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MOÏSE


d’accord avec le texte sacré, cette intervention de Marie est racontée dans l’Exode, ii, 7, 8. La fille du roi confia l’enfant à sa mère, comme, s’il lui était étranger ; elle lui recommanda de le nourrir et lui promit un salaire. Cf. Act., vii, 21. La mère prit son fils avec joie et l’éleva. Philon signale le soin mis par la Providence de confier à la famille la première éducation du futur libérateur d’Israël. Voir t. iii, col. 1580. Quand l’enfant fut assez fort, quand il eut trois ans, selon Josèphe, An t. jud., Il, ix, 6, quand il fut sevré, vers trois ou quatre ans, selon Philon et les commentateurs, cf. Gen., xxr, ’8, sa mère le rendit à la fille du roi, qui l’adopta. Exod., ii, 9, 10. L’enfant était plus grand que ne le sont les enfants de son âge ; il était beau et bien fait. La fille du roi, au dire de Philon, avait simulé une grossesse en vue de faire passer son fils adoptif pour son véritable fils. Suivant Josèphe, Ant. jud., Il, ix, 7, elle le présenta à son père, à qui elle le proposa comme son successeur au trône, si elle n’avait pas elle-même de fils. Elle déposa l’enfant dans les bras du roi, qui le serra sur sa poitrine et lui mit son diadème sur la tête. Mais l’enfant jeta bas le diadème royal et le foula aux pieds. Cet acte fut regardé comme un mauvais présage pouf l’Egypte, et un scribe fit une prédiction de malheur. Pour effacer la fâcheuse impression produite sur le roi par ces incidents, Thermutis emporta bien vite son fils adoptif. Ce sont là des fables inventées plus tard par les Juifs.

3° Nom. — En adoptant l’enfant hébreu, la fille du roi lui donna un nom. Elle le nomma ntfa, MôSé/i, « parce que, dit-elle, je l’ai sauvé de l’eau. » Exod., ii, 10. Le récit de l’Exode rattache ainsi le nom de Moïse à la racine hébraïque nuro, mdsdh, employée à la forme hiphil. II Sam., xxii, 17 ; Ps. xviii, 17. Mais les critiques modernes rejettent cette étymologie pour deux raisons : 1° parce que la forme active du nom de Moïse signifie : « sauveur » et non « sauvé » ; 2° parce que la fille du Pharaon, ne parlant pas hébreu, n’a pu donner à ce nom la dérivation et la signification indiquées dans l’Exode. Le nom de Moïse a donc plutôt, selon eux, une origine égyptienne. Les Juifs alexandrins s’en rendaient compte ; aussi ont-ils recherché dans la langue copte l’étymologie de ce nom. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 6, faisait dériver le nom de Moïse de deux mots égyptiens : (tu, signifiant « eau », et ùariç, signifiant « sauvé », et il arrivait ainsi à la signification de l’Exode ; Moïse voulait dire « sauvé des eaux ». Ailleurs, Cont. Apio ?i., 1. I, n. 31, il indique seulement la dérivation de lq’j, « eau », en gardant le même sens - : èx toû uSa-roç (KoGévxa. Philon, De vita Mosis, p. 605, tient le nom de Moïse pour un nom égyptien qui signifie : « sauvé des eaux, » [iw ; désignant l’eau. Cf. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 897 ; Eusèbe, Pr$pp, evang., ix, 27, t. xxi, col. 729. Eusèbe cite Artapan qui dit que les Juifs appelèrent Mouaaîov celui que la fille du roi avait nommé Mwuuov. Plusieurs savants maintiennent encore cette dérivation et font provenir le nom de ntfD de mu, t. eau, » et de ses, « tirer. » La plupart des égyptologues pensent aujourd’hui que nufn est la transcription hébraïque du mot égyptien mes, ’mesu, qui signifie « enfant » et qui était employé à l’état isolé ou en composition comme dans les noms propres Amosis, Tuthmosis. Ils se demandent seulement si la fille du roi égyptien s’est bornée à appeler son fils adoptif nies, l’enfant, cf. Exod., n, 6, ou si elle avait fait entrer dans son nom celui de quelque divinité égyptienne, qui serait tombé plus tard pour écarter toute allusion idolâtrique du nom du libérateur d’Israël. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 824. — Quoi qu’il en soit de l’étymologie, les Hébreux ont conservé à leurlibérateur le nom égyptien que sa mère d’adoption lui avait donné. On ignore quel nom ses parents lui avaient imposé à la circoncision, et si ce nom était vraiment

Joachim, comme le prétend une tradition juive recueillie par Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 897. Manéthon, cité par Josèphe, Cont. Apion., i, 26, 28, prétendait que le législateur des Hébreux était un prêtre d’Héliopolis, nommé’Oaapaitf, nom dérivé de la divinité Osiris, et que, changeant son nom, il s’était fait appeler MMÙ’crijç. Manéthon ajoutait, d’ailleurs, que ce prêtre, lépreux lui-même, s’était mis à la tête des lépreux relégués par les Egyptiens et s’était révolté contre l’Egypte. Voir col. 179.

4° Éducation. — La tradition juive, Act., vii, 22, rapporte que Moïse, à la cour royale, fut élevé dans toute la sagesse des Égyptiens, et qu’il était puissant en paroles et en œuvres. Philon, De vita Mosis, i, p. 606, énumère complaisamment les sciences que Moïse aurait étudiées, même la doctrine occulte des Égyptiens, cachée sous les hiéroglyphes, et les sciences des Chaldéens et des Assyriens. Il vante aussi les vertus de ce jeune homme, qui était regardé comme le petit-fils du roi et son successeur, qui demeura chaste et modeste au milieu des richesses et des plaisirs, et qui se conduisait comme un philosophe digne de ce nom. Eupolème, cité par Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 900, et par Eusèbe, Preep. evang., ix, 26, t. xxi, col. 728, fait de Moïse un sage, qui le premier connut l’alphabet et la grammaire. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 7, ajoute que les Hébreux mettaient en lui leur espérance, tandis que les Égyptiens se tenaient en défiance. Il raconte ensuite, ibid., x, 1, 2, que Moïse fut placé par le roi à la tête de l’armée égyptienne pour marcher contre les Éthiopiens. Les Égyptiens pensaient le faire périr dans cette guerre. Moïse sut habilement garantir son armée contre les morsures des serpents, gagna une bataille et mit le siège devant Saba, qui fut plus tard Méroé. Tarbis, la fille du roi éthiopien, s’éprit d’amour pour lui et lui fit proposer de l’épouser. Moïse accepta sa main et revint victorieux en Egypte. Cf. Artapan, dans Eusèbe, Preep. evang., ix, 27, t. xxi, col. 729. On ne peut faire aucun fonds sur ces renseignements.

5* Fuite au pays de Madian. — Lorsqu’il fut devenu homme, Exod., ii, 11, âgé de 40 ans d’après saint Etienne, Act., vii, 23, Moïse sortit pour visiter ses frères, les fils d’Israël. Le diacre Etienne a compris cette démarche, non pas d’une visite passagère, mais bien d’une résolution définitive de partager leur sort. L’Épltre aux Hébreux, xi, 24-26, célèbre la foi de Moïse qui le pousse à renoncer à l’adoption royale de la fille du Pharaon et à préférer aux richesses et aux plaisirs de la cour l’affliction des siens, dans l’espoir de la récompense divine. Moïse constata l’oppression des Israélites, et Philon ajoute que, ne pouvant empêcher les sévices, il consolait les malheureux opprimés. Ayant vu un Égyptien maltraiter un de ses frères, il le tua et l’ensevelit dans le sable. Eupolème rapporte, d’après les apocryphes, que Moïse tua l’Égyptien Xôya) [lovto, « par sa seule parole, s Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 900. Il se croyait seul et sans témoin, quand il accomplit cet homicide, cédant à un mouvement d’indignation que saint Augustin, Cont. Faustum, xxii, 70, t. xlii, col. 444, n’excuse pas complètement. Au jugement de saint Etienne, Act., vii, 24, 25, Moïse, en frappant l’Égyptien oppresseur, pensait que ses frères comprendraient que Dieu voulait les sauver par son moyen ; mais ils ne le comprirent pas. En effet, cet acte de justice avait été remarqué. Moïse le sut le lendemain, quand, s’interposant entre deux Hébreux qui se querellaient, le coupable lui reprocha cette ingérence et lui demanda qui l’avait constitué chef et juge sur eux, ajoutant : « Est-ce que tu veux me tuer comme tu as tué hier l’Égyptien ? » Moïse [eut peur lorsqu’il se vit ainsi découvert. Exod., n, 11-14 ; Act., vii, 2f>28. Le Pharaon, probablement Ramsès TI (voir ce nom), apprit ce qui s’était passé, et il cherchait à faire mourir Moïse. Mais celui-ci se cacha et