Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/624

Cette page n’a pas encore été corrigée
1193
1196
MOÏSE


rabbins, et prenant une pierre aiguë, elle circoncit son fils. Puis elle toucha ses pieds. De qui ? De Dieu, ou de son ange, présent sous une forme sensible, suivant le targum d’Onkelos ; mais plutôt ceux de Moïse ou de l’enfant, en faisant toucher, à dessein ou par hasard, du prépuce ou de la pierre ensanglantée les pieds de son mari ou de son fils. Targum de Jérusalem, loc. cit., p. 188. B, Bæntsch, Exodus, Gœttingue, 1903, p. 35, suppose que Moïse n’était pas circoncis (il interprète Jos., v, 9, dans le sens que les Israélites avaient cessé de circoncire leurs enfants pendant leur séjour en Egypte) et que Séphora fit toucher le prépuce de son fils aux pieds (euphémisme pour virilia) de son mari afin de lui appliquer le rite de la circoncision et le mettre à l’abri de la colère divine. Elle expliqua, en effet, son geste par ces paroles : « Vous m’êtes un époux de sang, » et Dieu laissa Moïse, quand elle eut dit ces paroles, à cause de la circoncision accomplie. Exod., iv, 25, 26. Quant à l’expression : « époux de sang, » les rabbins l’entendaient en deux sens différents. Selon une version, Séphora aurait dit à l’ange : « L’époux de sang (mon mari, pour qui j’ai circoncis mon fils et accompli l’alliance de sang), est recherché par loi, laisse-le-moi en vie. n Selon une autre, elle aurait dit à son fils : « Toi circoncis, grâce au sang versé, tu me restes vivant. » Talmud de Jérusalem, loc. cit., p. 187. Le mot arabe, hathan, signifie, en effet, « circoncis. » En outre, la phrase : « Et il le laissa, » qui est généralement entendue de Dieu qui, satisfait, épargna la vie de Moïse, est appliquée dans le Pentateuque samaritain à Moïse qui renvoya Séphora chez son père. Le P. de Hummelauer, Comment, in Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 63-64, nonobstant la forme masculine du verbe, l’entend de Séphora, qui quitta Moïse. Il veut ainsi rendre compte de l’absence de Séphora dans la suite du récit et de son retour mentionné Exod., xviii, 2.

Cependant Dieu ordonnait à Aaron d’aller à la rencontre de son frère. Aaron vint dans la région de l’Horeb et ayant rencontré Moïse, il le baisa. Moïse lui raconta la mission qu’il avait reçue de Dieu et les miracles qui s’étaient réalisés. Dès lors, Aaron fut le compagnon et l’interprète de son frère. Arrivés ensemble à la terre de Gessen, ils réunirent les anciens. Aaron leur rapporta tout ce que Dieu avait dit à Moïse et fit devant le peuple les miracles qui devaient confirmer la mission reçue. Le p juple crut et comprit que Dieu voulait le délivrer ; aussi tous se prosternèrent-ils devant Moïse et Aaron. Exod., iv, 27-31.

3° Moïse devant le Pharaon. — Reçus par le peuple, Moïse et Aaron remplissent auprès du roi d’Egypte la difficile mission dont Dieu les avait chargés. Au nom du Dieu d’Israël, ils demandent au Pharaon la liberté pour les Israélites d’aller dans le désert offrir un sacrifice. Pharaon, qui ne connaît pas le Dieu d’Israël, refuse l’autorisation demandée. Moïse et Aaron insistent et déclarent qu’ils doivent sacrifier au désert sous peine d’être punis par la peste ou par le glaive. Le roi ne voit dans cette demande qu’un moyen détourné de faire chômer les Israélites ; il congédie brutalement les deux frères et il surcharge les Israélites, exigeant la même quantité de briques, tout en refusant de fournir la paille nécessaire. Voir 1. 1, col. 1933. Les préposés des travaux furent battus de verges, parce que leurs ouvriers n’aboutissaient plus à satisfaire à la tâche imposée. Leurs réclamations ayant été vaines, ils se plaignirent amèrement à Moïse du sort que sa démarche leur avait attiré. Moïse, à son tour, se plaignit à Dieu que son intervention n’ait fait qu’aggraver les maux d’Israël. Exod., v, 1-23. Pour le réconforter, Dieu lui renouvela toutes ses promesses. Exod., vi, 1-8. Voir t. iii, col. 1233. Moïse le rapporta aux Israélites, qui ne l’écoutèrent point, - tant ils étaient accablés par l’angoisse et l’oppression. Exod., vi, 9. Dieu lui ordonna d’aller trouver de nouveau le Pharaon. Moïse,

rejeté par les Israélites, craint que le roi l’écoute moins encore, d’autant que ses lèvres sont incirconcises ; mais Dieu réitère ses ordres, Exod., vi, 10-13, 27-30. Aaron sera le prophète ou l’interprète de son frère. Dieu endurcira le cœur du Pharaon et multipliera les prodiges pour l’amollir. Il n’aboutira que par la sévérité ; mais les Égyptiens sentiront la puissance de son bras. Moïse et Aaron se soumirent aux ordres de Dieu. Moïse avait alors 80 ans. Exod., vit, 1-7. Artapan prétend que Moïse fut mis en prison par le roi d’Egypte, mais qu’il put s’échapper et parvenir auprès du Pharaon endormi. Il l’éveilla et lui dit à l’oreille le nom de Dieu ; le roi tomba aussitôt sans vie ; mais Moïse le ressuscita. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 900-901 ; Eusèbe, Prxp. evang., ix, 27, t. xxi, col. 733.

La suite du récit biblique nous apprend comment Moïse et Aaron remplirent leur mission auprès du Pharaon et par quels signes Dieu triompha de l’endurcissement du roi d’Egypte. Le premier prodige réalisé devant le roi fut le changement de la verge en serpent. C’est par la main d’Aaron qu’il eut lieu. Le Pharaon appela des sages et des magiciens, qui par leurs enchantements et les secrets de leur art changèrent, eux aussi, des verges en serpents. Voir t. ii, col. 1444, 1445 ; t. iv, col. 564. La tradition juive a conservé les noms de deux de ces magiciens, Jannès et Mambrès. II Tim., iii, 8. Voir t. iii, col. 1119 ; t. iv, col. 635-636. Ce prestige endurcit le cœur du roi, qui resta insensible à la demande de Moïse et d’Aaron. Exod., vii, 8-13. Alors Dieu résolut de trapper de plus grands coups, et le récit sacré rapporte dix miracles successifs, connus sous le nom de « plaies d’Egypte ». Ces événements, quoique conformes à des phénomènes naturels à l’Egypte, sont miraculeux et sont présentés comme des fléaux ou des calamités publiques. Même ceux qui rentrent dans la catégorie des faits qui se produisent tous les ans en Egypte apparaissent comme des prodiges divins par leur caractère extraordinaire ; ils ont lieu aussi au moment choisi et annoncé par Dieu. Ils ont toujours été considérés dans la Bible comme de véritables miracles de Dieu. Deut, vi, 22 ; vii, 18-20 ; xi, 3 ; xxix, 2-4 ; xxxiv, 11 ; Jos., xxiv, 5 ; Ps. civ, 26-38 ; cv, 12, 21-23 ; Act., vii, 36. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. ii, p. 305-313. On peut les partager en deux groupes : les uns sont des actes de vengeance ou des représailles par lesquels Dieu punit sévèrement le refus de laisser partir son peuple ; les autres sont plutôt des prodiges, des signes, par lesquels Moïse et Aaron légitiment leur mission divine, et que les magiciens ne peuvent imiter. C’est ou bien Aaron sur l’ordre de Moïse, ou bien Moïse sur l’ordre de Dieu, ou bien Dieu lui-même qui les accomplissent tour à tour. Les deux premiers sont imités par les magiciens, dont l’art est impuissant à reproduire le troisième. Ils sont aussi gradués et deviennent de plus en plus forts. Les trois premiers s’étendent à toute l’Egypte ; les suivants épargnent les Israélites. Les uns sont annoncés ; les autres arrivent soudain et sans avertissement préalable. L’ensemble constitue entre Dieu et le Pharaon un combat, dans lequel se manifeste la toute-puissance divine sur la nature entière. L’impression produite va aussi croissant : si les premiers prodiges laissent le roi insensible, les autres l’ébranlent, l’épouvantent et le dernier le terrifie et le fait céder, de sorte que le triomphe reste à Dieu.

1. La première plaie est celle de l’eau changée en sang. Elle a pour but d’amollir le cœur du roi et elle doit être annoncée au roi comme une preuve de la divinité du Dieu des Hébreux. Elle est opérée par la verge de Moïse et d’Aaron et elle a pour effet que l’eau du Nil et de ses bras, des canaux, des marais et dés réservoirs est changée en sang dans toute l’Egypte. Il ne s’agit pas

! du phénomène annuel, connu sous le nom de « Nil

rouge », voir Nil, mais du changement réel de l’eau en