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MIRACLE

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n’ont pas de peine à se rendre compte de la transformation survenue dans la personne du Sauveur. Matth., xvii, 2. Après la résurrection, le corps de Notre-Seigneur n’est certainement plus dans la condition antérieure ; il est devenu comme spirituel et échappe aux lois naturelles qui régissent les êtres matériels. Il n’en est pas moins certain qu’on peut le voir et le toucher, et qu’avec ce corps ressuscité, que les Apôtres ne trouvent plus dans le tombeau et qui porte encore les traces de la passion, Jèsus-Christ accomplit dès actes qui produisent sur les sens des autres hommes la même impression que les actes antérieurs à sa mort. Matth., xxviii, 9 ; Luc, xxiv, 15-30 ; Joa., xx, 17 ; Luc, xxiv, 44-42 ; Joa., xx, 27, etc. Les faits miraculeux ne sont donc nullement soustraits, daus leur matérialité sensible, à l’observation naturelle. Ils sont constatables, absolument au même titre que les faits les plus naturels.

3. Le fait matériel une fois constaté, la raison humaine se préoccupe d’en rechercher la cause. C’est ce que ne manquent pas de faire les témoins. Ils reconnaissent alors que l’effet n’est en proportion avec aucune cause naturelle et ils le proclament. À la vue des miracles opérés sous leurs yeux, les magiciens d’Egypte, qui se connaissent en merveilles surnaturelles, s’écrient : « Le doigt de Dieu est là. » Exod., viii, 19. Nabuchodonosor tire la même conclusion lorsque Daniel lui rappelle le songe qu’il avait oublié. Dan., H, 47. Les Apôtres sont saisis d’étonnement à la vue de la tempête subitement apaisée. Matth., viii, 27 ; Marc, IV, 40 ; Luc, viii, 25. L’aveugle-né, après sa guérison, conclut judicieusement que celui qui l’a guéri ne peut venir que de Dieu. Joa., IX, 33. Jésus-Christ établit la vérité de sa mission en accomplissant des œuvres qu’aucun autre n’a jamais faites. Joa., xv, 23. Après avoir vu la guérison subite du boiteux de Lystres, les païens proclament que les dieux sont descendus chez eux sous forme humaine, et, en Barnabe et Paul, ils saluent des êtres surhumains. Act., xiv, 11, 12. Il y a une conclusion qui s’impose au bon sens : tout acte qui dépasse les forces ordinaires de la nature est attribué instinctivement et légitimement à une puissance supérieure à la nature.

4. On oppose cette difficulté que, pour admettre la réalité du miracle, il faudrait fomaltre toute la puissance des forces, de la nature ; autrement, dit-on, ce serait s’exposer à attribuer à une cause surnaturelle un effet simplement dû à une cause naturelle encore inconnue. « Si nous ne pouvons indiquer exactement où le naturel finit et où le surnaturel commence, nous pouvons néanmoins acquérir une connaissance assez exacte des propriétés de l’un et de l’autre pour distinguer leurs effets. Pour savoir que, dans un cas donné, on a transgressé une certaine loi, il n’est nullement nécessaire de connaître le recueil entier des lois… D’ailleurs, accepter ces faits tels qu’ils se sont passés, les reconnaître pour historiques, mais les attribuer à une connaissance exceptionnelle des forces secrètes de la nature, c’est supposer un miracle non moins grand que ceux qu’il s’agit d’expliquer. Il restera toujours à dire comment une science si singulière, si unique en son genre, s’est rencontrée une fois dans le monde pour .n’y plus reparaître. » Hettinger, Apologie du christianisme, trad. De Felcourt et Jeannin, Paris, s. d., 1. ii, p. 188-190. Les miracles attribués à Moïse, à Jésus-, Christ, aux Apôtres, etc., sont en contradiction très nette avec certaines lois de la nature, et, comme deux lois naturelles ne peuvent être en contradiction mutuelle quand il y a identité de circonstances, il s’ensuit que Jesfaits qui impliquent une telle contradiction ne peuvent être d’ordre parement naturel. Telles sont les guérisons instantanées opérées d’un seul mot ? les résurrections de jnorts, l’obéissance des forces physiques de l’univers à ame influence purement spirituelle, etc.

5. On ne peut non plus poser en principe que les

miracles bibliques supposent la foi de ceux qui en sont l’objet, et qu’il y a là dès lors une sollicitation mal définie du moral sur le physique, qui peut expliquer certains faits extraordinaires. Il est vrai qu’en certains cas la foi est antécédente au miracle. C’est ce que l’on constate chez la Sunamite, IV Reg., IV, 28-37 ; chez les compagnons de Daniel jetés dans la fournaise, Dan., Hi, 17 ; chez plusieurs suppliants dans l’Évangîle, Matth., vm, 10, 18 ; ix, 2, 22, 29 ; xv, 28 ; Marc, ii, 5 ; v, 34 ; x, 52 ; Luc, v, 20 ; vii, 9, 50 ; viii, 48 ; xvii, 19 ; xviii, 42, etc. ; chez ceux qui appelèrent saint Pierre auprès de Tabitha. Act., ix, 38, 40, etc. Il faut aussi évidemment que la sainte Vierge ait eu la foi pour que la merveille de l’incarnation s’accomplit en elle. Luc, i, 38, 45. Notre-Seigneur dit même qu’avec une foi sincère, bien que relativement faible, on arriverait à commander à une montagne et à en être obéi. Matth., Xvn, 19 ; xxi, 21 ; Luc, xvii, 6. Néanmoins, dans la plupart de ces 1 cas, la foi qui intervient n’est pas la foi de celui qui est l’objet du miracle, c’est la foi d’un tiers, qui demande ou espère un miracle. Mais presque toujours, le miracle apparaît dans la Sainte Écriture comme moyen de persuasion, par conséquent comme un fait antécédent à la foi, destiné à la produire et n’y arrivant pas toujours, ainsi que le manifestent l’endurcissement du pharaon malgré les plaies d’Egypte et l’incrédulité des Juifs malgré les miracles opérés par le Sauveur. La lenteur des Apôtres et des disciples à croire à la résurrection de Notre-Seigneur, malgré fes prédictions si nettes et plusieurs fois répétées, est particulièrement significative à ce sujet. Marc, xvi, 14 ; Matth., xxviii, 17. Habituellement, dans la Sainte Écriture, les miracles apparaissent comme des moyens employés par Dieu pour manifester son action, accréditer ses envoyés et produire la foi dans les esprits ; ils ne peuvent donc être regardés comme des effets de cette foi qui n’existe pas encore.

4° Interprétation des récits miraculeux. — 1. Les récits miraculeux contenus dans les Livres Saints doivent être entendus dans le sens littéral, quand il n’y a aucune raison sérieuse qui oblige ou autorise à les entendre autrement. Les miracles de l’Évangile sont particulièrement dans cette condition. En dehors de leur caractère surnaturel, qui ne légitime contre eux aucune fin de non-recevoir, rien, dans les récits très positifs des évangélistes, n’induit à croire qu’il s’agit là soit d’allégories, soit de desbriptions poétiques ou hyperboliques. Si parfois il y a lieu d’interpréter naturellement un fait d’apparence surnaturelle, on ne peut le faire que dans la mesure où la saine raison et l’autorité de l’Église le permettent. Ainsi quelques auteurs ont pensé que, dans l’histoire de la piscine de Bethesda, l’agitation de l’eau par un ange n’était que l’ébullition naturelle et périodique de la piscine, expliquée d’après les idées populaires. Joa., v, 4. Cf. Fillion, Évang. selon S. Jean, Paris, 1887, p. 97. Alors même qu’on pourrait, à la rigueur, interpréter le texte en ce sens, d’après ce principe qu’on ne doit admettre le surnaturel que quand il s’impose, il n’en restera pas moins à respecter le caractère miraculeux d’un phénomène à la suite duquel un seul malade est guéri, quelle que soit la nature de sa maladie, et sans que l’eau garde ensuite aucune vertu curative.

2. Les récits miraculeux de l’Ancien Testament ont souvent à être interprétés d’une manière moins rigoureusement littérale. On a cru reconnaître, et l’Église laisse au moins enseigner que plusieurs de ces récits revêtent des formes poétiques, ailégorigues ou hyperboliques dont il est permis de les dépouiller pour arriver à la vérité historique. Dans l’EncycliqueProuidentissimus, voir t. i, p. xxix, le bouverain Pontife remarque que, quand les écrivains sacrés parlent des phénomènes naturels, « ils les décrivent d’une manière métaphorique ou en se servant du langage communément usité