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MOÏSE

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Josèphe, Ant. jud., IV, viii, a défiguré le récit de la mort de Moïse. D’après lui, quand Moïse eut remis la loi aux prêtres, le peuple assemblé se mit à pleurer. En s’éloignant, Moïse fit signe qu’il ne fallait pas le pleurer et demanda à ceux qui étaient à côté de lui de ne pas le suivre. Seuls, Éléazar, Josué et les anciens l’accompagnèrent. Parvenu au sommet du mont Abarim, il congédia les anciens et embrassa Éléazar et Josué. Soudain, la mort se jeta sur lui ; on cessa de le voir, et il fut emporté dans une vallée étroite. Il a écrit lui-même qu’il était mort, pour qu’on ne crût pas que, à cause de sa grande vertu, il était allé à Dieu. Philon, Vita Mosis, 1. iii, p. 696, dit aussi que Moïse, encore vivant, a raconté sa mort prochaine. Il a été enseveli sans témoin par les puissances immortelles et il n’a pas de sépulcre. Les rabbins ont pris à la lettre l’expression : « Il mourut sur la bouche du Seigneur, » Deut., xxxiv, 5, et ils ont prétendu que l’âme de Moïse s’envola après un baiser de Dieu. Ils disent aussi que personne n’a été autant honoré après sa mort que Moïse, dont Dieu lui-même daigna s’occuper pour l’ensevelir dans" la vallée. Selon eux encore, il était pour ainsi dire étendu sur les ailes de la providence, lorsqu’il mourut à quatre milles du campement de la tribu de Ruben ; il a été enterré sur le territoire de la tribu de Gad. Deut., xxxiii, 21. Les anges de service et les Israélites dirent ensemble de Moïse : La paix viendra ; ils reposeront sur leurs couches ceux qui ont marché dans le droit chemin. Is., lvii, 2. Talmud de Jérusalem, traité Sota, i, 9, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 240, 242. Rabbi Abahou déclarait que Moïse s’était égaré et était monté au ciel, parce qu’il s’était dit fils de l’homme, lbid., traité Taanith, ii, 1, Paris, 1883, t. vi, p. 156. Dans VAssomption de Moïse, soi-disant dernier entretien du patriarche avec Josué, voir t. i, col. 759, il était parlé de l’altercation de l’archange Michel avec le diable au sujet du corps de Moïse. Selon quelques exégètes, l’apôtre saint Jude dans son Épître, 9, aurait emprunté à cette source apocryphe la mention de ce combat et notamment les paroles de l’archange : Imperet tibi Deus. Cf. Didyme, Enarrat. in epist. Judas, t. xxxix, col. 1814, 1815. Quelques écrivains ecclésiastiques ont connu cet apocryphe et ont extrait de la partie qui n’a pas encore été retrouvée des détails sur le trépas de Moïse. Origène, In Josue, hom. ii, 1, t. xii, col. 834, avait lu dans un petit livre qu’après la morl de Moïse, on avait vu deux Moïse, l’un vivant en esprit et l’autre à l’état de cadavre. Clément d’Alexandrie, Strom., vi, t. ix, col. 356-357, est plus précis. Josué vit en esprit deux Moïse, l’un enlevé avec les anges, l’autre emporté sur les montagnes pour être honorablement enseveli dans les vallées. Caleb avait eu la même vision, mais n’avait pas vu autant de choses que Josué. Il deseendit le premier et raconta ce qu’il avait vu ; Josué, descendu à son tour de la montagne, parla et du corps de Moïse et de la gloire de Moïse avec les anges ; il avait vu davantage, parce qu’il était plus pur. Ailleurs, Strom., i, 23, t. viii, col. 897, 900, Clément dit, selon les apocryphes, que Moïse après son enlèvement se nommait Mil%i. Dans une lettre à saint Augustin, Epist. t CLviii, n. 6, t. xxxiii, col. 695-696, Evode parle aussi des deux Moïse d’après les apocryphes, auxquels il n’accorde pas créance. Œcuménius, Comment, in Epist. Judse, t. cxix, col. 713, expliquant le combat de saint Michel avec Satan au sujet du corps de Moïse, rapporte que l’archange ensevelissant Moïse, en fut empêché par le diable qui reprochait à Moïse l’assassinat de l’Égyptien, crime pour lequel Moïse ne méritait pas une sépulture honorable. Voir Michel, col. 1071. Les rabbins ont imaginé toute sorte de légendes sur la mort de Moïse. Sur cette littérature légendaire, voir Schûrer, Geschichte des iûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, ’& édit., Leipzig, t. iii, 1898, p. 219-220. Le targum sur les hagiographes assure en deux endroits, Ps. lxviii ; Cant., i, 5,

que Moïse a été enlevé au ciel. Quelques Pères semblent croire ou affirment positivement que Moïse n’est pas mort, parce que, comme Hénoch et Elie, il conversa avec Jésus transfiguré. S. Hilaire de Poitiers, lnMatth., xx, 10, t. ix, col. 1032 ; S. Ambroise, De Cain et Abel, l, 2, n. 8, t. xiv, col. 319. S. Jérôme, Comment, in Amos, t. xxv, col, 1089, dit que Moïse était monté au ciel. Mais la plupart distinguent le trépas de Moïse de l’enlèvement d’Élie et ne parlent que de la translation de l’âme de Moïse au paradis. Les commentateurs pensent généralement que Dieu a permis que le tombeau de Moïse fût ignoré pour empêcher les Hébreux, trop enclins à l’idolâtrie, de rendre à leur libérateur des honneurs divins.

IV. Jugement sur Moïse. — 1° L’Écriture a fait à plusieurs reprises l’éloge de Moïse. Selon la finale du Deutéronome, xxxiv, 10-12, « il ne s’éleva jamais en Israël de prophète semblable à Moïse, qui ait vu le Seigneur face à face, ni qui ait fait des miracles et des prodiges pareils à ceux que Dieu opéra par son intermédiaire en Egypte devant le Pharaon, ses serviteurs et tout son royaume, ni qui ait agi avec un bras aussi puissant et exécuté des merveilles comparables à celles que fit Moïse en présence de tout Israël. » Cf. Act., vii, 36. L’auteur de l’Ecclésiastique, xlv, 1-6, a célébré l’amour que Dieu et les hommes ont eu pour Moïse. Dieu l’a glorifié devant les rois et lui a fait opérer des prodiges. Il l’a élevé devant son peuple, et à cause de sa foi et de sa douceur, l’a choisi comme son intermédiaire entre lui et Israël ; il en a fait le législateur d’Israël. La mémoire de Moïse est en bénédiction parmi les siens. L’épître aux Hébreux, iii, 1-6, a comparé Jésus, l’apôtre et le pontife de notre foi, à Moïse. Tous deux ont rempli avec fidélité leur mission dans la maison du Seigneur. La gloire de Jésus est cependant supérieure à celle de Moïse, parce que sa mission a été supérieure à la mission de Moïse. Dans la maison du Père céleste, Moïse n’était qu’un serviteur ; Jésus était le fils de la famille. Saint Paul a loué encore en Moïse sa foi ayant résisté à toute épreuve. Heb., xi, 23-29.

2° La mission de Moïse fut double : il a été le libérateur et le législateur de son peuple. Le souvenir de l’oppression des Israélites en Egypte et de leur délivrance miraculeuse par le ministère de Moïse est demeuré très vivant dans la tradition juive, et l’exode est un fait dont la vérité historique est indéniable. Cf. abbé de Broglie, Caractère historique de l’Exode, dans les Annales de philosophie chrétienne, mai 1887. Sur le rôle de Moïse comme législateur et sur les caractères de sa législation, voir Loi mosaïque, col. 329-347. Moïse a-t-il codifié cette législation et est-il l’auteur du Pentateuque ? Voir Pentateuque. Si l’on en croit le titre du Ps. lxxxix (héb. xc), ce chant serait une prière, tefillâh, de Moïse, homme de Dieu. Origène, adoptant en cela l’opinion des rabbins, attribuait encore à Moïse les onze Psaumes suivants, qui sont anonymes. Selecta in Psalmos, t. xii, col. 1056-1057. Cf. S. Hilaire de Poitiers, Tract, super Psalmos, prol., n. 3, 4, t. ix, col. 233-235. Les rabbins rapportaient, en effet, au même auteur tous les chants anonymes qui dans le Psautier succédaient à celui qui lui était attribué par le titreMais Cosmas Indicopleuste, Chronographia, 1. v, t. lxxxviii, col. 248, rapportait le Ps. xc à un chef de chœur, nommé Moïse, de l’époque de David. Sur l’Assomption de Moïse, voir t. i, col. 759, et sur l’Apocalypse de Moïse, ibid., col. 764765. Sur ces livres apocryphes et d’autres encore, attribués à Moïse, voir Fabricius, Codex pseudepigraphus V. T., Hambourg, 1722, t. i, p. 835-849 ; G. Brunet, Dictionnaire des apocryphes de Migne, Paris, 1858, t. ii, col. 623-631. James a publié une prière que Moïse aurait faite le jour de son décès. Apocrypha anecdota, dans Texts and Studies, Cambridge, 1893, t. ii, n. 3, p. 166173. Elle était imprimée déjà dans le Liber antiqui-