Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/663

Cette page n’a pas encore été corrigée

1273

    1. MORÉH##

MORÉH (CHÊNE DE)

1274

mentionnée par la Bible où le patriarche Abraham, venant de Mésopotamie dans la terre de Chanaan, établit son campement pour résider avec sa famille. Le Seigneur lui apparut en cet endroit pour renouveler la promesse qu’il lui avait tâite en son pays, en lui disant : « Je donnerai cette terre à tes descendants. » Abraham éleva en ce lieu un autel au Seigneur qui lui était apparu, ajoute la Gen., xii, 6-7. C’est le premier autel élevé à Jéhovah dans la Terre Promise. Ce fut sans doute ce souvenir sacré qui amena Jacob en ce même endroit, après son retour de Mésopotamie. Ayant quitté Socoth, il vint s’établir devant Sichem. Il paraît avoir eu l’intention de s’y fixer définitivement avec les siens, car il acheta des fils d’Hémor, le fondateur de Sîchem, ’pour le prix de cent qesitdh, le champ où se trouvait le chêne et où il avait établi son campement. Reprenant la tradition de son ancêtre, il dressa un nouvel autel qu’il nomma’El Ëlohê Hràêl, « El, Dieu d’Israël. » Gen., xxxiii, 18-20. La crainte des représailles (à cause des habitants de Sichem), occasionnées par l’aventure de Dina, obligea Jacob à quitter’Êlôn Môréh où, avant de partir pour monter vers Bethel, il enterra sous le chêne les idoles que ses gens avaient apportées avec eux de Mésopotamie. Gen., xxxiv, xxxv, 1-5. — Cependant Jacob semble avoir voulu maintenir son droit de propriété sur le territoire de Môréh et c’est vraisemblablement avec cette intention que ses fils venaient faire paître leurs troupeaux dans la campagne de Sichem. Nul endroit n’était plus favorable pour leur campement que la chênaie de Môréh. C’est là sans doute que Joseph, envoyé d’Hébron par son père pour prendre des nouvelles de ses frères, vint les chercher, quand il apprit qu’ils avaient quitté ce lieu pour passer à Dothaïn. Gen., xxxvii, 12-17. Avant de mourir, Jacob transféra ce champ en héritage à son fils bien-aimé, et Joseph sur le point de quitter la vie, fit jurer aux siens de rapporter ses ossements dans la terre de Chanaan, pour les y ensevelir dans le champ de Sichem qui était son domaine. Ce devoir devait être rempli par Josué, après la conquête du pays de Chanaan. Gen., xlviii, 22 ; l, 24 ; Ex., xiii, 19 ; Jos., xxiv, 32 ; Act., vii, 16 ; Joa., iv, 52. — Êlôn Môi’ehétoit demeuré, dans le souvenir des fils d’Israël, le premier sanctuaire consacré par leur père à Jéhovah et à son culte, et c’est sans doute pour y renouer le fil de ce culte traditionnel que Moïse prescrivit à son peuple de s’y rendre aussitôt après la conquête de Chanaan, afin d’y élever de nouveau un autel et d’y accomplir la sublime cérémonie des bénédictions et des malédictions. Deut., xi, 29-30 ; xxvir, 4-26. — Cet autel fut dressé, selon toute vraisemblance, sur le domaine de Joseph, la terre de Môréh, là où devaient être posées les pierres blanchies à la chaux sur lesquelles seraient écrites les paroles de la Loi. Ces pierres semblent, Deut., xxvii, 6-4 ; Jos., viii, 32, être les pierres mêmes de l’autel. La. grande pierre dressée par Josué « sous le chêne du sanctuaire du Seigneur », be-miqdas Yehôvâh, Jos., xxiy, 26, n’est peut-être pas différente de ces monuments, ou bien les avait remplacés. L’autel et les pierres, il est vrai, devaient être établies « au mont Hébal i>, mais l’expression be-har’Ebàl peut s’entendre aussi du voisinage de la montagne non loin de laquelle se trouvaient le Garizîm et Môréh. — Josué tint trois assemblées à Môréh : la première est la réunion convoquée pour la cérémonie des bénédictions et des malédictions, Jos., viii, 30, 34, si toutefois elle ne doit pas être confondue avec l’une des deux autres ; la seconde eut lieu après la soumission complète du pays, alors que Josué était déjà avancé en âge. Les anciens, les chefs du peuple et des guerriers y avaient seuls été invités. Josué avait voulu les engager à demeurer fidèles observateurs de la loi de Moïse. Jos., xxm.’Êlôn Môréh n’est pas nommé en cette occasion, mais il n’est guère douteux que cette réunion ne se fit au même lieu où devait se tenir la troisième, c’est-à-dire près « du sanc tuaire s et du chêne de Môréh. À cette dernière toutes les tribus avaient été appelées. Josué, voyant approcher l’heure de sa mort, avait voulu rappeler à son peuple sa vocation spéciale, les miséricordes de Dieu à son égard et lui faire prendre l’engagement solennel de rester à jamais fidèle à Jéhovah. C’est pour conserver la mémoire de cet événement que fut élevée sous le chêne la grande pierre du MiqdaS. Jos., xxiv. — Par ces souvenirs, par sa position centrale, étant à peu près à égale distance de Dàn et de Bersabée, et par la commodité de son site, ’Êlôn Môréh semblait l’endroit prédestiné pour les grandes assemblées du peuple. — Deux de ces réunions seulement sont mentionnées par l’histoire biblique qui en laisse toutefois présumer une troisième. La première est celle de la population sichémite. Elle se réunit prés du chêne planté près de Sichem pour proclamer roi Abimélech, fils de Gédeon. Jud., ix, 6. Tout Israël s’assembla de nouveau près de Sichem, après la mort d, e Salomon, pour établir roi son fils Roboam, III Reg., xii, 1 ; II Par., x, 1. On sait comment les intrigues de Jéroboam et le refus du fils de Salomon d’alléger les charges du peuple, provoquèrent la scission entre les tribus du nord et celles du sud. III Reg., xii ; II Par., x. L’assemblée dans laquelle Jéroboam fut reconnu roi par les Israélites du nord semble, comme la précédente, s’être tenue à Môréh. Cf. III Reg., xii, 20. — Les populations déportées en Samarie, par les rois d’Assyrie, à la place des Israélites, confondirent les souvenirs se rattachant à l’êlôn Môréh. Indutt en erreur par le nom, semble-t-il, ils crurent y voir Moriah où Abraham voulut immoler son fils Isaac, puis Mambré et Béthel, « la maison de Dieu. » De là procède sans doute la vénération des Samaritains pour le mont Garizim dont Môréh forme la base. — Les efforts accomplis après la captivité par les chefs des Juifs, pour éloigner toute cause d’idolâtrie et de division, et aussi le sentiment d’hostilité profonde qui s’établit entre les Samaritains et les Juifs ne permirent plus guère à ces derniers de continuer à faire de Môréh un but de pèlerinage comme ils l’avaient fait auparavant de Maspha en Galaad, de Galgala, de Bersabée et de Mambré ; son souvenir ne se perdit cependant pas chez eux, on le constate par le récit de l’Évangile. Joa., iv, 5-6. — Au ni" siècle, « les habitants du pays, honoraient encore, en mémoire des patriarches le chêne prodigieux sous lequel Jacob avait caché les idoles près de la pierre, » assure Jules Africain, Chronic. fragmenta, t. x, col. 72. Depuis le triomphe de la religiondu Dieu d’Israël sur le paganisme gréco-romain, les pèlerins, tant chrétiens que juifs, tant mahométans que samaritains, n’ont pas cessé de visiter l’emplacement du chêne de Môréh ou le champ de Joseph pour y évoquer ses souvenirs.

Voir S. Jérôme, Epist. crm, ad Eustochium, t. xxii, col. -888-889 ; Id., Qusestiones in Genesim, t. xxiii, col. 1004 ; Anonyme (c. 333), Itinerarium à Burdigla Hierusalem usque, édit. de l’Orient latin, Genève, 18771880, p. 16 ; Théodosius (c. 330), De terra sancta, ibid., p. 71 ; Antonin de Plaisance (c. 570), De locis sanctis, ibid., p’. 94 ; Arculphe, De locis sanctis, ibid. (c. 670), p. 180-181 ; S. Willibaldi Hodœporicon (786), p. 270 ; Frétellus (c. 1120), Liber locorum sanctorum, t. clv, col. 1045 ; Théodoricus (c. 1172), Libellus de locis sanctis, édit. Titus Tobler, Saint-Gall et Paris, 1865, p. 9395 ; Phocas (1185), De locis sanctis, dans Bolland, Acta sanctorum, maii t. ii, p. 10 ; Fragments sur la Galilée (c. 1187), dans Itinéraire français, Genève, 1882, p. 7374 ; Aly el-Herewy, Voyage, dans Archives de l’Orient latin, Paris, 1881, t. i, p. 599 ; Burchard du Mont-Sion (1283), Descriptio Terrée Sanctse, 2e édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 54-56 ; Rodolphe de Suchem (1336), Reyse zum heilige Land, dans Heyssbuch des heyligen Landes, Francfort-sur-le-Main, 1583, fol. 452 ; Gerson de Scarmela (1561), « Sépulcre des Justes, » dans Cor-