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MOÏSE


iatum biblicarum, publié sous le nom de Philon, Bâle, 1527.

3° Enfin, Moïse fut poète inspiré et prophète. Il a chanté le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18, le cantique des derniers jours de sa vie, Deut., xxxii, 1-43, adressé à son peuple. Apoe., xv, 3. La prédiction d’un prophète semblable à Moïse, qu’elle annonce toute la série des prophètes Israélites ou le grand prophète messianique, Deut., xviii, 15-19, et la bénédiction prophétique, prévoyant le sort futur des tribus d’Israël, Deut., xxxiii, 1-29, placent Moïse à la tête des grands voyants, que Dieu a suscités au milieu de son peuple choisi. Au jour de la transfiguration, il apparut aux Apôtres s’entretenant avec Jésus et Élie". Matth., xvii, 3-4 ; Marc, ne, 34 ; Luc, rx, 30. 33. Jésus en a appelé à son témoignage et a déclaré aux Juifs que Moïse les accuserait, parce que sur sa parole, ils n’avaient pas cru que Jésus était lui-même le fils de Dieu. Joa., v, 45-47. La parole de Moïse, comme celle des prophètes, suffisait par sa propre autorité à confirmer les doctrines qu’elle exprimait. Luc, xvi, 29, 31 ; Act. xxvi, 22. Les Juifs considéraient comme un blasphème toute parole qu’ils estimaient contraire à la loi et aux traditions dérivant de Moïse. Act., vi, 13-14. — Les Pères de l’Église n’ont pas seulement considéré ces prophéties comme étant de Moïse, ils ont reconnu encore dans le sauveur et le législateur d’Israël une figure prophétique du Messie, véritable sauveur et législateur de l’humanité entière. Cf. card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, p. 326-329. C’est le dernier trait, et non pas le moins beau, de la physionomie religieuse de Moïse. Les premiers chrétiens ont fréquemment reproduit dans les catacombes des traits de l’histoire de Moïse dans lesquels ils reconnaissaient des allusions prophétiques aux mystères de la religion chrétienne spécialement au baptême, symbolise par l’eau sortant du rocher. « Moïse frappant le rocher, figure aussi saint Pierre, le chef du nouvel Israël de Dieu. » Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, p. 473-475 ; P. Allard, Rome souterrain*, 2e édit., Paris, 1877, p. 367-368, 416-421 ; H ; Alarucchi, Éléments d’archéologie chrétienne, t. i, Notions générales, Paris, 1900, p. 281-282, 328 ; J. Wilpert, Die Malereien der Katakomben Roms, in-f°, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 40, 143, 266-281, 388-389, 421-423.

Artapan, dans Eusèbe, Priep. evang., IX, 27, t. xxi, col. 736, retrace ce portrait physique de Moïse : « On dit que Moïse était de haute stature, de couleur blonde, couvert de longs cheveux grisonnants et majestueux. » reyoviv ai 8é <pi)(71 t’ov Mûliuov ( « xxpbv, TU)^pàxi)v, itoXiôv X0[iiyrK)v, ࣠« 0[jt, aTix6v.

V. Moïse d’après les critiques rationalistes. — Les critiques rationalistes modernes accordent généralement peu de valeur historique à la tradition juive sur Moïse, telle qu’elle est consignée dans la Bible. La plupart, acceptant les conclusions de la critique littéraire du Pentateuque, distinguent diverses rédactions de cette tradition et prétendent que la plus ancienne est postérieure de plusieurs siècles aux faits qu’elle est censée rapporter. Voir Pentateuque. À une pareille distance des événements, là tradition est déjà embellie par la légende et elle représente non pas le Moïse historique, mais le Moïse tel que l’imagination populaire l’avait grandi aux cours des âges. H. Winckler explique par l’astronomie la légende historique de Moïse, qui n’est plus à ses yeux qu’une émanation du Jahvé-Tammouz de la steppe. Geschichte Isræls in Einzeldarstellungen, 2e partie, Leipzig, 1900, p. 86-95 ; Die Keilinschriften und dos Alte Testament, Berlin, 1902, p. 209-212. Pour Cheyne, Encyclopxdia biblica, art. Moses, Londres, 1902, t. iii, col. 3203 sq., Moïse était primitivement un clan, le clan de Jahvé, qui habitait au nord de l’Arabie. Ce nom ethnique a été appliqué par la tradition à un

individu, dont l’histoire légendaire reproduit quelques traits de l’histoire réelle du clan. Ordinairement toutefois les critiques regardent Moïse comme un personnage historique, dont l’existence est certaine ou au moins très probable, mais dont l’histoire a été embellie et le rôle grandi par la légende. Ils s’appliquent dès lors à dégager des embellissements légendaires le fond historique de la vie et de la mission de Moïse. rJ ?

Moïse appartenait au clan hébreu qui avait pénétré en Egypte et qu’on appelle, soit le clan de Joseph, soit la tribu d’Éphraïm-Manassé. Ces Hébreux nomades s’étaient établis sur les frontières de l’Egypte, et avaient reconnu ou subi la suzeraineté des Hyksos ou rois pasteurs de cette contrée. Ils séjournaient dans les environs de Tanis et ils continuèrent à y mener la vie pastorale. Après un assez long séjour de tranquillité, ils furent employés par une nouvelle dynastie à de dures corvées, aux travaux de terrassiers et de briquetiers, dans les constructions publiques. Las enfin des exactions dont ils étaient l’objet et profitant peut-être de grands malheurs qui tombèrent sur l’Egypte, ils quittèrent le pays et se jetèrent avec d’autres bandes dans le désert de la péninsule du Sinaï, où ils étaient à l’abri des poursuites de l’Egypte, d’ailleurs affaiblie. Ils s’établirent ensuite à Cadès, où ils abandonnèrent peu à peu la vie nomade de bergers pour s’adonner à l’agriculture. Or Moïse fut le chef de cet exode de l’Egypte et l’organisateur de la nationalité et de la religion hébraïque tant au Sinaï qu’à Cadès. Plus tard, l’histoire et le rôle de ce chef d’expédition et de cet organisateur furent grandis par l’imagination. Lès éléments légendaires se retrouvent notamment dans l’enfance de Moïse, ses miracles devant le Pharaon et sa fuite au Sinaï.

Pour les critiques, la circonstance de Moïse sauvé des eaux n’a aucun fondement historique. Le point de départ de cette légende est dans cette idée des Hébreux que leur libérateur avait dû la conservation de sa vie à un dessein providentiel de Dieu. D’autres personnages de l’histoire ancienne, Sémiramis, Œdipe, Cyrus, Romulus, ont été de même préservés de grands dangers à leur naissance. Voir A. Jeremias, Das Alte Testament im Lichte des alten Orients, Leipzig, 1904. p. 254-258. Le nom égyptien de Moïse, signifiant « enfant », a été interprété plus tard dans le sens de la légende et a reçu la signification de « sauvé des eaux » qu’il a dans le récit biblique. Cette étymologie, trouvée après coup, ne prouve pas la réalité du fait, dont elle prétend donner l’explication. De même, c’est pour glorifier leur libérateur que les Hébreux ont imaginé son adoption, fort invraisemblable en elle-même, par la fille du Pharaon et son éducation à la cour royale. On l’a fait aussi pour le même motif instruire dans la science et la sagesse des Égyptiens. Ses rapports réels [avec les Madianites et les Kénites (Cinéens) ont été enjolivés dans la légende de son voyage au pays de Madian et de son séjour auprès de Jéthro. Il avait peut-être épousé une femme d’une de ces tribus. La légende a fait de son beau-père le scheifc et le prêtre de la contrée. Dans ses relations avec les Kénites, Moïse apprit à connaître Jahvé, le dieu du Sinaï, à moins que, comme quelques-uns le pensent, Jahvé n’ait été déjà le dieu de sa famille ou de son clan, ou même, selon d’autres, des quelques tribus nomades israélites en contact avec les Kénites. Moïse aurait présenté à ses contribues ce dieu comme le dieu des ancêtres. Il aurait fait peut-être de la sortie d’Egypte une affaire de religion. De là la légende des apparitions de Jahvé à Moïse au désert du Sinaï et la mission divine de délivrer les siens.

La tradition historique de Moïse libérateur de son peuple a, aux yeux de la plupart des critiques, un fondement historique. Mais la fable s’y est jointe au point qu’il est difficile de discerner exactement les faits réels. Il pourrait se faire qu’il n’y eût à retenir que le fait seul