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MOÏSE


s’enfuit au pays de Madian. Philon fait remarquer que le mécontentement du Pharaon ne provenait pas du meurtre accompli, le roi n’ayant pas un si grand respect de la vie de ses sujets, mais il lui déplaisait de constater que son petit-fils et successeur avait, au sujet de l’oppression des Israélites, des sentiments différents des siens. D’ailleurs, les grands du royaume calomnièrent Moïse, qui s’enfuit afin de mettre sa vie en sûreté. Cf. Artapan, dans Eusébe, -Prœp. eucmj7., ix, 27, t.xxi, col. 732. Les rabbins ajoutent d’autres fables et racontent comment Moïse avait été sauvé de l’épée du Pharaon. Selon les uns, l’épée rebondit sur le cou de Moïse et tua par contre-coup le bourreau. Selon d’autres, un ange prit la forme de Moïse et fut arrêté à sa place. Selon d’autres « ncore, tous les hommes du Pharaon devinrent sourds ou muets, ou aveugles, et ne purent renseigner leur maître sur Moïse. Talmud de Jérusalem, traité Berachoth, ix, 2, trad. Schwab, Paris, 1871, t. i, p. 155. Ignorant les mœurs du pays de Madian, il se cacha quelque temps. Fatigué, il s’assit auprès d’un puits, Exod., Il, 15, n’osant pas entrer dans la ville de Madian, malgré la faim qui le tourmentait. Josèphe, Ant. jud., II, xi, 1.

Les sept filles de Raguël ou Jéthro, voir t. iii, col. 15211522, vinrent au puits abreuver les troupeaux de leur père. Des bergers survenant les en empêchèrent. Moïse se levant prit la déiense des bergères et fit boire leurs brebis. De retour chez leur père, elles louèrent la belle conduite de l’Égyptien qui était venu à leur aide. Raguël l’envoya chercher et lui offrit l’hospitalité. Moïse consentit à demeurer avec lui ; il épousa une de ses filles, la plus belle, dit Philon, nommée Séphora. Elle lui donna un fils, qu’il appela Gersam. Exod., H, 16-22. Voirt iii, col. 213. La Vulgate, Exod., Il, 22, mentionne immédiatement après la naissance d’Éliézer, second fils de Moïse ; mais le texte hébreu ne contient pas_ à cet endroit cette mention, qui probablement a été empruntée à Exod., xviii, 4. Si, comme le dit saint Etienne, Act., vii, 30, Moïse passa 40 années au pays de Madian, il faut en conclure qu’il servit Raguël plusieurs années avant d’épouser Séphora ou que celle-ci n’enfanta Gersam qu’après un certain nombre d’années de mariage, puisque Gersam était encore petit enfant quand son père retourna en Egypte. Exod., iv, 20. Moïse eut la garde des troupeaux de son beau-père, et Philon admire dans < ; ette circonstance la sollicitude de la Providence qui faisait ainsi faire à Moïse l’apprentissage du gouvernement des hommes.

II. Mission de Moïse. — 1° Dieu la révèle. — Longtemps après la fuite de Moïse, Exod., ii, 23, après 40 ans, Act., ii, 30, puisque Moïse avait 80 ans quand il se présenta devant le Pharaon, Exod., vii, 7, le roi d’Egypte, dont la fille avait adopté Moïse, mourut. Les Israélites qu’il avait opprimés crièrent vers le ciel, et au souvenir de son alliance avec leurs pères, Dieu eut pitié d’eux. Exod., ii, 23-25. Or, dans ces conjonctures, Moïse, qui faisait paître le troupeau de son beau-père, le conduisit au fond du désert et parvint au mont Horeb. Exod., iii, 1. Voir t. iii, col. 753. Dieu (ou son ange) lui apparut dans un buisson ardent, qui ne se consumait pas. Exod., iii, 2. Voir t. i, col. 1969-1970. Attiré par cette merveille, Moïse s’approcha pour s’en rendre compte ; mais Dieu lui interdit d’avancer plus loin et lui ordonna d’ôler ses sandales, parce que le lieu que ses pieds foulaient était une terre sainte. Exod., iii, 3-5. Dieu se fit connaître à lui comme le Dieu de ses pères, et Moïse se cacha le visage, n’osant regarder le Seigneur. Il lui annonce ensuite qu’il l’a choisi pour délivrer son peuple de l’oppression d’Egypte et pour le conduire au pays des Chananéens. Exod., iii, 6-10 ; Act., vii, 30-35. Moïse décline modestement cet honneur ; mais Dieu lui promet son assistance et l’assure du succès de sa mission, eu lui donnant l’ordre de lui faire offrir, après la déli vrance de son peuple, un sacrifice sur le mont Horeb. Exod., iii, 11, 12. Moïse accepte la mission qui lui est confiée ; mais il demande quel est le nom de ce Dieu qui l’envoie. Dieu lui révèle alors son nom. Exod., iir, 13-15. Voir t. iii, col. 1223-1233. C’est au nom de ce Dieu que Moïse annoncera aux anciens du peuple la mission dont il est chargé. Ils l’écouteront et ils iront avec lui demander, au nom de leur Dieu ? au Pharaon d’aller à trois journées de chemin dans le désert pour offrir un sacrifice. Le Pharaon ne cédera que par la force ; mais Dieu frappera l’Egypte de grands coups. Les Égyptiens laisseront enfin partir les Hébreux et leur feront de grands présents. Exod., iii, 16-22.

Moïse craint de nouveau de ne pas être cru par les siens. Dieu détruit sa résistance par des actes et lui fait produire les signes qui attesteront sa mission divine. La verge qu’il tenait à la main est changée en serpent, à l’aspect duquel Moïse prend la fuite. Dieu lui ordonne de saisir par la queue ce serpent qui redevient verge. La main de Moïse, mise dans son sein, se couvre de lèpre, et remise une seconde fois dans son sein, reprend son état naturel. Si ces deux signes, réalisés sur place, ne suffisent pas à convaincre les Israélites, Dieu dit à Moïse qu’il pourra changer l’eau en sang. Exod., iv, 1-9. Moïse recourt encore à un dernier refuge. If n’a jamais eu de facilité de parler, vraisemblablement par suite d’un défaut naturel qui rend sa langue épaisse (d’après Philon, sa voix était grêle et sa parole lente} ; mais depuis que Dieu converse avec lui, sa langue est encore moins libre et plus empêchée. Dieu lui rappelle sa puissance créatrice et lui promet de l’assister spécialement et de lui apprendre ce qu’il devra dire. Moïse récuse encore la mission et prie Dieu d’en charger un autre. Dieu s’irrite de tant de résistance. Il donne à Moïse un aide. Aaron, son frère, qui est éloquent, viendra à sa rencontre et parlera à. sa place ; il sera auprès du peuple son porte-parole et Moïse lui suggérera ce qu’il devra dire. Enfin, Dieu commande à Moïse d’emporter la verge, avec laquelle il opérera des miracles. Exod., iv, 10-17.

2° Moïse exécute sa mission. — Moïse retourne donc chez son beau-père, et sans lui divulguer la mission divine dont il était chargé, il lui annonce seulement qu’il retourne en Egypte voir si ses frères sont encore en vie. Les rabbins, Talmud de Jérusalem, traité Nedarim, ix, 1, trad. Schwab, Paris, 1886, t. viii, p. 226, ont conclu que le vœu, fait par Moïse, de demeurer toujours chez Jéthro, avait été annulé pour une cause survenue postérieurement. Jéthro laisse partir son gendre en paix. Moïse prend avec lui Séphora, sa femme, et ses fils, dit le texte actuel ; mais si la naissance d’Éliézer, Exod., ii, 22, est une addition, le récit original n’aurait parlé que de Gersam, et Moïse n’aurait eu alors qu’un fils, le seul mentionné. Exod., iv, 25. La mère et l’enfant étaient sur un âne, et Moïse tenait dans sa main la verge miraculeuse. Au début de son voyage, Dieu. lui prédit l’endurcissement du Pharaon, qui ne sera vaincu que par la mort de son fils aîné. Exod., iv, 18-23. En cours de route survint un incident sur lequel nous ne sommes pas clairement renseignés. Durant une halte de nuit, le Seigneur se jeta sur Moïse pour le tuer. Exod., iv, 24. Le récit biblique ne dit explicitement ni pourquoi ni comment. Mais du contexte on conclut que la menace divine était provoquée par le fait que Gersam n’avait pas été circoncis. Le targum de Jérusalem a imaginé que Jéthro s’était opposé à la circoncision de son petit-fils. Les rabbins ne pouvaient admettre que Moïse ait négligé de remplir ce devoir ; ils ont supposé que son unique tort fut de retarder la circoncision soit avant son départ de Madian, soit à cette halte en remettant l’opératfon au lendemain. Talmud de Jérusalem, traité Nedarim, iii, 10, ibid., p. 187. Séphora comprit la raison du danger que courait son mari ou son enfant, d’après les mêmes