jésus, non seulement avait été vii, mais avait été entendu et avait prononcé des discours ; que non seulement il avait montré les cicatrices de ses blessures, mais qu’on les avait touchées ; bien plus, qu’il avait pris de la nourriture avec ses disciples ; que les apparitions s’étaient étendues à une période de quarante jours. — Enfin, de même que chaque apparition nouvelle était censée s’achever par une retraite de Jésus au ciel, on s’imagina, comme terme de la période même des apparitions, une ascension solennelle et cette fois définitive. § 27, col. 4072. — La non-historicité de la résurrection corporelle de Jésus, observe M. Schmiedel, ne nuit en rien à la vérité de sa religion. « La cause de Jésus n’a pas péri avec lui sur la croix : nous en sommes assurés par l’histoire, alors même que sa résurrection n’aurait pas eu lieu littéralement comme fait. Il est indéniable que l’Église a été fondée directement, non sur le fait de la résurrection de Jésus, mais sur la croyance en sa résurrection. » § 38, col. 4086. Cf. A. Réville, op. cit., t. ii, p. 453-478.

F) Le quatrième Evangile. — Ainsi, d’après les critiques libéraux, les Synoptiques refléteraient en maints endroits un travail de la pensée chrétienne, mettant peu à peu l’histoire du Christ en harmonie avec les exigences de la foi. On voit immédiatement combien cette appréciation des Évangiles synoptiques offre d’analogie avec l’idée que les mêmes critiques tendent à présenter du quatrième Évangile. Le quatrième Évangile serait lui aussi le produit de la foi postérieure au Sauveur. Toutefois, au lieu de représenter, comme les Synoptiques, la pensée chrétienne élaborée d’une manière inconsciente au sein de la multitude anonyme, il offrirait la foi même de l’Église, au début du second siècle, exposée d’une façon réfléchie, par un écrivain conscient, sous le voile du symbole et de l’allégorie. L’auteur s’inspirerait de la tradition synoptique et en exploiterait les éléments, pour la construction d’une grande synthèse doctrinale, où il traduirait la situation de l’Église à son époque, son rapport avec le judaïsme et le paganisme, surtout sa croyance au Christ Sauveur et Fils de Dieu. Dans cette hypothèse, le quatrième Évangile n’a de l’histoire que l’apparence ; le fait n’y est rien, l’idée y est tout ; les récits ne sont que le vêtement léger qui sert à recouvrir l’enseignement ; les personnages ne sont que des types qui représentent quelque chose de présent à l’époque de l’Évangéliste ; les détails topographiques, les mentions chronologiques, les nombres, tout est symbole et figure. L’ouvrage ne nous instruit donc pas sur l’histoire réelle de Jésus, mais sur la vie de l’Église au début du H » siècle ; ce qu’il nous présente n’est pas le Jésus de l’histoire, mais le Christ de la foi. Cf. H. J. Holtzmann, Das Evangelium des Johannes, 2e édit., Fribourg-en-B., 1893 ; J. Réville, Le quatrième Evangile, Paris, 1901 ; E. A. Abbott, art. Gospels, § 45-63, Encycl. bibl., 1901, t. ii, col, 1794 sq. ; P. W. Schmiedel, art. John, Son.of Zebedee, § 16 sq., Ibid., t. iv, col. 2518 sq.

G) Influence des mythes païens. — Les divers éléments mythiques dont nous avons parlé jusqu’ici auraient été élaborés sous l’influence de la foi chrétienne, c’est-à-dire, en définitive, sous l’influence de l’impression profonde laissée par la personnalité de Jésus. Mais il est une autre influence à laquelle un certain nombre de critiques paraissent tendre de plus en plus à faire appel aujourd’hui : c’est celle des mythes religieux, répandus dans les milieux païens où se développa la primitive Église, ou déjà infilirés des contrées étrangères dans le judaïsme du Nouveau Testament.

a) D’après H. Gunkel et W. Bousset. — Un organe spécial a été créé récemment, 1803, à Gœttingue, par MM. Bousset et Gunkel, sous le titre de Forschungen zur Religion und Litteratur des Altên und Neuen Testaments, en vue d’appliquer tant au Nouveau qu’à l’An-