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MYTHIQUE (SENS)


s’interpréter par le symbolisme et que son héros n’était que la personnification typique d’Israël, comme le Serviteur souffrantd’Isaîe. S. R. Driver, Literature ofthe Old Testament, p. 412, regarde Job comme étant probablement un personnage réel ; son histoire aurait un fondement dans la tradition, et l’auteur du livre en aurait fait « le véhicule pour l’exposition de ses idées personnelles touchant la signification religieuse et morale de la souffrance ». G. Wildeboer, op. cit., p. 385, admet cette base historique comme possible. Au sentiment de K. Budde, Dos Buch Hiob, Gœttingue, 1896, l’auteur aurait exploité un « livre populaire », où l’on s’efforçait de répondre à cette question : « Existe-t-il une vertu désintéressée ? » et lui-même aurait combiné ses propres conceptions avec ces éléments préexistants, en vue de Tésoudre un autre problème, celui de la souffrance du juste. T. K. Cheyne, art. Job, § 1, 4, Encycl. bibl., t. ii, col. 2464, 2468, parle simplement d’une légende populaire, adaptée par, un sage hébreu à son but didactique ; la légende viendrait probablement de Babylonie, et Job pourrait se rattacher à l’Éa-bani ou au Gilgamès des mythes chaldéens. Cornill, op. cit., p. 241, se contente de dire : « Nous avons là purement et simplement un récit librement inventé, où la forme historique ne sert qu’à donner une expression plus énergique aux conceptions de l’auteur. »

L’opinion de Cornill, op. cit., p. 187, est exactement la même au sujet du livre de Jonas. Cf. G. Wildeboer, op. cit., p. 341. Driver, op. cit., p. 324, estime que les matériaux du midrasch ont été empruntés à la tradition et qu’ils servent à faire valoir cette leçon, « que les desseins miséricordieux de Dieu ne sont pas limités à Israël, mais peuvent s’étendre aux paiens, s’ils font pénitence. » W. Nowack, Die kleinen Propheten, Gœttingue, 1897, p. 175, etE. Kautzsch, Abriss der Geschichte des Alttestamentlichen Schrifltums, Tûbingue, 1897, p. 120, pensent plutôt à une « légende prophétique », ou g conte populaire », librement exploité. E. Konig, art. Jonah, Dict. of the Bible, t. ii, p. 746, préfère également l’hypothèse d’un emprunt au folk-lore à celle d’un fond primitif historique. L’écrit appartiendrait d’ailleurs au genre des « récits symboliques ». Jonas, dont le nom signifie « colombe », représente Israël ; il paraît comme prophète, parce qu’Israël est appelé à remplir le rôle de prédicateur vis-à-vis des Gentils ; s’il « st englouti par la mer, à cause de son infidélité, et ramené ensuite au jour, c’est pour symboliser Israël, puni d’abord par l’exil à Babylone, pour avoir été infidèle à sa mission, et ensuite miséricordieusement rétabli par Dieu. Telle est l’interprétation que fait valoir à son tour Cheyne, art. Jonah, § 3, Encycl. bibl., t. ii, col. 2567, mais en y joignant une interprétation mytho-. logique : le grand poisson qui engloutit Jonas serait le dragon de l’océan souterrain, symbole de l’empire de Babylone, qui absorba effectivement Israël, non pour le détruire, mais pour le garder et lui donner lieu de faire pénitence.

D’après Driver, op. cit., p. 510, et The Book of Daniel, Cambridge, 1901, p. ixviii, Daniel doit être considéré comme un personnage ayant réellement vécu au temps de l’exil babylonien ; son histoire a un fondement véritable dans la tradition. Les données traditionnelles transmises par voie orale, peut-être même déjà mises par écrit, ont été exploitées, sous Antiochus Épiphane, par un auteur qui les a mises en rapport avec les circonstances de l’époque où il écrivait. Par contre, A. Kamphausen, art. Daniel, § 10, Encycl. bibl., 1. 1, col. 1008, ne croit pas en l’existence d’un Daniel contemporain de l’exil, bien que le livre puisse contenir plus ou moins de matière traditionnelle. Pour Cornill, op. cit., p. 214, c’est simplemente l’ouvrage d’un Juif pieux et fidèle à la Loi, qui, sous le règne d’Antiochus Épiphane, voulut encourager ses coreligionnaires, au sein de la persécu tion, en plaçant dans la bouche d’un prophète exilien des prédictions qui annonçaient l’approche du royaume des cieux ». Cf. Wildeboer, op. cit., p. 443. E. L. Curtis, art. Daniel, Dict. of the Bible, t. i, p. 554, trouve que l’écrit offre des parallèles frappants avec les livres de Jonas, de Tobie et de Judith, et voit dans les chap. i-vi « un échantillon de VHagada juive de la basse époque, qui consistait à inculquer des leçons morales et spirituelles par le moyen de contes imaginaires ». Enfin, au sentiment de H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, Gœttingue, p. 320 sq., l’appendice sur Bel et le Dragon se trouverait en dépendance du mythe babylonien qui représente le dieu Mardouk, vainqueur de Tiàmat, le monstre du chaos.

II. l’interprétation mythique appliquée AU Èbïïveau TESTAMENT. — Le Nouveau Testament a été soumis comme l’Ancien à l’interprétation mythique.

1° Système de Ch. Dupuis. — Le premier essai important qui en ait été fait est celui de Charles François Dupuis, qui fit imprimer en pleine Terreur un ouvrage sur l’Origine de tous les cultes, ou la Religion universelle, 3 in-4°, Paris, an m (1794) ; Cf. Abrégé de l’origine de tous les cultes, in-8°, Paris, an vu (1798), Le système de Dupuis offre de grandes analogies avec celui de Winckler, fondé sur la mythologie astrale. D’après le philosophe français, les anciens auraient donné à leurs descriptions de la nature la forme d’une histoire, où les personnages représenteraient les divers phénomènes dans leurs multiples relations. Le soleil aurait été le principal héros de ces romans merveilleux. Or, c’est une histoire de ce genre qu’il faudrait chercher dans le christianisme. A en croire Dupuis, « la vie de Christ n’est que la légende solaire connu, chez les chrétiens. » Le Christ Agneau, réparateur du mal que le serpent tentateur a introduit dans le monde, c’est le soleil qui, au printemps, dans son passage sous le signe de l’Agneau, répare dans la nature le mal amené par l’hiver ou le serpent d’automne. N’est-il pas appelé « l’Orient », « la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ? » N’est-il pas né de la Vierge céleste, au solstice d’hiver, à l’instant où paraîtle soleil nouveau ? Ses douze apôtres sont manifestement les douze signes du zodiaque, et Pierre, leur chef, avec sa barque et ses clefs, ne peut être que le vieux Janus, à la tête des douze divinités qui représentent les mois. Ainsi le Christ n’est que le dieu soleil, objet du culte de tous les peuples, et la secte qui l’adore, une secte mithriaque, branche de la religion de Zoroastre, qui a pris le nom de chrétienne.

2° Mythisme de Strauss. — Différent est le système que le D r David Frédéric Strauss inaugurait en 1835, dans Dos Leben Jesu, kritisch bearbeitet, 2 fti-8°, Tûbingue, 1835 et 1836 (Vie de Jésus, ou Examen critique de son histoire, trad. franc, par E. Littré, 1839). C’était une adaptation au Nouveau Testament du mythisme que de Wette avait appliqué à l’Ancien. Déjà quelques tentatives avaient été faites pour soumettre à cette interprétation mythique certains chapitres de la vie de Jésus, en particulier les récits de son enfance et ceux de l’ascension. Strauss prétendit y réduire toute l’histoire du Sauveur. Le mythe qu’il place ainsi à la base de l’histoire évangélique n’est point une fiction individuelle et réfléchie, unejable inventée à plaisir par quelque poète ou romancier ; c’est le produit spontané de la foi primitive de l’Église, incarnant inconsciemment ses croyances et ses préoccupations en une multitude de récits, qui d’abord se sont élaborés dans la tradition orale, puis ont été consignés de bonne foi par les évangélistes. « Le mythe, écrit-il, a pour fondement, non une conception individuelle, mais la conception générale et supérieure d’un peuple ou d’une communauté religieuse. » C’est « la production, non d’un individu, mais de sociétés entières et de générations successives, parmi lesquelles la narration, transmise de bouche en bouche, et recevant