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MIRACLE

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telles qu’en vertu d’une volonté qui les a établies dans l’état que nous constatons. Elles ne portent pas en elles-mêmes la raison d’être ce qu’elles sont. "Voilà pourquoi elles ne peuvent pas être connues a priori, comme les lois mathématiques ; elles ne le sont que par observation. C£ Pauvert, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1867, t. i, p. 90-95. Il n’y a donc pas à s’étonner si la volonté qui a primitivement fixé à son gré les lois de la nature soumet en certains cas la nature à des lois différentes, issues de la même initiative divine. L’auteur de la Sagesse, dans ses quatre derniers chapitres, s’appuie sur cet ordre d’idées pour montrer comment les mêmes forces naturelles, soumises aux ordres de Dieu, favorisent les Hébreux et châtient les Égyptiens. « La créature, soumise à vous, son Créateur, … se pliant à toutes les transformations, était aux ordres de votre grâce. » Sap., xvi, 24-25.

2° Raisons d’être du miracle. — Ces raisons sont multiples. La convenance du miracle ne peut guère être déterminée a priori ; car il y a toujours quelque présomption â déclarer que Dieu doit agir de telle ou telle façon, dans les choses qui dépendent de sa libre volonté. Mais étant données, d’une part, la puissance, la justice, la bonté et la sagesse infinies de Dieu, de l’autre la fragilité, les illusions et les défaillances de la volonté et de la raison humaine, il est aisé de saisir quelques-uns des motifs qui ont porté Dieu à faire des miracles. La Sainte Écriture manifeste ou insinue ces motifs.

1. Dieu fait des miracles pour rappeler à l’homme qu’il existe, en dehors et au-dessus de la nature, un Créateur et un Maître tout-puissant. « Ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour les hommes, car Dieu le leur a rendu manifeste. Depuis la création du monde, ses perfections invisibles, sa puissance éternelle, sa divinité sont visibles à l’esprit au moyen des créatures. Aussi sont-ils inexcusables, … pour avoir changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l’homme corruptible. » Rom., t, 19-23. « À travers les biens visibles, ils n’ont pu comprendre celui qui est, et, en considérant ses œuvres, ils n’ont pas reconnu le Créateur… Charmés de la beauté » des êtres créés, « ils les ont pris pour des dieux. » Sap., xiii, 1-3. « C’est pourquoi ils ont été tourmentés comme ils le méritaient par des êtres semblables à ceux-là. » Sap., xvi, 1, Le Seigneur fait donc des miracles pour rappeler à l’homme sa personnalité oubliée. Il dit au pharaon d’Egypte, par l’organe de Moïse : « Je vais envoyer toutes mes plaies contre ton cœur, contre tes serviteurs et contre ton peuple, afin que tu saches que nul n’est semblable â moi 3ur toute la terre. » Êxod., ix, 14. Cette pensée revient souvent chez les écrivains sacrés. Cf. Exod., ix, 29 ; x, 2 ; xiv, 4, 18 ; xxix, 46 ; Deut., iv, 35 ; xxix, 6 ; Ps. o (xcix), 3 ; Is., xlv, 3, etc. Cf. P. de Broglie, Les prophélies messianiques, Paris, 1904, t. Ji, p. 29-45.

2. Le miracle est aussi destiné à rappeler à l’homme, même croyant et fidèle, l’action perpétuelle de Dieu dans le monde. La Providence agit régulièrement, mais invisiblement. Son action continue passe inaperçue aux yeux des hommes inattentifs. Dieu se sert de merveilles extraordinaires pour attirer l’attention sur les merveilles ordinaires de son action directrice et conservatrice à l’égard de l’humanité. C’est ce qu’explique saint Augustin, In Joa., xxiv, 1, t. xxxv, col. 1593, à propos du miracle de la multiplication des pains. Pour obtenir ce résultat, Dieu se contente d’opérer lui-même immédiatement et instantanément des effets habituellement tributaires du temps et des causes secondaires. Cf. S. Thomas, Cont. Gent., iii, 99.

3. Très souvent le miracle a pour but d’accréditer les hommes auxquels Dieu confie une mission particulière. Il en est ainsi pour Moïse, Exod., ’iv, 2-9 ; vii, 8-10, etc. ; pour Josué, Jos., iii, 7-13 ; pour Gédéon, Jud., vi, 3640 ; pour Samuel, I Reg, , Hi, 20, 21 ; pour Élie, III Reg.,

xviii, 19-39 ; pour Elisée, IV Reg., ii, 13-15 ; pour Isaïe, Is., xxxviii, 7, 8 ; pour Daniel, Dan., ii, 28, 47 ; pour les Apôtres et les disciples du Sauveur. Matth., x, 8 ; Marc, xvi, 17, 18 ; Act., iii, 7, etc. Notre-Seigneur lui-même présente très formellement ses miracles comme preuve de sa mission divine. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1504-1507.

4. Enfin les miracles servent à confirmer la réalité soit des choses qui sont annoncées pour un avenir plus ou moins lointain, soit des faits d’ordre surnaturel que l’expérience ne peut constater directement. Ainsi l’ombre rétrograde sur le cadran d’Ézéchias pour attester la prolongation de vie qui lui est accordée. Is., xxxviii, 7, 8. Zacharie devient muet et donne par là à conclure qu’il a eu une vision dans le sanctuaire. Luc, i, 20-22. La maternité d’Elisabeth, avancée en âge, est indiquée à Marie pour la confirmer dans sa foi au mystère de l’incarnation accompli en elle-même. Luc, i, 36, 37. Les anges apparaissent à la crèche, Luc, ii, 9-14, et au sépulcre, Matth., xxviii, 2-5, pour manifester la divinité du nouveau-né et plus tard la réalité de sa résurrection. C’est pour cette raison que les miracles sont si souvent appelés des « signes » ; ils constituent des preuves visibles de faits qui échappent provisoirement ou définitivement à toute constatation immédiate.

3° Constatation du miracle. — Dans tout miracle, il y a à distinguer l’effet et la cause. L’effet peut tomber sous les sens ou l’ester inaccessible à tout procédé d’observation. — 1. Si le miracle, d’ordre purement spirituel, n’est pas constatable par les procédés ordinaires d’observation, il est ordinairement appuyé par des faits observables, qui lui servent de garantie. Ainsi, Dieu assistait invisiblement sou peuple à la sortie d’Egypte, et la colonne de nuée était le témoignage sensible de cette assistance. Exod., xiii, 21-22. La présence invisible de Dieu dans le temple de Salomon fut indiquée, au jour de la dédicace, par le feu et la gloire de Jéhovah que le peuple vit descendre sur l’édilice. II Par., vii, 2, 3. L’accomplissement du mystère de l’incarnation en Marie eut pour preuve sensible la maternité d’Elisabeth. Luc, i, 36. Le miracle invisible de la rémission des péchés du paralytique fut garanti par la guérison de l’infirme. Matth., ix, 6, 7 ; Marc, ii, 10, 11 ; Luc-, v, 24, 25. La présence du Saint-Esprit dans les Apôtres et les premiers fidèles se manifestait par le don des langues. Act., ii, 4 ; x, 46 ; xix, 6. En pareil cas, il n’y a qu’à tirer cette conclusion : le fait surnaturel invisible est vrai, puisque le fait surnaturel visible, apporté eii garantie du premier et en relation étroite avec lui, est régulièrement constaté.

2. Quand le miracle est accompli dans l’ordre physique, l’effet extérieur se constate exactement par les mêmes moyens que les effets purement naturels. Il n’est pas plus difficile à tout un peuple de voir que le Jourdain est à sec, de telle sorte qu’on puisse le traverser à pied sec, que de voir l’eau remplir ses bords. Jos., iii, 17. Quand Elisée eut ressuscité le fils de la Sunamite, celleci s’assura que la vie avait succédé à la mort avec autant de facilité et de certitude qu’elle en avait eu précédemment à constater que la mort avait succédé à la vie. IV Reg., IV, 20, 36, 37. Après sa guérison, la vision était aussi aisée à reconnaître chez l’aveugle-né que l’avait été auparavant la cécité. Joa., ix, 9, 10, 20, 21. Pour constater le côté sensible de l’effet miraculeux, les sens n’ont qu’à s’exercer dans leurs conditions ordinaires. Quelquefois le miracle a produit des modifications qui changent complètement la nature d’un corps. Les sens n’en sont pas moins aptes à saisir ce qui, dans le corps ainsi transformé, reste à leur portée. Les yeux de Moïse voient très sûrement qu’un buisson tout en feu ne se consume pas. Exod., iii, 2. Les serviteurs de Cana savent très bien qu’ils ont mis de.l’eau dans les auges de pierre et les convives sentent parfaitement que ce qu’ils boivent est du vin. Joa., ii, 9. À la transfiguration, les trois Apôtres