Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/607

Cette page n’a pas encore été corrigée
1161
1162
MOAB


(fig. 302, col. 1173), est une ruine située entre le Môdjeb et le Zerqâ-Ma’în, et distante, au sud-ouest, de Il kilomètres de’Atâr-ûs et de 25 de Médaba. Cette ville est célèbre par la mort du Précurseur et la résistance acharnée qu’elle opposa aux Romains.

Prophétisant les malheurs de Moab, Jérémie lui annonçait que la dévastation passerait par toutes ses villes et qu’aucune n’y échapperait, xlviii, 8. La prophétie s’est réalisée à la lettre, La seule ville qui pendant ces derniers siècles semble avoir conservé d’une manière à peu près constante une petite population, le Kérak, malgré la force de sa situation a été plusieurs fois prise et dévastée ; elle ressemblait d’ailleurs, à cause’du caractère sauvage de ses habitants seminomades, plutôt à un repaire de bandits qu’à une ville. Toutes les autres, nulle exceptée, ont été ruinées et sont demeurées des monceaux de décombres. Depuis trente ans seulement, Médaba a commencé à se relever, et quelques paysans, établis au milieu des ruines de Râméh et de Djelûd, ou, au sud du Môdjeb, à Môtéh, à el-Khanzîréh, à Qatrabbéh, à Mezra’et à Dera’, en ont formé de tout petits villages, pauvres et misérables. Ce sont à peu près toutes les localités habitées actuellement ; les autres restent la demeure des bêtes du désert et des reptiles.

VI. monuments et bêbRIS. — Dans plusieurs des principales villes anciennes de Moab, à Hésébon, à Médaba, à Rabbah, à Chihàn, au Kérak, il n’est pas rare de rencontrer des colonnes entières ou en tronçons, des chapiteaux d’ordres divers, des pierres avec moulures, des inscriptions, des pavés en mosaïque aux dessins les plus variés et les plus artistiques. Dans ce dernier genre, la mosaïque-carte de Médaba représentant la Terre Promise avec le pays de Moab et les alentours est le plus curieux. Ces débris ont appartenu les uns à des demeures particulières, les autres à des édifices publics, portiques ou colonnades, temples, basiliques et églises. La plupart sont l’œuvre des habitants de race gréco-romaine qui depuis l’invasion des Macédoniens se sont, à diverses époques, répandus dans le pays de Moab. Plusieurs d’entre ces restes, mais dont il n’est pas facile de discerner l’origine, sont dus sans doute soit aux Arabes Nabuthéens, Ghassanides, Sassanides ou autres, qui depuis l’affaiblissement de la race moabite ont envahi peu à peu tout le pays, soit aux Juifs de l’époque asmonéenne ou hérodienne, soit quelques-uns aux Moabites eux-mêmes de l’époque ancienne.

— - Les œuvres qu’il faut faire remonter à ceux-ci sont certainement cette multitude de citernes entièrement creusées dans le roc et dont toutes les villes de Moab étaient abondamment pourvues ; et probablement les piscines les plus antiques, comme celles d’Hésébon, de Dibân, de Kérak. L’inscription de la pierre de Dibân signale plusieurs travaux utilitaires de ce genre exécutés par les ordres du roi Mésa. Cette dernière ville avait aussi un palais royal et un Qarhah où fut dressée la stèle aujourd’hui au Louvre, dont l’inscription fait le récit de ces travaux. S’agit-il d’un temple et les villes de Moab en possédaient-elles ? C’est douteux. Le nom paraît plulôt désigner une terrasse, une plate-forme à -ciel ouvert, entourée vraisemblablement d’une muraille. Les édifices sacrés des peuples primitifs étaient le plus souvent des enceintes de pierres brutes ordinairement rangées en cercle, des stèles informes étaient leurs statues, et des blocs grossièrement taillés et disposés en table leur servaient d’autels. Ce sont des monuments de cette sorte qui sont indiqués au livre des Nombres, xxii, 41, et xxiii, où il est raconté comment Balac, sur la demande de Balaam, fit élever sept autels pour y immoler des victimes. On en retrouve d’innombrables à travers tout le pays de Moab, mais spécialement aux alentours du mont Nébo, précisément là où devaient se trouver Jes hauts lieux (bàmôt) de Baal et où le roi de Moab con duisit Balaam pour lui faire maudire Israël. Un grand nombre d’autres se voient encore sur les premières collines aux abords du Ghôr, à l’est de Râméh et de Kefrein, là même où les filles de Madian et de Moab invitaient les Israélites au culte impur de Béélphégor. Num., xxv. Sans doute Variel ou l’autel mentionné par l’inscription de Dibân, le Qarhah, et la stèle^elle-même étaient des ouvrages moins imparfaits, mais c’était là probablement des exceptions. Les œuvres d’art et d’architecture ne durent pas être nombreuses en Moab : sa population, même celle de ses villes, était essentiellement vouée aux travaux de la vie agricole et pastorale et ne formait pas un peuple d’artistes.

vu. châteaux bt camps fortifiés. — Un genre de constructions, non pas exclusif au pays de Moab, mais qui s’y rencontre plus nombreux et plus remarquable que partout ailleurs, est celui du Qa$r, appelé encore Qal’ah. Ces « châteaux » sont d’immenses casernes fortifiées, ou plutôt ce sont des villes militaires, occupant souvent plus d’espace qu’une ville antique, avec des rues, des places, des magasins, des édifices publics, et munies de remparts et de tours. On les rencontre fréquemment dans l’intérieur du pays, mais surtout sur la frontière du désert où ils formaient un système serré de défense, pour protéger le pays contre l’invasion des nomades. Ceux de Zîzâ, de Belqâ, de Balû’a, de Qatrannéh, de Qaralfù, d’et-Tamrà, A’el-Khâdem, et une multitude d’autres, sont connus. Plusieurs se font remarquer par la force et la beauté de leurs murailles. Celui de’Amra, assez avancé dans le désert, est orné de peintures à fresque ; celui de Mechitta se faisait admirer par sa façade, depuis peu transportée tout entière à Berlin, et recouverte de ciselures d’uue incomparable finesse. Cf. Aloïs Musil, Kûsejr’Amra und andere Schlôsser ôstlich von Moab, in-8°, Vienne, 1902. Le plus grand nombre de ces châteaux paraissent construits par les Arabes, à diverses époques. Quelquesuns, comme celui d’el-Ledjjûn, accusent manifestement le travail des Romains. Eusèbe et saint Jérôme font d’ailleurs mention de tppoûpia aipcmomY.i, prsesidia militum romanorum, établis de toute part, sur les deux côtés de l’Arnon, et spécialement de ceux de Mephaat et de Ségor ou Zoara. Onomastic, p. 62, 63, 94, 95, 288, 289. La forteresse.de’Araq el-Émir, près de Sûr (Tyr), au nord de Besbân, fut fondée par Hyrcan, fils de Joseph. Ant. jud., XII, iv, 11. Le château de Machéronte, relevé par les Asmonéens, remontait, semble-t-il, à une époque bien plus reculée. Cf. Ant. jud., XIV, v, 2-4 ; XIV, vi, 6. Comme celui de Mephaath, il avait sans doute succédé à quelqu’une des anciennes villes fortifiées de Moab. Ces « villes fortifiées », ’ârê ham-mibsdr, opposées aux gidrôft’ôn, « parcs des troupeaux, » Num., xxxii, 16-17, ou villes ouvertes de la campagne, qu’étaient-elles d’ailleurs, sinon des camps retranchés ou des châteaux ?

vin. routes. — Toutes les villes et localités de Moab étaient reliées par des voies publiques de communication. Moïse, demandant au roi Séhon, maître alors de Moab septentrional, de pouvoir passer sur son territoire pour se rendre avec les Israélites à la terre de Chanaan, lui disait par ses ambassadeurs : « Je vous en prie, laissez-moi passer par votre pays. Nous ne passerons ni par vos champs ni par vos vignes… ; nous suivrons la route royale (dérék ham-wiélek), jusqu’à ce que nous soyons hors de votre territoire. » Num., XXI, 22. La route royale était, selon toute apparence, un espace de terrain réservé pour le passage, large de 4 à 5 mètres, bordé de pierres des deux côtés et considéré comme propriété personnelle du roi, pour que personne n’eût l’audace de couper les chemins et de les annexer à ses champs. Les chemins de cette nature que l’on voit dans le même pays sont désignés comme autrefois du titre de « routes du roi », %arlq ou derb es-Sulfân. Les princes obligeaient leurs prisonniers de guerre, par-