Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/574

Cette page n’a pas encore été corrigée
1095
1096
MILLÉNARISME


opinion de tons points orthodoxe. Dial. cum Tryph., 80-81, t. vi, col. 664-669. - Saint Irénée, Adv. hmres., 3235, t. vil, col. 1210-1221, croit que le inonde doit durer six mille ans et qu’ensuite viendront les mille ans du Christ. Il se référé à l’autorité de Papias et invoque des textes d’Isaïe, xxvi, 9 ; xxx, 25 ; lvhi, 14 ; de Jérémie, Xxm, 7 ; d’Ezéchiel, xxviii, 25 ; xxxvii, 12, et même de saint Matthieu, xix, 29. — Tertullien, Adv. Marc., iii, 24, t. ii, col. 355-356, admet le règne de mille ans et dit qu’il a traité ce sujet dans un livre. De spe fidelium, aujourd’hui perdu. Il invoque le témoignage d’Ezéchiel, XLViii, et de l’Apocalypse, xii, sur la nouvelle Jérusalem-Devenu montaniste, il ne s’en attacha que plus étroitement à une opinion que professaient les sectateurs de Montan. Il repoussait pourtant l’idée platonicienne, d’après laquelle les hommes, après un long séjour dans la tombe, doivent revivre pour contribuer à la reconstitution de la race humaine. De anima, 30, t. ii, col. 700. Cf. Platon, Respub., x ; Phed., trad. Callet, Paris, 1845, p. 187, 492. — Méliton de Sardes pense que l’empire romain, converti au christianisme, établira un jour le règne millénaire. Cf. Eusèbe, H. E., IV, 26, t. xx, col. 393.

— 3° La réaction contre le millénarisme fut portée à l’excès par les Aloges, qui allèrent jusqu’à attribuer à Cérinthe le quatrième Évangile et l’Apoealyse, pour mieux combattre les théories que les Montanistes en tiraient. Cf. S. Épiphane, Hier, ii, 2, t. xli, col. 892. Il faut avouer du reste que la faveur accordée par ces derniers au millénarisme contribua puissamment à le discréditer.

— S. Cyprien, malgré ses attaches avec Tertullien, ne dit mot des idées millénaristes de celui-ci et se contente d’affirmer que les âmes justes passent directement de ce monde à l’éternité bienheureuse. De moHal., ii, 15, t. iv, col. 592. — À Rome, au début du iiie siècle, Caïus dispute contre le montaniste Proclus et combat le millénarisme de Cérinthe. Cf. Eusèbe, H. E., vi, 20, t. xx, col. 572 ; S. Jérôme, De vir illust, 59, t. xxiii, col. 670 ; Théodoret, Hseret. fabul., it, 3, t. lxxxiii, col. 389. Il semble qu’il rejetait l’Apocalypse. Saint Hyppolyte, partisan décidé du millénarisme, s’applique à combattre Caïus. Cf. Ebed-Jesu, Capita adversus Caium, dans Gry, Le millénarisme, Paris, 1904, p. 91-95. — Clément d’Alexandrie ne touche pas à la question ; mais Origène, avec sa méthode allégorique, voit du plus mauvais œil le millénarisme, et, à travers bien des théories qui lui sont personnelles, conclut que les parfaits vont droit de la terre au ciel. De princip., II, xi, 2, 6, 7, t. xi, col. 241, 246. — Avec saint Méthode, l’idée millénariste se modifie : c’est seulement après le jugement que les justes doivent goûter sur la terre un repos de mille ans avec le Christ. Sympos., ix, 1, 5, t. xviii, col. 178. — Au milieu du me siècle ; Népos, évêque d’Àrsinoé, en Egypte, compose un Elenchus contre l’interprétation allégorique d’Origène et cherche à remettre en faveur les théories millénaristes. Denys d’Alexandrie le réfute avec succès, mais, dans ce but, sacrifie la composition de l’Apocalypse par l’apôtre saint Jean. Cf. Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 696. Saint Jérôme, In Is., xxui, t, xxiv, col. 627, dit qu’Apollinaire de Laodicée réfuta Denys ; saint Épiphane, Bmr. Lxxril, 36, t. xlii, col. 696, ne croit pas qu’Apollinaire ait soutenu les idées millénaristes ; mais le contraire est certain, puisque Vitalius et ses partisans suivaient les doctrines chiliastes d’Apollinaire. Cf. S. Grégoire de Nazianze, Ep. en ad Cledon., t. xxxvii, col. 197. — Bientôt la paix de l’Église et d’autres discassions autrement graves firent tomber dans l’oubli les doctrines du millénarisme en Orient. Au concile d’Êphèse, on ne les traitait plus que de « rêveries » et de « fables ». Labbe, CoU. teme., t. iii, p. 837. — 4° En Occident, le millénarisme est encore professé par Lactance, Divin. Institut., vii, 21, t. vi, col. 808 ; Jules Hilarien, Libel. de durât, tnùndi, 18, t. nu, col, 1105 ; Commodien, Carmen apot ; , 14, t. v, col. 235 ; saint Ambroise,

De bono mortis, 45-47, t. xiv, col. 560, qui s’appuie sur le quatrième livre d’Esdras, In Ps. t, 51-56, t. xiv, col. 951 ; In Ps. csrm, 3, 16, t- *▼> col. 1228 ; Victorin de Pettau, au rapport de saint Jérôme, De vir. illust., 18, 74, t. xxiii, col. 638, 684, car son commentaire de l’Apocalypse, t. v, col. 317, a été retouché ; Sulpice Sévère, Dial, Gallns, ii, 14, t. xx, col. 211, Cf. S. Jérôme, In Ezech., xxxvi, t. xxv, col. 339. — Là s’arrêtèrent les conquêtes de l’idée millénariste. À l’exemple d’Eusèhe, In Is., lxv, 23, t. xxi, col. 513, de saint Cyrille d’Alexandrie, In Is., lxv, 10, t. lxx, col. 1420, etc., qui reconnaissent dans l’Église la Jérusalem nouvelle des prophètes, saint Jérôme est très ferme contre le millénarisme, sans toutefois le condamner absolument, à cause des saints et savants personnages qui l’ont professé. In Is., xviii, t. xxiv, col. 627. Il reproche à ses partisans leurs conceptions terrestres et judaïques, In Is., lxvi, t. xxiv, col, 627, 651 ; In Ezech., xviii, 15, t. xxv, col. 339. Il explique que les prophéties d’Isaïe ont pour terme l’Église, In ls., i, 1 ; xiii, 18 ; liv, 13 ; lxv, 13, t. xxiv, col. 23, 205, 526, 641, et que l’Apocalypse doit être entendue dans le même sens. In Is., xxx, 26, t. xxiv, col. 350. Il ne se dissimule pas que son interprétation ne sera pas du goût de tous, mais il a conscience d’être dans le vrai en se tenant entre deux excès opposés, le millénarisme judaïque et charnel et l’hérésie qui nie la résurrection des corps. In ls., xviii, t. xxiv, col. 627. — Saint Augustin avait d’abord admis le règne de mille ans. De civ. Dei, xx, 7, t. xli, col. 667 ; Sertn. ceux, 2, t. xxxviii, col. 1197. Il se rattachait par là à son maître saint Ambroise. Mais ensuite, étudiant de plus près le chapitre xx de l’Apocalypse, il reconnaît et enseigne que, des deux résurrections dont parle saint Jean, la première doit s’entendre de la conversion des âmes et la seconde seule a pour objet les corps. Quant à la période millénaire, elle représente simplement le cours actuel des choses. De civ. Dei, xx, 6, 7, t. xli, col. 665-668. — S. Grégoire reproduit la même idée. Moral., xxxii, 22, t. lxxvi, col. 649. — Mais déjà l’hypothèse millénariste est discréditée en Occident comme en Orient, et le décret de Gélase range parmi les « apocryphes » les écrits de Népos, de Tertullien, de Lactance, de Montan, de Commodien, de Victorin, etc., qui l’ont patronnée. Labbe, CoU. conc., t. ix, p. 1264. — 5° Le décret de Gélase, à le supposer authentique, est le seul acte officiel par lequel l’Église ait stigmatisé le millénarisme. Ce système disparut de lui-même devant l’argumentation des Pères et aussi quand la conversion du monde et d’autres questions théologiques beaucoup plus graves détournèrent les esprits de l’attente par trop judaïque d’un règne temporel du Christ. Il n’y a donc pas d’accord général, ni surtout définitif des Pères en faveur du règne temporel. C’est l’explication allégorique et spiritua liste du texte apocalyptique qui a prévalu. L’accord unanime s’est fait depuis longtemps dans ce sens. L’interprétation spirituelle des passages eschatologiques d’Isaïe et de l’Apocalypse ne peut plus être écartée et maintenant fait loi dans l’Église. — 6° Au xvi » siècle, les anabaptistes et les mennonites ressuscitèrent le rêve millénariste et prétendirent établir e. le royaume de Dieu sur la terre ». Théoriquement, la conception chiliaste fut reprise au xixe siècle par des luthériens allemands et, au moins en partie et avec certaines modifications, par quelques catholiques, Pagani, The End of the World, 1856 ; Schneider, Die chiliast. Doctrin, 1859 ; Chabauty, Avenir de l’Église catholique selon le plan divin, 1890 ; Rohling, de Prague, En route pour Sion, trad. franc, de Rohmer, 1902, etc. L’ouvrage de Chabauty a été mis à l’index le 13 décembre 1896. Cf. Le canoniste contemporain, Paris, 1897, p. 120.

Voir J. C. Romig, De chiliasmb prxsenti, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 10421054 ; Corcodi, Gescfcic/ite des Chillasmus, Zurich, 1794 ;