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MYTHIQUE (SENS)


L’interprétation de H. E. Ryle a été adoptée de tous points par le Dictionary of the Bible de Hastings, Edimbourg, 1898-1903 : art. Cosmogony (0. C. Whitehouse), 1. 1, p. 505 et suiv. ; Fall (J. H. Bernard), t. ii, p. 97 ; Flood (F. H. Woods), t. i, p. 839 ; Tongues, Confusion of (S. R. Driver), t. iv, p. 792 ; Abel et Cain (W. P. Paterson), t. i, p. 5 et 339. Cf. Ottley, À short History of the Hebrëws to the Roman Period, Cambridge, 1901.

Dans YEncyclopsedia biblica de Cheyne, Londres, 1899-1903, H. Zimmern, art. Création et Déluge, émet l’idée que les récits bibliques de la Création et du Déluge sont en dépendance réelle vis-à-vis des mythes babyloniens correspondants, bien qu’ils ne se rattachent pas directement à ces mythes, dans la forme où nous les possédons aujourd’hui, et qu’ils supposent un long développement des mythes primitifs dans le domaine de l’hébraïsme, antérieurement à la rédaction des premiers chapitres de la Genèse. D’après ce critique, nos récits génésiaques ne se comprennent bien que si l’on voit à leur base la description mythique de phénomènes naturels propres à une terre d’alluvions, telle qu’est la Babylonie. — <£ La question à laquelle doit répondre une cosmogonie, dit M. Zimmern, art. Création, § 3, t. i, col. 940, est celle-ci : Comment le ciel et la terre sont-ils venus pour la première fois à l’existence ? Or, la réponse donnée dans la Genèse est inintelligible de la part d’un Israélite, car elle implique une façon de se représenter les choses strictement babylonienne. Comme le monde se renouvelle chaque année et chaque jour, ainsi, pensait le Babylonien, a-t-il dû apparaître à l’origine. A la suite des longues pluies hivernales, la plaine de Babylone ressemble à la vaste mer (en assyrien, tiâmtu, tidmat). Mais vient le printemps, où le dieu du soleil printanier (Mardouk) fait réapparaître la terre, et de ses rayons puissants divise les eaux de Tiâmat, qui formaient auparavant comme un seul tout, les envoyant, partie en haut sous forme de nuages, partie en bas aux rivières et canaux. Ainsi a-t-il dû en être au premier printemps, au premier nouvel an, quand, après un combat entre Mardouk et Tiâmat, le monde organisé vint au jour. Ou bien (car Mardouk est aussi le dieu du soleil matinal), de même que le soleil chaque matin traverse en vainqueur la mer cosmique (Tiâmat), et du chaos de la nuit fait apparaître, d’abord le ciel, puis la terre, ainsi le ciel et la terre ont-ils dû apparaître pour la première fois au matin de la Création. » En somme, ce qui se laisserait découvrir à l’origine du récit cosmogonique de la Genèse, c’est un mythe naturaliste babylonien, fondé sur l’observation d’un phénomène habituel, à savoir le dessèchement de la plaine babylonienne après les grandes inondations hivernales ; ce phénomène aurait été agrandi et reporté aux origines du monde, sous la forme, inspirée par l’animisme polythéiste, d’un combat entre Mardouk, le dieu du soleil, et Tiâmat, la déesse de la mer. — Le récit du Déluge ne serait lui-même qu’une variante du mythe babylonien de la Création : à son point de départ il faut encore placer un mythe naturaliste, le mythe de l’hiver, qui, en Babylonie particulièrement, est un temps de grandes pluies, et du dieu-soleil, avec qui il faut sans doute identifier le héros de l’histoire. Art. Déluge, § 8-9, t. i, col. 1059. — Les récits de la Genèse seraient donc en définitive des mythes babyloniens, transformés et adaptés au point de vue monothéiste du peuple hébreu. Cf. Id., Die Keilinschriften und dos Alte Testament, de Schrader, 3e édit. remaniée, w partie, Berlin, 1902 et 1903.

Telle est aussi l’opinion de H. Gunkel, Genesis ûbersetzt und erklàrt, Gœttingue, 1901, avec cette différence toutefois que, pour ce dernier critique, comme pour le Rév. Ryle, le mythe babylonien du Déluge, dont le récit génésiaque ne serait qu’une recension adaptée à l’esprit

religieux d’Israël, serait basé sur le fait d’une inondation locale, grossi et transporté aux temps primitifs comme déluge universel.

ta même thèse était exposée en 1902 par Frd. Delitzsch, dans sa conférence sur Babylone et la Bible, Babel und Bibel, Leipzig, 1902. Cette retentissante conférence, prononcée devant l’empereur d’Allemagne, a provoqué les adhésions ou les protestations de toute une littérature de brochures et articles de revues. — Dans les Preussische Jahrbùcher, mars 1903, en réponse à la lettre de Guillaume II à l’amiral Hullmann, A. Harnack félicitait Delitzsch « d’avoir prêché au grand jour ce que l’Église et l’École se refusaient à entendre jusque-là, mais que l’on savait déjà depuis longtemps, à savoir l’origine babylonienne de nombre de mythes et de légendes de l’Ancien Testament ». Cf. H. Zimmern, Keilinschriften und Bibel, Berlin, 1903.

Les articles de Zimmern sur la Création et le Déluge, dans YEncyclopsedia biblica, contiennent des additions de l’éditeur général, T. K. Cheyne, où les récits bibliques sont mis en rapport, non plus seulement avec les mythes babyloniens, mais avec les mythes des autres peuples antiques, en particulier des Egyptiens. Art. Création, § 5 et 11, t. i, col. 941, 945 ; art. Déluge, § 18, t. i, col. 1063. Cf. M. Vôlter, Aegypten und die Bibel, Leyde, 1903. — Les autres récits des premiers chapitres de la Genèse sont interprétés, par le même Cheyne, dans un sens mythique analogue à celui proposé par Ryle. L’histoire de l’Eden reposerait sur un mythe, dont les éléments ont été idéalisés et moralises, et c’est cet idéalisme moral, infusé dans le vieux mythe, qui lui donne « un intérêt permanent pour les hommes religieux ». Art. Adam and Eve, § 4, 1. 1, col. 62. L’histoire de Caïn représenterait un mythe israélite, ayant pour but « d’expliquer le phénomène étrange de la vie nomade, perpétuellement errante dans le désert, et le développement excessif de la coutume barbare de venger le sang répandu ». « Caïn est mis en contraste avec Abel, parce que la vie pastorale, avec la fixité de domicile, paraissait aux Israélites la vie idéale. » Art. Cain, § 4 et 5, t. i, col. 621. Enfin, l’histoire de la Tour de Babel n’est qu’un « vieux mythe où l’on expliquait par la construction interrompue d’une tour la dispersion des nations ». Art. Babel (Tower of], § 3 et 6, t ; i, col. 411-412,

2° Histoire des patriarches. — a) Le mythe ethno~ graphique, social, religieux. — Après les récits relatifs aux origines du monde et de l’humanité, l’histoire des patriarches ou des origines d’Israël. Au jugement de l’école libérale, toute cette histoire doit également s’interpréter par le mythe, et plus particulièrement par le mythe ethnographique. — Dans cette hypothèse, le patriarche est moins un personnage individuel qu’une tribu personnifiée en celui qui est censé son ancêtre ou son héros éponyme. Par exemple, Jacob et ses douze fils représentent les douze tribus israélites, comme Ismaël et les siens représentent les dans du désert. Les rapports matrimoniaux et généalogiques figurent en quelque sorte les relations des tribus. Le mari est la tribu plus importante : Israël, Ismaël, ou Joseph. La femme est la tribu plus faible, absorbée dans le groupe plus fort : telle Dina, Lia, Rachel. Les mariages successifs marquent l’accroissement d’un peuple ou les migrations d’une tribu. Le concubinat est l’agrégation d’un clan secondaire à une tribu supérieure. La naissance d’un enfant représente l’origine d’un groupe nouveau. Ainsi les rapports entre peuples deviennent rapports de parenté. C’est le mythe ethnographique.

D’après un certain nombre de critiques, ces mythes ethnographiques seraient comme une enveloppe légère, à travers laquelle on pourrait suivre toute l’histoire des tribus, de leur origine, de leurs migrations, de leurs mélanges et relations au cours du temps passé. — C’est ainsi qu’aux yeux d’H. Ewald, Geschichte des Volkes