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ports de Moab avec les Romains remontent à la-venue de Pompée à Damas (63 av. J.-C). Damas était alors la Capitale du royaume arabe-nabathéen, dont Moab faisait partie. Le roi Arétas II y avait établi son siège, appelé par les Damasquins, après la mort d’Antioçhus Denys, tandis qu’Alexandre Jannée régnait en Judée. Ant. jud., XIII, xv, 2. Les Komains s’étaient contentés alors de soumettre l’Arabie au tribut et Moab ne les vit pas encore. Gabinius paraît être le premier d’entre eux qui mit le pied Sur la terre de Moab, quand il poursuivait Alexandre, fils d’Aristobule. Bassus abandonna, semblei-il, aux Arabes, la région où il venait d’exterminer les Juifs. Ce fut Trajan qui réduisit définitivement l’Arabie, qui comprenait le pays de Moab, en province romaine (106). Bell, jud., IV, viii, 1. — De cette époque datent le commencement de l’administration du pays par ce peuple, l’établissement des colonies étrangères et l’expansion de la civilisation occidentale dont on retrouve les nombreuses traces dans toute la contrée. — Avant les Romains, les Grecs, il est vrai, avaient couvert de leurs colonies et de leurs établissements les régions voisines de Basan, de Galaad et d’Ammon, mais ils ne paraissent pas avoir eu aucun établissement important en Moab. Si l’on excepte quelques œuvres des Asmonéens et les travaux d’Hérode à Hésébon, à Liviade et à Machéronte, c’est encore par les Romains, disciples des Grecs, et par les Byzantins que la terre de Moab s’est embellie de monuments et de fondations marquées à l’empreinte de l’art et de la civilisation helléniques. Le plus grand nombre des œuvres des Arabes paraissent exécutées sous l’influence du prestige romain. Prolongée par les empereurs de Constantinople, la domination romaine s’exerça jusqu’au temps de l’invasion musulmane (325-635).

II. im christianisme en moab. — Parallèlement à la civilisation gréco-romaine se développait en Moab une autre civilisation plus grande et plus noble dans son expression, plus importante et plus salutaire dans ses effets, la civilisation morale.et religieuse du christianisme. La terre de Moab en fut le berceau simultanément avec la Judée et la Galilée. Théâtre principal des prédications du Précurseur et école où se préparèrent les premiers apôtres, Pierre et André, pour s’attacher à Jésus lors de son baptême, elle fut encore témoin de la première manifestation publique du Messie et Rédempteur aux hommes et de l’inauguration de son ministère évangélique. Joa., i, 19-40, Ce que dit l’Évangéliste du séjour du Sauveur, à la fin de sa carrière, « à Béthanie au delà du Jourdain, » c’est-à-dire en cette même région de Moab, où un grand nombre vinrent l’entendre et « crurent en lui », Joa., x, 40-42 ; cf. i, 28, ne permet pas de douter que sa prédication n’y ait laissé des disciples. Le pays de Moab fut vraisemblablement évangélisé, deux ou trois ans plus tard, par le converti Saul, qui deviendra l’apôtre des nations sous le nom de Paul. Après s’être échappé de Damas, Saul passa en effet en Arabie, Gal., I, 17, et le pays de Moab était l’endroit de l’Arabie où résidaient principalement les Juifs auxquels Saul s’adressait à cette époque. Cf. Act., IX, 20, 22 ; XHI, 46. De bonne heure du moins, cette contrée vit se former chez elle d’importantes églises judéo-chrétiennes, car selon le témoignage de saint Épiphane, Adv. hier., t. xxi, col. 436, la Moabitide et la Nabathée furent les principales régions où se recruta et se développa la secte des Ébionites.

— Au IVe siècle, la Moabitide était tout entière couverte d’innombrables communautés chrétiennes groupées autour des sièges épiscopaux d’Hésébon, de Médaba, de Liviade, de Rabbath-Moba, de Kérak-Moba, de Zoara et quelques autres moins célèbres. Cf. S. Jérôme, In Is., xvi, 1, t. xxv, col. 176 ; Reland, Palxstina, p. 212-224 ; Lequien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. iii, p. 698734. Coraiatha, l’ancienne Cariathaïm, était une des rares localités de cette époque formées exclusivement de chré tiens. Eusèbe, Onomasticon, édit. LarSow et Parthey, Berlin, 1862, p. 25. Les nombreuses églises de Médaba, dont les ruines témoignent de la splendeur, indiquent combien florissantes étaient ces chrétientés. Voir MÉ-DABA, col. 902. À côté des sanctuaire^ de Bethabara, de Liviade, du mont Nébo, et d’autres établis pour consacrer leurs souvenirs bibliques et évangéliques, s’étaient élevés de vastes monastères où se perpétuait la vie de prière, de sacrifice et de sainteté. Les pèlerins y accouraient des contrées les plus lointaines, pour se fortifier dans la foi et la vertu, à la vue des saints exemples et par la méditation des récits de l’Écriture dont ces lieux virent se dérouler les événements. Voir Bethabara, t. i, col. 1649-1650 ; Béthaban, t. i, col. 1664-1665, et Nébo (Mont). Cependant, l’excessive prospérité temporelle ne devait pas tarder à produire en Moab, comme dans le reste de l’empire, le relâchement des mœurs (cf. S. Grégoire de Nysse, Ep. ii, De his qui adeunt Jerosol., t. xlvi, col. 1012-1013) et à sa suite, l’insouciance, l’imprévoyance et la faiblesse qui devaient ouvrir le pays à une nouvelle invasion : celle de l’islam. Par elle devait s’achever la ruine de Moab et se réaliser les derniers traits du tableau de désolation tracé par les prophètes d’Israël.

/II. la conquête MUSULMANE. — Situé sur la limite du Hedjâz, et frontière de l’Empire au midi, le pays de Moab devait être le premier à subir les attaques des armes musulmanes. Dès l’an 8 de l’hégire (629), Mahomet avait dirigé une première expédition contre la Belqà. Ses guerriers avaient été complètement défaits à Môtéh. Une seconde expédition avait été arrêtée dans sa marche par la mort du prophète (632). Abou Bekr confia la direction d’une troisième à Khàlid ben Sa’id (634). Le général musulman fut à peine arrêté dans sa marche par la résistance des Arabes chrétiens de la contrée, et il vint fixer son camp à la hauteur de Qastal, au nord de Médaba, près de la frontière septentrionale antique de Moab. Yazîd et Abou Obeidah, avec les nouvelles troupes réclamées par Khâlid, vinrent.achever rapidement l’occupation de toute la contrée, dont la victoire décisive de Yarmouk, sur les troupes d’Héraclius, devait assurer à l’islam la tranquille possession (636). Cf. Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes, Paris, 1847, t. iii, p. 211-214, 313-322, 422-448. — La prospérité matérielle ne disparut cependant pas immédiatement du pays de Moab. Les descriptions des géographes arabes, la liste des produits et les statistiques des revenus des khalifes attestent que jusqu’au sile siècle l’agriculture et les diverses industries qui s’y rattachent n’étaient guère moins florissantes qu’aux époques antérieures.

En 1100, Godefroy de Bouillon, ayant fait une incursion dans la région, en avait ramené d’innombrables troupeaux. Guillaume de Tyr, Historia rerum transmarinorum, 1. IX, c. xxii, t. cci, col. 453-454. De même le roi Baudouin I er pénétra deux fois dans la Moabitide, et pour soustraire les chrétiens de la contrée aux vexations des princes musulmans, en même temps que pour peupler sa capitale presque déserte, il leur proposa de venir à Jérusalem, ce que firent un grand nombre en venant s’y établir avec leur famille, leurs richesses et leurs troupeaux, Id., ibid., . X, c. viii, xi, col. 463, 464 ; 1. XI, c. xxvii, col. 514-516. La principauté du Kérak établie en 1136, en plaçant le pays sous la sauvegarde des Francs, mit ses habitants à l’ahri des attaques du côté de la Syrie et de l’Egypte et des incursions des Bédouins, et en retarda un instant la déchéance. La capitulation de Kérak, en 1188, livra bientôt le pays aux compétitions des princes de Damas et du Caire. La décadence ne pouvait manquer de marcher rapidement. L’occupation de la Syrie par les Turcs (1517) fut le signal de la ruine totale. Laissé, avec les contrées voisines, à des gouverneurs ayant leur résidence à Damas, et dont l’unique souci était de rançonner les populations, il n’y eut plus