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MYSTIQUE (SENS)


d’Ismaël, Gal., iv, 30, 31 ; le passage de la mer Rouge, I Cor., x, 1. Voir t. i, col. 369. Les types anagogiques prédisent la béatitude éternelle, et sont des images du ciel. Voir Anagogique (Sens), 1. 1, col. 534-535. Les types tropologiques contiennent des leçons morales pour la conduite des hommes. La manne recueillie avant le lever du soleil apprenait aux Israélites qu’il convenait d’élever son cœur à Dieu, dès le matin, pour bénir l’auteur de tout bien. Sap., xvi, 28. La nuée, la manne et le rocher signifiaient que les chrétiens ne doivent pas céder à la gourmandise, devenir idolâtres, commettre des fornications, tenter le Christ et murmurer. 1 Cor., x, 1-11. Le sens allégorique représente donc et prophétise Jésus-Christ ou l’Église, le tropologique présente une leçon morale par l’exemple du passé, et l’anagogique donne une idée de la félicité céleste au moyen des choses d’icibas.

III. Existence. — L’existence du sens mystique n’est pas une conséquence nécessaire de la nature des Livres saints. Elle dépend de la libre volonté de Dieu, leur auteur, qui a préordonné certains événements passés à figurer des événements futurs et supérieurs, et les a fait raconter dans la Bible avec cette signification spéciale, qui constitue le sens spirituel. Nous ne connaissons son existence que parce que Dieu lui-même nous l’a manifestée, et elle ne s’impose à notre foi, que parce qu’il est constant que le Saint-Esprit l’a voulue et réalisée. Seuls donc, les organes infaillibles de la révélation détermineront avec certitude les sens spirituels voulus par Dieu, en affirmant le caractère typique des événements figuratifs.

Or l’Église a toujours reconnu et enseigné l’existence du sens mystique dans la sainte Écriture, et son enseignement s’appuie sur la parole de Dieu elle-même. À la naissance du christianisme, la foi aux types et aux figures de l’Ancien Testament était universelle en Judée. Jésus, ses disciples, les Juifs de toutes les sectes, amis et contradicteurs du Sauveur, tous y croyaient. Jésus, il est vrai, ne donne aucune démonstration formelle et expresse de la légitimité de cette croyance ; mais il l’approuve, en la partageant. Pour prouver sa mission messianique, it fait un appel incessant à l’Ancien Testament, et montre en lui la réalisation des types les plus clairs de l’histoire d’Israël, et les plus propres à ouvrir les yeux de ceux qui refusaient de le reconnaître pour le Messie préfiguré dans l’ancienne alliance. Ses auditeurs comprenaient ses applications claires et ses allusions discrètes, Matth., xxi, 42-46 ; les Pharisiens, revêches et querelleurs, étaient réduits au silence, et vaincus par une argumentation sans réplique, ils n’osaient plus l’interroger. Matth., xxii, 42-46. Qu’on ne prétende pas que Jésus s’accommodait aux idées de ses contemporains, et maniait habilement l’argument ad hominem. Toute accommodation à une opinion erronée est indigne de son caractère absolument véridique. Il tirait ses arguments de la vérité même des faits, et les rationalistes eux-mêmes reconnaissent, dans ces citations bibliques, une justesse d’appréciation et une profondeur de vues tout à tait remarquables. D’ailleurs, Jésus ne s’est pas borné à relever le caractère typique de quelques faits isolés de l’Ancien Testament, tels que le serpent d’airain, type de sa croix, Joa., iii, 14 ; Élie, figure de saint Jean-Baptiste, Marc, ix, 10-12 ; les persécutions des prophètes, annonce prophétique des persécutions de ses disciples, Matth., v, 12 ; xxiii, 34, 35 ; Luc, xi, 49-51 ; il a considéré et présenté l’ancienne alliance, ses institutions et son histoire comme essentiellement figuratifs. Ce n’est pas seulement tel ou tel chapitre qui lui rend témoignage, c’est la Bible entière, dans toutes ses parties. Joa., v, 39, 45, 46 ; Luc, xxiv, 27.

Les Apôtres, instruits par le Maître et sous l’inspiration du Saint-Esprit, ont signalé à l’occasion le caractère typique de quelques faits de l’Ancien Testament.

Les exemples, cités précédemment, sont tous tirés de leurs écrits. Saint Paul, Rom., ix, 24-27, parlant des nations qui doivent se réunir au Christ, insinue la future conversion des Juifs, en interprétant des témoignages d’Osée, ii, 24 ; i, 10, et d’Isaïe, x, 22 ; i, 9, relatifs, dans le sens littéral, à des événements alors accomplis. Il prouve que le Christ est la fin de la Loi et la justification de tous les croyants, Rom., x, 4-9, par des paroles que Moïse a dites au sujet de l’ancienne loi. Lev., xviii, 5 ; Deut., xxx, 12, 14. Il démontre la filiation divine du Christ, Heb., i, 5, en citant ce que Nathan avait prédît de Salomon, type du Messie. II Reg., vii, 14. Et qu’on ne dise pas, comme on l’a récemment prétendu, que cette exégèse allégorique des écrivains inspirés du Nouveau Testament est une exégèse « créatrice », découvrant un sens que Dieu, auteur principal de l’Ancien Testament, n’avait pas mis dans les passages scripturaires qu’ils interprètent ainsi. Si ces écrivains inspirés découvrent dans l’Ancien Testament un sens mystique que les mots n’expriment pas par eux-mêmes, c’est que l’Esprit qui les inspire l’y avait caché et le révèle aux hommes par leur moyen. Même en employant lès procédés et en suivant la méthode de l’école juive allégorisante, ils le faisaient sous la direction de l’Esprit inspirateur qui éclairait leur pensée et guidait leur plume. Leur exégèse était donc réellement expositive.

Les premiers chrétiens crurent au caractère figuratif de l’ancienne alliance, les plus anciens écrits des Pères de l’Église en sont la preuve. La lettre attribuée à saint Barnabe, les œuvres de saint Clément de Rome, de saint Irénée et de Tertullien contiennent l’exposition de nombreuses figures bibliques. Dans son dialogue avec le Juif Tryphon, saint Justin démontre la divinité de Jésus-Christ par l’interprétation des prophéties typiques. L’école exégélique d’Alexandrie a poussé trop loin, il est vrai, l’explication allégorique de l’Écriture, en accordant la prépondérance au sens spirituel sur le sens littéral ; mais l’abus ne doit pas faire condamner la recherche légitime des sens spirituels. L’école d’Antioche s’est maintenue dans de justes limites, et l’étude du sens littéral ne lui a pas fait négliger celle du sens mystique. Théodore de Mopsueste lui-même ne niait pas l’existence et la vérité des figures bibliques ; il rejetait à tort quelques types avérés de l’Ancien Testament. Voir Kihn, Tbeodor von Mopsuestia und Junilius als Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 128. Les théologiens de l’école et les commentateurs chrétiens de tous les siècles ont continué la tradition primitive. L’Église n’a jamais varié dans sa doctrine sur la typologie biblique ; ses enfants ont pu la développer plus ou moins largement, l’appliquer plus ou moins heureusement, tous l’ont reconnue et proclamée légitime. Léon XIII ne se borne pas à constater, comme nous l’avons rappelé plus haut, l’existence des sens spirituels certains, exprimés par les écrivains sacrés, organes de l’Esprit-Saint ; il recommande encore à l’interprète de l’Écriture de ne pas négliger les explications allégoriques des Pères : Caveat idem ne Ma negligat quse ab eisdem Patribus ad allegoricam similemvesententiam translata sunt, maxime quum ex litterali descendant et multoi’um auctoritate fulciantur. Talem enim interpretandi rationem ab Apostolis Ecclesia accepit, suoque ipsa exemplo, ute re patet liturgica, comprobavit, non quod Patres ex ea contenderent dogmata fidei per se demonstrare, sed quia bene frugiferam virtuti etpietati alendse nossent experti. Encyclique Providentissimus Deus. Voir t. i, p. xxm.

Les monuments primitifs de l’Église romaine sont d’irrécusables témoins de l’antiquité de cette doctrine. Dans les peintures et les sculptures des Catacombes, le Christ et l’Église, la résurrection et les vertus chrétiennes sont très souvent figurés sous des imagée empruntées à l’Ancien Testament. Joseph, Moïse, Samson, symbolisent Jésus-Christ, les sacrifices d’Abel et d’Abraham ;